L’équipe de Konbit Flanbwayan a arrêté ce 9 janvier une émission hebdomadaire très prisée qu’elle réalisait depuis 25 ans sur la radio communautaire CIBL de Montréal. Cette décision est intervenue après un conflit avec la direction de la station.
Depuis son lancement, AlterPresse était une partenaire très active de Konbit Flanbwayan, prenant la suite d’une collaboration de son éditeur, Gotson Pierre, avec ce programme radiophonique depuis 1991.
Lors de la dernière émission de Konbit Flanbwayan, Gotson Pierre a fait l’intervention publiée ci-dessous :
Dans notre culture, une poussière d’étoile qui se détache avec une trajectoire visible dans le firmament, est le signe d’un grand départ. La séparation, la douleur, le plus souvent inacceptable, sont à l’horizon. On redoute l’absenceÂ…
Durant les 13 dernières années de ma rencontre avec l’auditoire de Montréal à travers Konbit Flanbwayan sur CIBL, on a régulièrement eu des occasions de se séparer avec la promesse de se retrouver pour des nouvelles d’Haiti en direct de Port-au-Prince. Mais cette fois, ce ne sera pas tout-à -fait le cas.
Et puisqu’il en est ainsi, il est de bon ton de rappeler que notre participation à Konbit Flanbwayan a toujours été une contribution pour aider à cerner la réalité haïtienne. C’était tout au moins le propos.
Nous sommes arrivés à Konbit Flanbwayan à mi-parcours de l’expérience en 1991. Collaboration ponctuelle, au lendemain du sanglant coup d’Etat militaire du 30 septembre 1991 contre le Président démocratiquement élu Jean Bertrand Aristide. Répression féroce contre les mouvements sociaux et la presse. Le bâillon. Il fallait en ces moments extrêmement difficiles vous apporter l’information, pour rompre le silence sur le processus haïtien et vous fournir des données indispensables pour comprendre la situation et entreprendre des initiatives en appui à la quête démocratique du peuple haïtien.
C’est un processus que nous avons suivi et dont l’évolution a été observée étape par étape, puisque, notre collaboration avec Konbit Flanbwayan s’est vite systématisée et est allée bien plus loin que les 3 ans qu’a duré le coup d’Etat militaire du général Raoul Cédras en Haiti.
Depuis, il n’y a pas un grand moment de la vie haïtienne qui n’ait fait l’objet d’information en direct d’Haiti sur Konbit Flanbwayan. Retour à l’ordre constitutionnel et intervention américaine, puis de l’ONU, en 1994, fin de mandat bouleversée d’Aristide en 1996, volontarisme, hésitations et début de crise institutionnelle sous René Préval, retour d’Aristide dans un contexte de polarisation politique accrue en 2001, montée en puissance des bandes armées lavalas, pratiques systématiques de violations de droits humains, accroissement de la corruption, blocage de l’aide internationale, problèmes économiques et sociaux, départ contraint d’Aristide sous la pression conjuguée de forces sociales, groupes armés mais surtout de la communauté internationale qui intervient à nouveau en 2004, balbutiements de l’administration provisoire de Boniface Alexandre dans un environnement dominé par les décideurs internationaux, et puis les catastrophes naturelles, mais aussi des réalisations socio-culturelles et autres initiatives citoyennes.
Nous avons essayé de rapporter au mieux les éléments jugés les plus significatifs de la réalité du pays. Nous avons tenté aussi d’interpeller les secteurs les plus divers en ayant en tête que les voix de la majorité n’ont pas toujours accès aux médias.
Le travail d’information a été fait en toute honnêteté avec un souci du respect de la vérité, essayant chaque fois de mettre en relief les nuances d’une situation extrêmement complexe.
Nous n’avons certes pas été exhaustif. Ce n’était pas possible. En information, ce n’est jamais possible. Nous avons sûrement péché. Ce qui n’est pas rare dans le traitement de faits sociaux. On ne prend pas tout le temps toutes les précautions qu’il faut. Le journalisme, ce n’est pas les mathématiques. Mais, même en mathématiques, on peut se tromper.
Il est bon de souligner que notre collaboration avec Konbit Flanbwayan, au-delà d’une relation institutionnelle, a été, dans une large mesure, un engagement personnel et volontaire, qui est resté inchangé, en dépit d’événements ponctuels survenus dans notre carrière professionnelle. Sauf qu’avec AlterPresse, réseau alternatif haïtien d’information du Groupe Médialternatif, un relaie était possible avec d’autres journalistes qui pouvaient combler les absences.
Konbit Flanbwayan cadrait bien avec notre démarche de service d’information basé sur une vision holistique dans un contexte de révolution technologique, centrée particulièrement sur les outils et moyens de communication.
Nous saluons notre collaboration avec Konbit Flanbwayan. Notre parcours en gardera pour toujours l’empreinte. Nous resterons aussi marqués par l’engagement désintéressé de chaque membre de l’équipe.
Au public, nous disons merci pour sa précieuse attention et sa confiance, sans laquelle notre métier n’aurait aucun sens. Vous pourrez certainement continuer à vous connecter sur AlterPresse www.alterpresse.org pour prendre connaissance des informations sur Haiti et les processus politiques, économiques, sociaux et culturels. En attendant, qui sait, de pouvoir à nouveau, un jour, communiquer avec vous de vive voix.
A Port-au-Prince,
Gotson Pierre pour Konbit Flanbwayan, CIBL
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