« La destitution de la presidente Dilma Rousseff, par le sénat du Brésil, est préoccupante et a des implications regionales, dont l’examen justifie la tenue d’une réunión extraordinaire des chanceliers. Dans ce sens, le secrétaire général de l’Unasur, l’exprésident de Colombie, Ernesto Samper Pizano, est en train de conduire des consultations auprès des ministres des affaires étrangères de l’Union des nations sud-américaines », exprime la Unasur dans un communiqué émis le jeudi 1er septembre 2016.
Par Wooldy Edson Louidor
Bogotá, 1er septembre 2016 [AlterPresse] --- L’Amérique du Sud est profondément affectée par la destitution de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, hier mercredi 31 août 2016, par le Sénat, suite à un « jugement politique », observe l’agence en ligne AlterPresse.
Quel coup ?
61 sénateurs contre 20 ont voté pour le départ définitif de la première femme à occuper le palais de l’Alvorada à Brasilia, depuis son élection en 2010.
Le coup du Sénat contre la mandataire, suite à une bataille acharnée depuis des mois, est presque consommé.
Pour certains, c’est un « coup d’Etat ».
Pour d’autres, il s’agit d’un « coup politique », qui respecte les règles du jeu démocratique.
Cependant, un fait est certain : à Dilma Rousseff, il ne reste que peu de recours pour revenir au pouvoir.
Entre-temps, l’Amérique du Sud est sous le choc.
Des questions vont et viennent
S’agissait-il d’un « jugement », ou d’un « spectacle purement rhétorique », entre la présidente et les 81 sénateurs au Parlement brésilien, sans aucun débat de fond ?, se demandent plus d’un.
Concrètement, quelles sont les preuves, qui démontrent la responsabilité directe ou l’implication indirecte de Dilma Rousseff, dans les actes de corruption, dont on l’accuse ?, s’indignent d’autres, pointant du doigt l’injustice dont la mandataire serait victime.
Peut-on parler de « jugement », quand la décision des sénateurs de destituer Dilma Rousseff était déjà prise ?, soupçonnent d’autres, en plus.
Entre indignation et espoir
L’indignation semble généralisée face à l’impeachment, qui ne cesse pas de soulever des soupçons (fondés ou non) sur le projet, longuement caressé, du président successeur Michel Temer (qui était le vice-président de Dilma Rousseff), de la droite brésilienne, et de l’élite néolibérale (nationale et internationale) de donner une autre direction au Brésil.
Serait-ce un coup monté contre le projet « populiste » de Luis Inacio (Lula) Da Silva et de sa dauphine, Dilma Rousseff, et en faveur d’un projet néolibéral ?
Il semblerait que tout n’est pas encore perdu : la mandataire destituée compte épuiser tous les recours légaux et politiques à disposition.
Aujourd’hui, elle vient de faire appel, auprès de la plus haute Cour de justice du Brésil, contre ce qu’elle qualifie de « coup d’Etat ».
Les chances de réussite sont très minces, mais cette lutteuse sociale de longue haleine ne compte pas faire marche arrière.
Conflit d’interprétations
Si la nouvelle de la destitution ne représente aucune surprise pour personne, puisque le Sénat brésilien (dans sa grande majorité) était plus que déterminé à consommer l’impeachment contre Dilma Rousseff : les jeux étaient déjà jetés.
Cependant, en confirmant, le mercredi 31 août 2016, cette nouvelle, plus d’un sont restés les yeux écarquillés et la bouche bée : devant l’écran de télévision, d’ordinateur ou de portable.
D’un côté, un secteur, surtout de la droite, chante la victoire, en arguant la transparence du processus de destitution, qui aurait été en « bonne et due forme ».
Il n’y aurait aucun coup d’Etat, mais il s’agirait plutôt de la conséquence d’une gestion budgétaire gouvernementale, ponctuée par la corruption (sous forme de manipulation comptable pour maquiller le budget national) et qui aurait permis à la présidente de se faire réélire, en 2014, tout en jetant le pays dans la crise économique et d’autres malheurs.
De l’autre côté, les supporters de Dilma Rousseff, les pays amis de l’ex-cheffe d’Etat - tels que l’Équateur, le Brésil, la Bolivie, Cuba, le Nicaragua - et d’autres voix très critiques - comme l’ex-président uruguayen José Mujica - dénoncent la destitution.
Ils y voient un attentat contre la démocratie au Brésil et en Amérique Latine.
D’autres pays, qui, comme la Colombie, maintiennent un profil bas, ne se prononcent pas (encore ?) sur cette secousse géologique, qui fait trembler la région.
L’ambiance est tendue en Amérique du Sud.
Après Dilma Rousseff, ce pourrait être le tour du voisin Nicolás Maduro, au Venezuela, dans le cadre du projet de référendum révocatoire, impulsé par l’opposition au chavisme.
Pour l’instant, les yeux sont fixés sur l’Union des nations sud-américaines (Unasur) [1], qui a publié, aujourd’hui 1er septembre 2016, un communiqué, sur les derniers événements au Brésil, dans lequel elle se dit préoccupée par la destitution de la mandataire brésilienne, Dilma Rousseff.
L’Unasur convoque, pour bientôt, une réunion extraordinaire des chanceliers des 12 Etats, qui la composent. [wel rc apr 1er/09/2016 17:00]
[1] « L’Unasur est un organisme international, composé des 12 pays de la región sud-américaine : Argentine, Bolivie, Brésil, Colombie, Chili, Equateur, Guyana, Paraguay, Pérou, Surinam, Uruguay et Venezuela.
Notre objectif est de construiré un espace d’intégration, dans les domaines culturel, économique, social et politique, qui respecte la réalité de chaque nation.
Notre défi est d’éliminer l’inégalité socioéconomique, de parvenir à l’inclusion sociale, d’augmenter la participation citoyenne, de consolider la démocratie et de réduire les discordances existentes, en considérant la souveraineté et l’indépendance des Etats.
Les langues officielles de l’Unasur sont l’Espagnol, l’Anglais, le Portugais et le Néerlandais », selon la fiche de présentation de l’Unasur.