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Critique du mysticisme coumbitique d’Archer

En réponse au texte « Coumbitisme : Aucun fondamentalisme ne peut aider Haïti à sortir de son trou » [1] de Marc A. Archer [2]

Par Anil Louis-Juste [3]

Soumis à AlterPresse le 22 décembre 2004

Le coumbitisme haïtien est créé au sein des contradictions sociales qui tissaient la colonie de St Domingue aux environs des années 1780 ; la pensée marxienne naît de la critique de problèmes sociaux qui se sont rencontrés en Europe dans les années 1840. La « question sociale » a donc alimenté la pratique coumbitique et la praxis marxienne. Et l’antériorité de l’un ne conditionne pas l’incapacité ultérieure de l’autre à féconder le premier. De même, des aspects du coumbitisme peuvent enrichir le rapport d’Haïtiens avec Marx. La pensée marxienne est ouverte sur le monde, fondée sur le dialogue critique entre la philosophie classique allemande, l’économie politique anglaise et la révolution sociale française. Elle est en quelque sorte, une réfutation de toute religion, quelle que soit sa signification : science du culte ou culte de la science !

Des conflits dans la colonie comme contextes historiques d’émergence de la pratique coumbitique

La coumbite n’est pas une réaction de solidarité interclasse dans la paysannerie haïtienne. Transportée sur les places-à -vivres, cette réunion de travailleurs prenait tout son sens dans le système esclavagiste de St Domingue : les esclaves étaient obligés de travailler pour un maître du lever au coucher du soleil. Sur des plantations, ils s’entraidèrent pour la culture des lopins concédés pour la production des vivres nécessaires à la reproduction de leur force de travail. Plus tard, cette pratique sera déployée dans la lutte contre l’appropriation de la terre par les chefs militaires et les autres fonctionnaires de la jeune nation. Des cultivateurs abandonnèrent les anciennes habitations confisquées et défrichèrent les mornes pour établir des lacous où ils vécurent de manière solidaire. Mais, l’organisation économique, politique et culturelle du pays, pour être fondée sur l’exploitation, la domination et la discrimination, favorisa le démembrement des lacous. Alors, des paysans ainsi appauvris sont obligés, pour ne pas mourir de faim, de prendre part à des travaux agricoles organisés par de grands propriétaires terriens, distributeurs de produits manufacturés et contrôleurs du réseau transport.

La transposition de pratiques solidaires au coeur du système esclavagiste de Saint Domingue, porte donc une double signification. Du point de vue des planteurs, elle symbolise le mécanisme par lequel ils luttent contre l’appropriation de la plus grande part de richesse de la colonie, par les commerçants métropolitains, à travers la fourniture de vivres nécessaires à la reproduction de la force de travail des esclaves. Du point de vue de ces derniers, elle constitue un espace de liberté où ils travaillent pour leur propre compte. En fait, cette brèche creusée au bloc colonial, ressemble étrangement au féodalisme où le serf dispose d’un morceau de terre et de ses outils de travail nécessaires à l’utilisation d’une partie de sa force de travail pour lui-même. Mais, là s’arrête l’identité, puisque la place-à -vivres participe d’un autre complexe en mouvement qu’est le capitalisme émergent de l’Europe qui subordonne dans une colonie donnée, des relations esclavagistes de travail à sa propre consolidation. Autant dire que le capital a déjà été hégémonique dans le colonialisme français de l’époque, tandis que le serf a vécu dans une société de privilèges. Donc, le serf n’est pas l’esclave ; il en est de même du soldat-cultivateur après la Proclamation de la Liberté Générale.

Quand l’aristocratie agraire haïtienne s’est consolidée après l’Indépendance, elle le fait en s’alliant au capital contre les aspirations populaires. Toute l’histoire politique du pays est le plus clair témoignage de ces alliances politiques. Aussi est-il incohérent de vouloir nier l’existence du capitalisme dans la formation sociale haïtienne. La persistance des caractéristiques extraverties de notre économie est encore une preuve de la dépendance des classes dominantes locales à l’égard du capital transnational. Donc, la réalité bourgeoise haïtienne interdit en quelque sorte tout parallèle avec la bourgeoisie française. Je comprends donc mal que le Dr Price Mars ait comparé la bourgeoisie révolutionnaire française avec l’ensemble des relations locales dominantes quant à l’orientation nationale. Objectivement et subjectivement, la bourgeoisie haïtienne ne peut jouer le « rôle de conductrice de la nation », parce foncièrement dépendante de la production de denrées dans des rapports non-capitalistes, et de la circulation interne de produits manufacturés à l’étranger. Si la bourgeoisie française est révolutionnaire par rapport au féodalisme, la bourgeoisie haïtienne est réactionnaire par rapport à toute vision de liberté, d’égalité et de solidarité qui met en question son maître, le capital.

Etant donné l’historicité et la dialecticité qui caractérisent la pratique coumbitique dans la culture populaire haïtienne, il demeure logiquement cohérent d’approcher cette réalité à partir de la méthode d’investigation léguée par Marx aux sciences humaines. Dans le monde, l’homme concret est le sujet de son histoire vivante. Cette vérité scientifique, Marx l’a découverte contre toute tendance mystique qui assigne à un être transcendantal, la place de créateur de l’humanité. Ce point de départ anthropologique a bouleversé les processus épistémologiques et gnoséologiques jusqu’à aujourd’hui, en dépit de la propagande orchestrée à travers le monde, contre la méthode de démystification de la réalité historique. Le sujet coumbitique est distinct de la pratique coumbitique, mais ils partagent ensemble une relation réciproque, parce que la seconde est la condition de développement corporel et spirituel du premier, quand elle est reliée à la réalité globale. Sur le point psychologique, celui-ci est particulièrement formé dans cette totalité historique. Autrement dit, le mysticisme du coumbitisme tient au fait qu’un coumbitiste, qu’il soit écosocialiste ou nationaliste, tient à isoler la pratique coumbitique des réalités sociale, culturelle, économique et politique qui sont clairement antagoniques dans la société haïtienne d’hier et d’aujourd’hui.

La pensée marxienne n’est pas fondamentaliste

C’est la pensée de Marx qui a le plus enrichi les mouvements de libération dans le monde. Le mysticisme a toujours nié la place de l’homme dans la production de l’histoire. Même Hegel qui avait découvert le caractère dynamique de l’histoire, tomba dans ce piège, en faisant de l’histoire, le mouvement de l’Idée. C’est Marx qui a démontré scientifiquement l’hypocrisie de l’émancipation politique ; c’est lui qui a théorisé la question de l’aliénation de l’homme dans le processus de la production de la marchandise. Par cette problématisation, il a montré comment l’homme est assujetti par le capital et plaidé pour l’émancipation totale de l’homme. Alors, je comprends difficilement comment une position nourrie de l’ontologie marxienne peut « emprisonner un mouvement de libération, de lutte contre l’assujettissement de l’être humain dans une vision étroite de la société » ; je ne comprends pas non plus comment une représentation historico-dialectique d’une réalité peut être taxée de dogmatisme, puisqu’une telle lecture essaie de représenter le fonctionnement organique de la société, son déploiement génétique et ses antagonismes à travers le temps et l’espace.

Tout mouvement de libération ou d’émancipation est une négation de l’assujettissement de l’être humain par des rapports sociaux injustes, inégaux et inhumains. Comme négativité, il met radicalement en question, l’ordre existant et cherche des possibilités de le dépasser. La réalisation de la liberté ne peut être à aucun moment donné, assimilée à une vision étroite. Par exemple, le mouvement des esclaves et marrons de St Domingue a été une lutte sociale pour l’émancipation totale d’une classe d’hommes et de femmes dans la société esclavagiste de l’époque. Une alliance tactique l’a conduit à la victoire, mais cette pratique politique n’a pas dépassé la contradiction antagonique entre les anciens libres et les nouveaux libres. C’est cette unité dialectique dont la pensée marxienne aide à découvrir les germes dans la société haïtienne contemporaine.

Le fondamentalisme fige toute réalité dans l’éternité ou la dénature par le mysticisme. La pensée marxienne contribue à démystifier la réalité sociale qui est par essence, hautement historique. Le fondamentalisme ne connaît pas l’historicité. Aussi est-il indifférent à la destruction de l’homme et de la nature ou la renvoie-t-il à un traitement divin ou simplement métaphysique. La question écologico-humaine reste et demeure une préoccupation constante de tous ceux qui boivent à la source marxienne. Celle-ci permet d’irriguer le sol sec de la contradiction antagonique pour la production d’un monde juste. humain et libre. La question à savoir que « le mouvement paysan n’a jamais retenu l’intérêt de la pensée ’marxiste’ », est d’ordre métaphysique, puisque le nouveau mouvement paysan haïtien, qui a largement participé au déchoukay de la dictature de Duvalier, a été fécondé à partir d’une synthèse fertile de Jésus et de Marx ; la théologie de libération n’a pas d’autre signification en Amérique latine. Un peu d’histoire-processus, et l’on cessera d’émettre des jugements hâtifs ! Si l’on prend l’ancien mouvement paysan haïtien, il est antérieur en quelque sorte, à la production intellectuelle de Marx. La révolte de Goman a posé la question de l’exploitation des paysans par les grandons, et la prédation pratiquée par l’Etat sur les richesses produites par des paysans. Plus tard, Acaau dira en 1843 : « Nèg rich, se milat, milat pòv, se nèg », pour poser le caractère classiste de l’exploitation et de la domination. Le Manifeste Communiste n’était donc pas encore rédigé quand le mouvement paysan dénota son propre caractère de lutte de classe. Un peu d’effort historique, s’il vous plaît ! Donc, la pensée marxienne est nourrie à la source de l’histoire ; elle invite à s’orienter toujours à l’horizon historique, c’est-à -dire à conduire toute recherche selon les trois dimensions temporelles de l’homme concret : le passé, le présent et le futur ; c’est une pensée ouverte sur le mouvement réel des choses, elle ne saurait être une pensée fondamentaliste.

La pensée marxienne n’isole jamais le sujet épistémique du processus de la connaissance ; le positivisme ignore même le principe méthodologique de Weber, à savoir la place du questionnement comme valeur dans un processus scientifique. Aussi distingue-t-il l’idéologie de la science, sans jamais penser à étudier leur rapport gnoséologique. Le positiviste croit que toute définition remplace le déploiement socio-historique de toute réalité. Par exemple, le coumbitisme serait la seule vision capable « d’aider Haïti à sortir de son trou », en s’appuyant sur la solidarité interclasse. Une telle définition ne tient pas compte du développement historique de la coumbite comme pratique sociale à travers le temps et l’espace d’Haïti. Je dirais qu’il ne faut pas confondre l’escouade avec la coumbite. L’escouade est une organisation de travail adoptée par des paysans pour s’entraider. Sinon, ils vont perdre la saison, puisqu’ils sont obligés de travailler aussi pour des grandons qui achètent d’avance leur force de travail en période de soudure.

Le coumbitisme mystique d’Archer ne représente pas encore la société haïtienne d’hier et d’aujourd’hui, mais il projette déjà le futur dans l’éternité de la collaboration classiste. D’écosocialiste, il devient nationaliste en visant un développement endogène dans le contexte d’une participation harmonieuse de toutes les classes. Ainsi pense-t-il qu’il « incite à une citoyenneté active ». La métaphysique reste le domaine intellectuel privilégié de ce coumbitisme : il n’a que faire des relations entre le capital transnational et la bourgeoisie compradore d’Haïti qui vit comme courtière du premier ; il passe sous silence l’organisation politique de la société haïtienne, qui fonctionne comme structure de spoliation dans la paysannerie haïtienne : par exemple, des chefs de section, revenus à la faveur du « retour des militaires démobilisés » son en train d’extorquer de l’argent aux paysans au marché, dans leur prison privée, etc. Alors, je me demanderais sur quelles forces sociales le coumbitisme se serait appuyé pour enclencher ce développement endogène.

Le mysticisme du coumbitisme d’Archer se révèle au grand jour quand le physicien veut opposer le coumbitisme au néolibéralisme. Le néolibéralisme est la vision hégémonique actuelle du monde sous l’impulsion du capital financier. Il n’existe pas de société capitaliste qui ne soit pas soumise à sa toute-puissance. Au sein de chaque nation, vivent des classes sociales qui, objectivement et/ou subjectivement, représentent les intérêts de ce capital. Par exemple, prenons la zone franche de Ouanaminthe ou le parc industriel de Delmas, où les ouvriers son sur-exploités, la bourgeoisie haïtienne est partie prenante. Alors, prôner le coumbitisme dés-historicisé comme planche de salut, c’est vouloir adapter les classes majoritaires à cette domination, puisqu’en Haïti, les classes exploiteuses revendiquent encore leur position de subalternes à l’égard du capital transnational, en implorant son « aide au développement » à tous les moments cruciaux de la crise sociale haïtienne, qu’on ne doit pas confondre, par ailleurs, avec un trou.

Je ne dis pas que le système coumbitique d’Archer est fondamentaliste, mais il dispose de la vertu transcendantale de transformer un physicien en houngan. Est-ce donc sa puissante force religieuse, tirée du culte de l’harmonie sociale, qui lui a permis de deviner que j’ai « le regret de ne pas faire partie de ce groupe d’hommes qui ont pillé le pays, monopolisé et capitaux et moyens de production, qui ont corrompu les hommes politiques ou se sont laissés corrompre, qu ont saccagé les caisses de l’Etat, qui ont usurpé le pouvoir au nom du peuple ou des esprits tutélaires ou à la faveur de tout autre stratagème et ont transformé le pays en ce qu’il est aujourd’hui : (Â…), tandis qu’une partie de ses élites intellectuelles basées sur des modèles importés sans aucune possibilité en Haïti (Â…) » Le coumbitisme archérien veut être moderne, mais il se ferme catégoriquement à une pensée de la modernité. Pourtant, il aurait aimé psychanalyser mon inconscient, sans se donner la peine de connaître mon histoire de vie. Par le mystère de la foi du coumbitisme, le physicien-houngan est doté du pouvoir, même à distance, le for intérieur des gens. Quel autre pouvoir serait plus mystique ? La critique contre la religion, le droit, la philosophie, donc contre tout mysticisme, est, au départ, inhérente à la pensée marxienne. Alors, comment peut-on la qualifier de fondamentaliste ?

Par contre, la pensée marxienne est radicale : « Etre radical, nous dit Marx, c’est prendre les choses par la racine. Or, pour l’homme, la racine, c’est l’homme lui-même. Ce qui prouve jusqu’à l’évidence le radicalisme de la théorie, donc son énergie pratique, c’est qu’elle prend comme point de départ la suppression absolument positive de la religion. La critique de la religion aboutit à cette doctrine, que l’homme est, pour l’homme, l’être suprême. Elle aboutit donc à l’impératif catégorique de renverser toutes les conditions sociales où l’homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable, qu’on ne peut mieux dépeindre qu’en leur appliquant la boutade d’un Français à l’occasion de l’établissement projeté d’une taxe sur les chiens : Pauvres chiens ! on veut vous traiter comme des hommes ! [4] »

L’histoire du coumbitisme et le programme politique du coumbitisme mystique d’Archer

Le coumbitisme n’est pas une donnée naturelle ; il a son origine dans la lutte entre les planteurs de St Domingue et les commerçants de la Métropole française. J’ai déjà noté que l’invention de pratiques culturales collectives comme manifestations concrètes du coumbitisme, s’est opérée pour répondre à une double exigence : les esclaves étaient obligés de travailler d’une part, dans les plantations de leur maître du lever au coucher du soleil, et de l’autre, cultiver les lopins concédés en vue de la production de leur subsistance. Par exemple, s’ils laissaient passer les moments du sarclage et du semis, ils n’auraient rien à récolter et leur reproduction serait sérieusement compromise. Donc, la pratique sociale qu’est le coumbitisme, a été une réponse historique au moment de la lutte de classe entre planteur et commerçant dans le processus d’appropriation des richesses produites par les forces de travail servile.

Mais, en même temps que l’opposition planteur - commerçant a contraint des esclaves à coopérer sur les places à vivres, cette pratique coopérative est aussi à l’origine de l’idée de « Liberté Pleine » qui fait soulever les esclaves du Nord , dans la nuit du 21 au 22 août 1791. Malgré la Proclamation de la Liberté Générale en août 1793 et la consolidation louverturienne de cette liberté incomplète, des soldats-cultivateurs de la Plaine du Nord se soulèvent contre les mesures agraires anti-libertaires de Toussaint Loouverture ; malgré l’Indépendance de 1804, des paysans fuient des plantations pour aller créer un autre espace de liberté : le lacou.

Tous ces mouvements se produisent dans des contextes de restauration de l’ordre économique extraverti selon les intérêts du capitalisme et de ses alliés locaux. En réalité, le coumbitisme est historiquement lié à une expérience de liberté : celle de travailler pour son propre compte. Cependant, il a été défiguré dans les rapports qui lient le paysan au grandon, mais il a pu conserver son noyau de solidarité dans les escouades agricoles, les relations de voisinage et familiales, etc. La pratique financière du « sòl » courante dans le secteur informel et même chez des employés et socio-professionnels haïtiens, témoigne de la dominance du coumbitisme dans la culture haïtienne. Comme son nom l’indique, le sòl ne produit pas de profit ; il est l’expérience de l’égalité concrète entre des individus obligés de se solidariser pour leur reproduction sociale. En ce sens, la solidarité est donc l’expression d’une possible réalisation de l’égalité, même dans des conditions adverses de nécessité.

Le noyau du coumbitisme résiste à la pression du capital, mais ce dernier freine quand même le développement des pratiques coumbitiques. Par exemple, quand des petits marchands se solidarisent financièrement, ils le font généralement pour satisfaire des besoins sociaux d’éducation, de logement, etc., qui deviennent plus pressants à cause de la marchandisation de l’éducation résultant de l’application du plan néolibéral [5]. L’Etat haïtien préfère conférer au paiement du service de la dette, le premier poste budgétaire de la nation [6]. Le capital continue par ailleurs, à tirer profit de la pratique de solidarité entre la population émigrée et des membres de sa famille : les banques prélèvent 10% sur tout envoi d’argent, sous prétexte de couvrir des frais de service encourus durant le processus.

La pensée marxienne étudie aussi ces relations d’échange et les connecte avec les relations de production. Autrement dit, les relations sociales représentent l’objet d’étude par excellence de Karl Marx. Des visions étriquées tendent par contre à déceler dans la pensée de ce dernier, un quelconque économicisme. De même, la Révolution de 1791 a été une fenêtre ouverte sur le dépassement des traditions des aborigènes d’Ayiti et de la modernité esclavagiste de St Domingue [7]. Tout projet politique à intentionnalité populaire, doit poser le problème de l’exploitation économique, de la domination politique et de la discrimination culturelle. L’isomorphisme social prôné par Archer, ne semble pas répondre à ce critère fondamental : Son « principe d’iségorie » veut l’ « égalité par rapport à la prise de parole », mais il ne problématise pas la question de l’éducation élitiste et de la discrimination culturelle. Alors, comment réaliser « la participation [collective] à la gestion de la Chose Publique » sans donner à tous, la possibilité de disposer des outils de participation. Son « principe d’isocratie » prône « l’accès [identique] aux organes de pouvoir pour tous », mais il se tait sur la question de propriété privée capitaliste qui conditionne l’exercice politique. Par ailleurs, le coumbitisme d’Archer devient encore plus utopique quand il veut à la fois « protéger les classes populaires contre les classes possédantes » et « empêcher que les classes possédantes soient soumises à la tyrannie populaire qui aurait pour effet de les annuler politiquement ». Décidément, le mysticisme coumbitique chez Archer est plus profond qu’on ne le pense : il a conçu un Etat qui répond à un « modèle populaire » en faisant de cet Etat, le sujet de la société. Comme quoi l’Etat coumbitique serait au-dessus de la société. Quelle métaphysique ! On comprend alors pourquoi son « principe d’isonomie » ne peut pas dépasser le principe libéral formel d’ « égalité devant la loi ». On dirait que le physicien-houngan tend à appliquer des lois physiques à des réalités hautement sociales. Je n’arrive pas à comprendre comment un physicien arrive à admirer le formel au détriment du concret !

M. le Physicien, je reçois avec enthousiasme la recommandation de lecture que vous m’avez faite, mais en attendant, j’aurais aimé recevoir la réponse à la question que je vous avais posée à propos du comportement du Congrès étatsunien à l’égard des indiens de Seattle. En attendant votre réponse, je tiens à souligner à votre attention, que je ne suis pas marxiste, mais j’ai partagé une étroite relation avec la pensée de Marx. C’est en ce sens la méthode marxienne et la révolution haïtienne de 1791 m’ont appris à dépasser des contradictions antagoniques avant toute « réconciliation des pôles opposés ». Alors, je dois vous dire que mon ambition est de devenir communiste. Dans ces conditions, je préfère dépasser la « hauteur » de réconciliation des pôles opposés à laquelle vous vous situer pour mystifier la crise sociale haïtienne sous forme de trou.

Jn Anil Louis-Juste

22 décembre 2004


[2Physicien Industriel, Eco-concepteur, Coordonnateur du Comité de Pilotage du Conseil National de l’Environnement (CONAE)

[3Professeur à l’Université d’Etat d’Haiti

[4Karl Marx, in Contribution à la critique de la Philosophie du Droit de Hegel, Ed. Allia, Paris 1998 (pp. 25-26)

[5En 1985, l’Etat faisait fonctionner 80% des écoles secondaires du pays ; ce pourcentage tombe aujourd’hui, à moins de 15%.

[6Consulter le nouveau Budget de la République.

[7Il y a lieu de distinguer l’esclavage antique de l’esclavage à St Domingue qui fut géré selon les besoins d’expansion du capital.