Des organisations syndicales de transports publics projettent d’entamer différents mouvements de protestation, dont des appels à la grève générale, au cas où le gouvernement d’Enex Jean-Charles ne ferait pas le retrait, dans le meilleur délai, de la disposition d’augmenter les prix des produits pétroliers sur le marché national en Haïti. Pour leur part, les parlementaires comptent convoquer les titulaires des finances et du commerce pour aborder les raisons de cette augmentation des prix des produits pétroliers, dans un contexte économique difficile, annonciateur d’un automne sombre en Haïti.
P-au-P, 22 août 2016 [AlterPresse] --- L’augmentation des prix des produits pétroliers, effective depuis le dimanche 21 août 2016 sur le marché national, constitue une « décision inacceptable et inopportune », dénoncent divers secteurs de la vie nationale, dans des interviews accordées à AlterPresse.
Plusieurs représentants d’organisations ont réagi, suite à la décision du Ministère de l’économie et des finances (Mef) et du Ministère du commerce et de l’industrie (Mci) d’ajuster, à la hausse, les prix des produits pétroliers sur le marché national.
Le gallon de gasoil (diesel) coûte maintenant 179.00 gourdes (soit une augmentation de 20.13%), alors qu’il était de 149.00 gourdes. Le gallon de gazoline est actuellement débité à 219.00 gourdes (une hausse de 15.87%), au lieu de 189.00 gourdes. Le kérosène, plus connu sous le nom de « gaz blanc » - très utilisé par la plupart des ménages en Haïti - atteint aujourd’hui 173.00 gourdes (soit une augmentation de 16.89%), contre 148.00 gourdes auparavant, selon un avis émanant de ces ministères, entré en vigueur le dimanche 21 août 2016 sur tout le territoire national (US $ 1.00 = 66.00 gourdes ; 1 euro = 77.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 1.50 gourde aujourd’hui).
« C’est une décision inattendue, inacceptable et illégale. Elle constitue un génocide et un crime de l’État haïtien au détriment de la population vulnérable »¸ critique le coordonnateur général de la Plateforme nationale des syndicats de transports fidèles (Pnstf), Duclos Bénissoit.
La Pnstf condamne les propos du titulaire du ministère de l’économie et des Finances, Yves Romain Bastien, qui, pour justifier « cette augmentation irresponsable », allègue de l’approvisionnement, en produits pétroliers, d’agents économiques de la République Dominicaine, sur le marché national en Haïti, en raison de prix plus avantageux en Haïti (inférieurs à ceux de la République Dominicaine).
Cette comparaison avec la République Dominicaine ne tient pas debout, puisque le gallon de gasoil se vend à 134.00 pesos en territoire voisin, alors qu’il se vendait en Haïti à 149 gourdes.
« C’est inacceptable ! Le gallon de pétrole va coûter aux chauffeurs 3 dollars 49, alors qu’il coûte au gouvernement un dollar », se plaint la Pnstf.
Le gouvernement ne dispose d’aucune politique monétaire pour stabiliser la gourde. La population, dépourvue de moyens, ne peut pas faire les frais des bourgeois, condamne la Pnstf.
Le gouvernement ne saurait, non plus, justifier l’augmentation des prix des produits pétroliers, sur le marché national en Haïti, en se référant à la dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain.
Il faut, à présent, 66.00 gourdes pour un dollar américain.
La Pnstf appelle le gouvernement provisoire à faire le retrait de cette décision d’augmentation des prix des ^produits pétroliers, qui va créer beaucoup de frictions dans le pays, à moins de deux semaines de la réouverture (académique 2016-2017) des classes, prévue pour le lundi 5 septembre 2016.
Cette décision va pousser les syndicalistes à entreprendre des mobilisations dans le pays, similaires à celles enregistrées sous l’administration de l’ancien président Joseph Michel Martelly.
Pour d’autres organisations syndicales, le gallon de diesel pourrait être vendu à 125.00 gourdes sur le marché national, sur la base de diverses considérations.
Sur le marché international, le cours officiel du baril de pétrole est de 47.36 dollars américains le lundi 22 août 2016, contre 45.74 dollars américains le lundi 15 août 2016.
Le jeudi 17 décembre 2015, les cours du pétrole avaient reculé, pour finir sous les 35.00 dollars américains le baril à New York.
Ces dernières années, en Haïti, pour obéir aux plans (d’ajustement structurel) néolibéraux, les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais voulu indexer à la pompe les prix des produits pétroliers, qui ont progressivement baissé : de 120.00 à 79.00 dollars américains, jusqu’à atteindre le niveau de 35.00 dollars américains le baril sur le marché international.
Les arguments avancés, par le gouvernement d’Enex Jean-Charles, sont-ils défendables, au regard de la situation économique difficile, que vit la population ? Quelles incidences (déstabilisation et autres) sur la perspective d’élections, annoncées pour le dimanche 9 octobre 2016 ?
Régulièrement, ces dernières semaines, les commerçantes et commerçants ajustent à la hausse leurs prix (de différents biens essentiels), en invoquant la décote accélérée de la gourde par rapport au dollar américain.
Des parlementaires invitent le gouvernement à tirer des fonds en mettant fin aux dépenses somptuaires et en réduisant le train de vie des officiels.
La décision d’augmenter les prix des produits pétroliers est de nature « criminelle », parce qu’elle arrive dans un contexte où le coût de la vie est en hausse, estime Guy Numa, membre de la coordination du Mouvement démocratique populaire (Modep).
Au lieu de prendre des mesures pour faire baisser les prix des produits de première nécessité, le gouvernement préfère augmenter les prix des produits pétroliers au détriment des familles vulnérables, fustige le Modep.
Différentes mesures institutionnelles devraient être prises, comme subventionner les matériels scolaires, publier la loi sur les frais scolaires, accompagner les parents dans les préparatifs pour la rentrée académique scolaire du 5 septembre 2016.
Cette décision va avoir des effets multiplicateurs sur les prix des produits de première nécessité et ceux des transports en commun, anticipe le Modep.
« Ce qui est fondamental, c’est de réduire la dépendance d’Haïti par rapport à l’importation des produits pétroliers. Il faut modifier la matrice énergétique, en vue de retrouver la souveraineté énergétique qui nous rendra (Haïti) autonome », analyse le directeur exécutif de la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda).
« Il faut que l’État mette en place une politique de gestion de stocks, en vue d’assurer une gestion, à moyen et long terme, qui ne serait pas défavorable au consommateur final », préconise la Papda.
Du point de vue conjoncturel, cette décision est inopportune, parce qu’elle arrive à l’approche de la rentrée scolaire et à un moment où la détérioration de la gourde par rapport au dollar américain affaiblit le pouvoir d’achat de la population.
« Cette décision devrait être prise en concertation avec différents secteurs. Cela peut déboucher sur des réactions extrêmement violentes et négatives de la part de l’ensemble des secteurs du pays », craint la Papda.
Cette décision, d’augmenter les prix des produits pétroliers sur le marché national, va créer beaucoup plus de chômage, de misère pour la prochaine rentrée scolaire. À cause de leur faible pouvoir d’achat, les familles seront dans l’incapacité de répondre à leurs besoins.
La Papda augure un possible concert de protestations, qui risque de déboucher sur un climat social tendu, avec des répercussions sur la conjoncture électorale.
Entre-temps, le gouvernement annonce projeter d’aider 100 mille familles, à travers des bons d’achat de 5, 000.00 gourdes, et de distribuer des kits scolaires, afin d’aider les parents à faire face à la prochaine rentrée scolaire 2016 - 2017. [bd emb rc apr 22/08/2016 16:15]