P-au-P, 10 oct. 2016 [AlterPresse] --- L’Observatoire binational pour la migration, l’environnement, l’éducation et le commerce (Obmec) dénonce une banalisation continuelle du massacre, orchestré, en octobre 1937, par la République Dominicaine contre des milliers d’Haïtiens.
Le plus gros problème de ce massacre réside dans le fait que des Dominicaines et Dominicains n’y reconnaissent pas leur responsabilité et le banalisent, fustige Colette Lespinasse, membre du comité migration de l’Obmec et également ex-coordonnatrice du Groupe d’appui aux rapatries et réfugiés (Garr).
L’année 2017 marquera les 80 ans de ce massacre, qui a coûté la vie à environ 25 à 35 mille Haïtiens. Cette tuerie a été commise par des militaires dominicains sous l’ordre du dictateur Rafael Leonidas Trujillo.
Il faut une reconnaissance mutuelle des deux pays pour commémorer ce massacre, souhaite Lespinasse.
Jusqu’à date, l’État haïtien, à travers ses dirigeants, n’affiche pas une posture qui montre réellement qu’il veut justice pour ces gens, déplore-t-elle.
L’arrêt 168-13 (en date du 23 septembre 2013) de la cour constitutionnelle dominicaine, qui a enlevé la nationalité à plusieurs milliers de Dominicaines et de Dominicains, pour la plupart d’ascendance haïtienne, a été pris, parce que les dirigeants haïtiens ne traitent pas mieux leurs compatriotes, estime-t-elle.
Elle encourage à demander justice et réparation pour ces milliers d’Haïtiens, massacrés en territoire voisin.
« Si migrer dans un pays est un droit, il faut que nous demandions aux dirigeants haïtiens de créer des conditions, pour que les Haïtiens puissent rester au pays, sans être obligés de partir et d’exposer leurs vies », recommande-t-elle.
Depuis la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, la République Dominicaine a eu toute une politique de promotion de l’émigration blanche, parce qu’elle se sentait menacée dans sa position sur l’ile avec les Haïtiens, souligne le responsable de la thématique Migration au sein de l’Obmec, Jean-Marie Théodat.
Lorsque le massacre a eu lieu en 1937, l’élite haïtienne et le pouvoir politique ont manifesté « une émotion extrêmement distinguée et polie », critique-t-il.
Le contexte international n’a pas été favorable aux noirs et le pouvoir politique haïtien a mal réagi, rappelle-t-il.
Le gouvernement haïtien va accepter, sans trop de difficultés, une indemnisation d’une valeur de 750 mille dollars américains, regrette-t-il.
« Le massacre de 1937 n’est pas un massacre de civils par d’autres civils, ni une guerre ethnique. Ce n’est pas un conflit nationaliste entre Haïtiens et Dominicains mais plutôt le massacre d’une population civile par des soldats, sous la commande d’un chef d’État ».
Théodat invite, malgré tout, la population haïtienne, notamment les intellectuels et les autorités politiques du pays, à pardonner pour ce massacre. [bd emb gp apr 10/10/2016 15 :25]