P-au-P, 14 sept. 2016 [AlterPresse] --- A travers la Fédération nationale des maires d’Haïti (Fenamh) et du regroupement des conseils d’administration de sections communales, les collectivités territoriales - municipalités et Conseils d’administration de sections communales (Casec) - projettent des actions, visant à bloquer différentes municipalités et sections communales, au cas où le gouvernement ne ferait pas retrait de sa décision d’utiliser une partie (350 millions de gourdes) des fonds des collectivités territoriales, « en vue d’émettre des cartes-cadeaux anonymes d’une valeur de 2, 500.00 gourdes » (Ndlr : US $ 1.00 = 66.00 gourdes ; 1 euro = 77 gourdes ; 1 peso dominicain = 1.50 gourde aujourd’hui), selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.
Les représentantes et représentants élus des collectivités territoriales ont clairement exprimé cette revendication, lors d’une manifestation, tenue, le lundi 12 septembre 2016, devant le siège social de la Cour supérieur des comptes et du contentieux administratif (Csc/ca), à l’Avenue Christophe, à Port-au-Prince.
« Dépourvues de moyens, les collectivités territoriales ont besoin de cet argent pour faire fonctionner leurs communes et sections communales respectives. Si la décision gouvernementale s’avère vraie, ce serait une violation et un détournement de fonds, punis par la loi », déclare la mairesse principale de la commune de Tabarre (au nord-est de la capitale), Nice Simon, lors de la mobilisation du 12 septembre 2016.
Le sit-in du 12 septembre 2016 visait, non seulement à dénoncer ce détournement de fonds, mais aussi à exiger, de la Csc/ca, un rapport d’audit sur le fonds de gestion des collectivités territoriales.
L’objectif du mouvement, en cours dans les collectivités territoriales, serait, plus globalement, de réclamer de l’appui à la lutte des élus pour la décentralisation et la fourniture des services de base à la population.
Des retards de paiement de traitements sont enregistrés, depuis plusieurs mois, pour beaucoup de municipalités et de Conseils d’administration de sections communales, à côté d’autres urgences non satisfaites dans les collectivités territoriales.
Les mairies, qui accuseraient une dette de 246 millions de gourdes, sont dans l’incapacité de fonctionner et de payer leurs fonctionnaires, souligne le président de la Fenamh, Jude Édouard Pierre, également maire de la commune de Carrefour et ancien agent exécutif intérimaire de cette municipalité sous l’ancienne administration politique de Joseph Michel Martelly.
Dans une lettre en date du 31 août 2016, adressée au gouverneur de la Banque centrale, Jean Baden Dubois, et signée des titulaires François Anick Joseph et Yves Romain Bastien, les ministères de l’intérieur et des collectivités territoriales ainsi que de l’économie et des finances ont demandé « de préparer un chèque de 350 millions de gourdes, à partir des disponibilités du compte 111-250-088 (Contributions au fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales / Cfgdct), en vue d’émettre des cartes-cadeaux anonymes d’une valeur de 2,500.00 gourdes, à l’occasion de la rentrée académique 2016 – 2017 ».
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement d’Enex Jean-Charles aurait commencé à distribuer, de manière non transparente, des bons de 10 mille gourdes et plus à des particuliers, selon les informations disponibles.
Déterminer les vrais besoins des collectivités territoriales
La commission « éthique et anti-corruption » au sénat de la république compte discuter, avec les élus, des priorités des collectivités territoriales et exiger l’allocation des fonds (des collectivités territoriales) aux besoins véritables des municipalités et sections communales.
Pas question pour le gouvernement d’Enex Jean-Charles de transférer les 350 millions de gourdes aux délégués et vice-délégués, selon les sénateurs qui ont rencontré, le mardi 13 septembre 2016, le titulaire du Ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales (Mict).
En réalité, il s’agit d’un montant de 500 millions de gourdes, a révélé le titulaire de l’intérieur et des collectivités territoriales, François Anick Joseph, au terme d’échanges, le 13 septembre 2016, avec la commission « éthique et anti-corruption » au sénat de la république.
Les mairies seront associées à la distribution de ces « cartes-cadeaux anonymes », annonce Joseph.
Le Mict met en avant l’existence d’une loi, remontant à 1996, qui, en l’absence du conseil d’administration des fonds des collectivités territoriales, autoriserait le gouvernement à décider du mode d’utilisation de ces fonds.
Intentions gouvernementales cachées, en rapport aux élections du 9 octobre 2016 ?
Des interrogations continuent de peser sur l’utilisation, irrégulière, de 350 millions de gourdes, puisées des fonds des collectivités territoriales, par le gouvernement d’Enex Jean-Charles, pour donner des cartes-cadeaux anonymes à des particuliers.
L’opinion publique soupçonne des intentions politiques cachées, pour s’attirer les votes d’électrices et d’électeurs, au profit de certains candidats, lors des prochains scrutins prévus pour le 9 octobre 2016.
« On ne retrouvera aucune trace de cet argent, parce qu’en réalité une partie sera empochée par des particuliers et l’autre partie servira à financer la campagne de candidats pour les élections prévues les 9 octobre 2016 et 8 janvier 2017 », anticipe le coordonnateur du Groupe de recherche et d’interventions en développement et en éducation (Gride), André Lafontant Joseph, lors du sit-in du 12 septembre 2016.
Considérant l’attribution des cartes-cadeaux anonymes « comme une façon de gaspiller les 350 millions de gourdes », le Gride appelle la population à se mobiliser pour demander l’arrestation des deux signataires de la lettre, en date du 31 août 2016 - ordonnant le décaissement des 350 millions de gourdes, à l’ordre de la Banque nationale de crédit (Bnc, banque commerciale d’Etat) – ainsi que l’arrestation de tous ceux impliqués dans la dilapidation des fonds des collectivités territoriales.
Cette décision, du gouvernement d’Enex Jean-Charles montre le mépris affiché vis-à-vis des collectivités territoriales, parce que la Constitution de 1987 fait injonction à l’État de respecter l’autonomie des mairies et la décentralisation des collectivités, critique le représentant de l’Assemblée de la 7e section communale (Asec) de Saint-Michel de l’Attalaye (département de l’Artibonite), Giordany Coq, également président de la Fédération nationale des Asec d’Haïti (Fenasech).
Avec l’appui des municipalités, des Conseils d’administration des sections communales (Casec) et des Asec, Coq menace de boycotter la présidentielle et les législatives partielles, prévues pour le 9 octobre 2016, au cas où le gouvernement refuserait de faire retrait de cette décision.
Quarante (40) à cent vingt (120) millions de dollars américains, provenant du Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales (Fgdct) ont été retenus ou détournés par les titulaires des ministères de l’Intérieur et des Finances, qui se sont succédé durant le quinquennat de l’ancien président, Michel Martelly (2011 à 2016), en solidarité avec les autres ministres, ont dénoncé plusieurs institutions dont le Gride, Citoyens sans frontière (Csf) et différentes personnalités, dans un document transmis à AlterPresse, en mars 2016.
Depuis plusieurs années (plus de dix ans), les montants de taxes, prélevées sur les citoyennes et citoyens à titre de fonds des collectivités territoriales, ne sont jamais inscrits dans les budgets ou lois annuelles de finances pour les différents exercices fiscaux.
Ce qui laisse à penser d’une utilisation « discrétionnaire », voire « arbitraire » (sans transparence, ni concertation) des fonds des collectivités territoriales, par les différents gouvernements qui se sont succédé en Haïti. [bd emb rc apr 14/09/2016 2:00]