Débat
Par Dr Jean Ford G. Figaro*
Soumis à AlterPresse le 22 septembre 2016
La médecine, l’art de conserver la santé présente et de rétablir celle qui est altérée.
Galien
Depuis le premier débat télévisé aux États-Unis d’Amérique, le 26 septembre 1960, entre les candidats Richard Nixon et Jhon Kennedy, les déclarations et attitudes des hommes politiques, tous azimuts, sont scrutés et expertisés sous toutes leurs formes. Il était de l’habitude de nos philosophes et penseurs contemporains de répéter souvent l’aphorisme "Errare humanun est" qui est devenu plus tard un postulat d’une certaine valeur scientifique. Il n’est pas superflu de surajouter "Perseverare diabolicum’’. Ainsi, l’erreur est humaine mais soulignons aussi, que y persévérer est diabolique.
Pendant les cycles de campagne électorale, il est de tradition lors des débats électoraux, de regarder des candidats ou politiciens dire des choses qui pourraient même leurs coûter, un départ précipité de la course électorale ou de la vie politique. De nos jours, les politiciens sont devenus la cible des moqueries et des rires. Un comédien américain, Lewis Black, avait même déclaré que les hommes politiques sont leur source d’inspiration et que sans leurs bêtises, la comédie ou des fois la tragi-comédie n’aurait pas sa place dans la société d’aujourd’hui. Les exemples de lapsus sont légions : l’ex vice candidate à la présidentielle américaine de 2008, Sara Palin, disait qu’elle pouvait voir la Russie à partir de sa maison en Alaska. C’est le cas aussi pour le premier ministre français Manuel Val, qui avait confondu l’océan pacifique avec l’océan indien.
Ces genres de bévues touchent aussi les présidents, l’ancien chef d’état français, Nicolas Sarkosy, avait prononcé un lapsus à forte connotation historique lors des vœux présidentiels en 2011, il avait confondu Alsace et l’Allemagne. Francois Hollande n’est pas lui même épargné, invité au Japon, il s’est trompé sur l’état insulaire avec la Chine.
Le président Obama avait commis l’erreur de parler de 57 états …….
Après les déclarations du candidat à la présidence de LAPEH, Jude Celestin, dans le pseudo-débat organisé par le GIAP, hier 20 septembre 2016, sur la formation "d’un médecin en deux ans d’études", les réactions ont plu sur les réseaux sociaux, et les commentaires les plus uns plus acerbes que l’autre, ont défrayé la chronique sur cette mésaventure du candidat.
Avant de procéder d’avantage, il convient de dire que la médecine est une science doublée d’un art, qui a pour objet l’étude, le traitement et la prévention des maladies. Au cours des années, la médecine a été diversement définie, la connaissance du médecin doit renfermer toutes les données sur la physiologie, la pathologie et la thérapeutique en vue de résoudre les problèmes de ses patients.
Il est à rappeler au candidat que le corps est un système multi-complexe, le jeune apprenti médecin en deux ans ne domine même pas encore, les sciences de base telles que : l’anatomie, la physiologie, la biochimie.
La formation médicale comprend deux phases : la formation de base et la formation continue.
La formation de base est organisée en deux cycles d’études départageant sept (7) années. Le premier cycle correspond aux deux premières années qui assurent en grande partie les enseignements pré-médical et médical de base.
Le second cycle correspond elle-même aux cinq (5) autres années qui prend en charge la formation au niveau clinique et les enseignements médicaux.
La formation continue comprend le troisième cycle des études médicales qui se réfèrent aux études spécialisées post-graduées.
Parler de formation médicale en deux ans constitue un rêve fabuleux et une promesse électorale invraisemblable et irréalisable.
On peut comprendre, peut-être, que Mr célestin a voulu exposer l’un des problèmes du système des soins en Haiti, la disponibilité des médecins dans les hôpitaux. Selon le rapport sur le développement humain du PNUD, Haiti est un pays à développement humain faible et une distribution fortement inégale de ce dernier. La mortalité maternelle reste parmi les plus élevés du monde avec 630 décès pour 100.000 naissances vivantes. Seules 26% des femmes bénéficient d’un accouchement assisté par un personnel qualifié et seulement 6,4% des femmes les plus pauvres jouissent de ce droit.
La moyenne est de 5.9 médecins ou infirmières pour 10 000 habitants, Haiti est loin de la norme minimale de 25 professionnels pour 10.000 habitants.
Le candidat a peut-être compris, qu’il n’y a pas de santé sans un personnel qualifié et qu’il est indispensable de développer une formation médicale adaptée aux besoins de la population haïtienne. Haïti, selon une enquête de l’Organisation Panaméricaine de Santé (OPS) occupait la dernière position en 2013, comme le pays ayant la plus faible densité de ressources humaines médicales, 3.5 professionnels de la santé.
L’autre impair du candidat, c’est la confusion entre médecin et docteur en médecine.
Pour avoir réalisé et bouclé avec brio et succès les sept années de médecine, les universités confèrent le titre de docteur en médecine à tous les médecins gradués. Donc un médecin est un docteur en médecine. Au Canada comme aux Etats-Unis, il est équivalent au Juris Doctor pour les avocats.
En deux ans, on peut former un agent de santé communautaire, un technicien de santé ou un charlatan de la médecine, jamais un médecin.
Le terme "erreur" est étymologiquement lié au verbe "errer", c’est-à-dire faire fausse route. Le candidat s’est trompé.....
Il se pourrait que ce soit un lapsus, le candidat a substitué sa pensée, un lapsus linguae.
Dans les deux cas, c’est une grave légèreté et l’éventuel président du pays doit rapidement rectifier le tir et présenter son regret. Mr le candidat, à plusieurs reprises, les candidats Hillary Clinton et Donald Trump ont présenté leurs excuses pour avoir dit quelque chose de troublant. Corrigez, je vous en prie, Errare humanun est, Perseverare humanun".
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*Expert en gestion des urgences médicales de santé publique.
Boston University !