P-au-P., 15 juillet 2016 [AlterPresse] --- « Haïti navigue encore dans la dictature et l’individualisme », critique le géographe, politologue et professeur à l’université, Tony Cantave, en regard de la crise politique qui secoue le pays.
« Nous n’avons pas un projet de société », déplore Tony Cantave, invité à l’émission TiChèzBa, prévue pour être diffusée les samedi 16 et dimanche 17 juillet 2016 sur la station en ligne AlterRadio (samedi : 7:00 am, 3:00 pm ; dimanche : 7:00 am, 1:00 pm, 5:00 pm).
« Nous ne pensons pas au pays », ajoute-t-il à propos du comportement affiché par les acteurs à divers niveau.
« Il faut penser autrement le pays », lance-t-il.
Les jeux actuels du parlement face à un président provisoire (Jocelerme Privert), dont le mandat a expiré le 14 juin dernier, résultent de la non-application de la constitution, soutient Cantave.
« Nous ne respectons pas les principes », dit-il, regrettant que la constitution votée en 1987 a toujours été mise de coté.
Après 5 ans sans élection, à la veille de son départ en février dernier, le président Michel Martelly a signé un accord avec les présidents des deux chambres, et cette entente a accouché de l’administration en place.
Pour la 4ème fois consécutive en un mois, le parlement n’a pas pu tenir, le 14 juillet, l’assemblée nationale devant se pencher sur la fin du mandat de 120 jours de Privert.
Pour le politologue, loin d’être simplement conjoncturelle, la crise qui bouleverse le pays est « sociétale et systémique ».
Il réitère que les mesures prises depuis la chute de la dictature de Duvalier (1986) n’ont fait que renforcer l’autoritarisme.
« Il n’y a eu aucune mesure de libération », soutient-il. « Nous sommes plongés dans la confusion entre la démarche de construction démocratique et celle visant à conserver le régime traditionnel ».
« Nous ne voulons pas réellement la démocratie. L’élite politique n’embrasse pas le projet démocratique », critique Tony Cantave.
Le professeur estime que « le projet démocratique qui est encore à l’ordre du jour est à construire ».
Il met en relief le déficit d’une « réflexion sur les mutations » qui se sont produites dans la société haïtienne durant les 60 dernières années.
« Beaucoup de choses ont changé dans la réalité, mais il manque une réflexion pour articuler les revendications actuelles avec la construction d’un autre projet de société ».
Les pouvoirs locaux, la décentralisation et la déconcentration sont au cœur de ce nouveau projet à concevoir et à mettre en œuvre, selon le géographe, qui travaille depuis de nombreuses années sur les collectivités territoriales.
Au moment où de nouveaux cartels de maires entrent en fonction, Tony Cantave soutient qu’il n’y aura pas de progrès dans la société haïtienne tant que la question de la décentralisation/déconcentration ne sera pas posée.
La décentralisation suppose le partage de responsabilités entre le pouvoir central et les collectivités territoriales, tandis que la déconcentration renvoie à des dispositions qui sont prises par l’exécutif pour accompagner les pouvoirs locaux dans la fourniture de services aux communautés. [apr 15/07/2016 18 :00]
TiChèzBa, édition du 9 juillet 2016, invité Pierre Richard Cajuste, diplomate
L’organisation des élections haïtiennes sans l’appui des États-Unis d’Amérique serait une bonne chose pour le pays, estime le diplomate Pierre Cajuste.