Español English French Kwéyol

Haïti-Droits humains : Suspension, jusqu’à nouvel ordre, des services de la Fokal

après de "graves menaces" à l’annonce du festival sur les réalités Lgbti

Depuis plusieurs années, l’Organisation des Nations unies (Onu) demande de « combattre la discrimination sur la base de l’orientation et de l’identité sexuelles ».

P-au-P, 30 septembre 2016 [Alter Presse] --- « Suite à la diffusion d’appels au meurtre et à la destruction des lieux », le Conseil d’administration et la direction de la Fondation Connaissance et liberté (Fokal) décident de « suspendre, jusqu’à nouvel ordre, les services de la fondation au public et lecteurs », apprend l’agence en ligne AlterPresse.

Dans une infolettre, en date du 29 septembre 2016, la Fokal « réitère son engagement à demeurer un espace inclusif de débats et de promotion du dialogue, dans la perspective de la construction d’une Haïti, respectueuse des droits et libertés individuelles et collectives, notamment la liberté d’expression et d’association ».

Cette décision de la Fokal est prise après « de graves menaces » sur son personnel et ses locaux, à l’annonce du festival culturel de projection de films, dénommé massimadi.

A ce festival, programmé du 27 au 30 septembre 2016, à Port-au-Prince et Pétionville, l’association Kouraj, initiatrice des activités culturelles projetées, entendait exposer les réalités des communautés Lesbiennes, gays ou homosexuels, bisexuels, transgenre et intersexes (Lgbti).

Ce festival a été reporté à une date ultérieure, vu les agressions et l’intolérance d’homophobes, qui voudraient régenter les droits de ces communautés Lgbti.

« L’homophobie désigne les manifestations de mépris, de rejet et de haine envers des personnes, des pratiques ou des représentations homosexuelles ou supposées l’être. Est homophobe toute organisation ou individu rejetant l’homosexualité et les homosexuels, et ne leur reconnaissant pas les mêmes droits qu’aux hétérosexuel-le-s, selon la définition de SOS Homophobie (définition citée dans un article de l’Observatoire des inégalités, intitulé « hétérosexuels et homosexuels : histoire d’une lente évolution vers l’égalité »).

Une hypocrisie et une violation de droits humains, dénoncée par de nombreuses voix qui s’élèvent contre les intentions de violence, ouvertement manifestée, en Haïti, par des parlementaires, des autorités gouvernementales, des enseignants et autres qui prétendent bannir des droits humains (droit d’association et autres) universellement reconnus.

« Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation », indique l’article 2.1 de la déclaration universelle des droits humains du 10 décembre 1948.

Depuis le 17 mai 1990 [1], l’Organisation mondiale de la santé (Oms) a retiré l’homosexualité de la classification internationale des maladies.

« Il s’agissait là d’une étape importante. Pourtant, plus de vingt ans plus tard, la stigmatisation et la discrimination contre les homosexuels existent encore, et peuvent conduire à un accès limité aux services de santé et à la non-réalisation des objectifs des programmes de santé », peut-on lire dans un texte, intitulé « mettre fin à la discrimination contre les hommes et les femmes homosexuels » et publié, le 17 mai 2011, sur le site du bureau régional de l’Europe de l’Oms.

« La discrimination, sur la base de l’orientation sexuelle, peut accroître la vulnérabilité à la dépression, à l’anxiété et à la toxicomanie chez les adolescents et les adultes ; attise la violence ; entrave l’accès aux services de santé en raison de la stigmatisation ; et accroît le risque de contracter des maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH ».

Rappelant combien « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » (article 1er de la déclaration universelle des droits humains, 10 décembre 1948), les Nations unies appellent, depuis 2010, à « combattre la discrimination sur la base de l’orientation et de l’identité sexuelles », souligne le site Internet du bureau du Haut Commissaire sur les droits humains [2] des Nations unies. [rc apr 30/09/2016 10:00]


[1La Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie (Idaho : « International day against Homophobia ») est célébrée le 17 mai.

Cette journée a pour but de promouvoir des actions de sensibilisation et de prévention, pour lutter contre l’homophobie, la lesbophobie la biphobie et la transphobie.

La première journée a eu lieu le 17 mai 2005, soit 15 ans, jour pour jour, après la suppression de l’homosexualité de la liste des maladies mentales de la classification internationale des maladies publiée par l’Organisation mondiale de la santé, à savoir le 17 mai 1990.

Depuis 2005, la journée Idaho (International day against Homophobia and Transphobia) mobilise l’opinion publique sur les problèmes liés à l’homophobie et à la transphobie par le biais de colloques, de manifestations de rue ou d’événements artistiques.

La date du 17 mai a été choisie pour commémorer la décision de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), en 1990, de retirer l’homosexualité de la liste des troubles du comportement. Lancée en 2005 et coordonnée au niveau international par le comité Idaho, cette journée est aujourd’hui célébrée dans plus de 60 pays à travers le monde.

La Déclaration de Montréal sur les droits humains des Lgbt aussi demande reconnaissance de cette journée par l’Onu et tous les pays. / Source : wikipédia

[2Les Nations Unies prennent position (extraits)

« L’Organisation des Nations Unies est déterminée à combattre toute forme de discrimination.

Depuis des années, l’Organisation s’est consacrée à lutter contre la discrimination raciste ou sexiste, ainsi que contre la discrimination fondée sur l’état de santé, les handicaps physiques ou les croyances religieuses.

Plus récemment, l’Onu s’est penchée sur la question de la discrimination fondée sur l’orientation et l’identité sexuelles. Les lesbiennes, les homosexuels et les personnes bisexuelles et transgenres (Lgbt) sont particulièrement sujets à une foule de violations de leurs droits fondamentaux, y compris la violence homophobe, les meurtres, la détention arbitraire, le viol, la discrimination en milieu de travail, et la discrimination en matière d’accès à des services de base tels que le logement et les services de santé.

Dans plus de 70 pays, il existe des lois qui criminalisent l’homosexualité, exposant ainsi des millions de personnes au risque d’être appréhendées, incarcérées, voire exécutées.

Le Secrétaire général de l’Onu, la Haut-Commissaire aux droits humains et les hauts dirigeants de plusieurs organisations des Nations unies ont tous pris position, en préconisant la décriminalisation de l’homosexualité à l’échelle mondiale et d’autres mesures visant à protéger les personnes de la violence sur la base de leur orientation ou de leur identité sexuelles.

Les organes conventionnels des Nations unies, qui s’occupent de droits humains, sont chargés de vérifier dans quelle mesure les États parties s’acquittent des obligations, qui leur incombent, aux termes de traités internationaux dans ce domaine.

Ces organes ont constamment affirmé que les États sont tenus, selon les dispositions des traités actuels, de protéger leurs citoyens de la violence fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelles.

De même, les rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail, chargés, par le Conseil des droits humains, de rendre compte des situations problématiques, ont produit des dizaines de rapports et de déclarations, et lancé des appels, mettant en lumière la vulnérabilité des personnes Lgbt aux violations de leurs droits fondamentaux et demandant aux États d’abroger les lois et politiques discriminatoires » .

Propos du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies

« En tant qu’hommes et femmes de conscience, nous rejetons la discrimination sous toutes ses formes, et plus particulièrement la discrimination fondée sur l’orientation et l’identité sexuelles.

Lorsque des personnes sont agressées, maltraitées ou incarcérées en raison de leur orientation sexuelle, nous nous devons de prendre position...

Aujourd’hui, nombreux sont les États, qui sont dotés d’une constitution moderne, garantissant les droits et libertés fondamentaux des citoyens. Pourtant, l’homosexualité est considérée comme un crime dans plus de 70 pays.

C’est injuste.

Certes, nous reconnaissons que les attitudes des collectivités sont des phénomènes complexes. Et que les changements sociaux exigent du temps.

Mais qu’on se le tienne pour dit : lorsqu’il existe un conflit entre les attitudes culturelles et les droits universels des personnes, les droits de l’homme doivent l’emporter.

La désapprobation d’une personne, voire d’une société, ne peut, en aucun cas, justifier l’arrestation, la détention, l’incarcération, le harcèlement ou la torture. Jamais ». - Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, 10 décembre 2010