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Liberté de la Presse et Presse de la Liberté

Pourquoi la plupart de nos travailleurs de la presse n’éduquent pas pour le libre développement ?

Par Anil Louis-Juste [1]

Soumis à AlterPresse le 29 décembre 2004

L’arme de la presse, c’est la liberté. Elle en use et en abuse dès que des armes sont pointées contre certains intérêts privés. Au nom de la liberté de presse, on dénonce la dictature politico-militaire, sans énoncer sa partenaire contemporaine : la dictature du marché. Ces us et abus ne conjuguent pas les temps du capital, puisque ce dernier ne montre aucune dimension spatio-temporelle dans les coutumes de la presse haïtienne.

La liberté de presse s’exprime par la parole pour domestiquer l’esprit et gagner les coeurs ; les armes politiques crachent le feu pour asservir la presse et faire perdre des battements cardiaques. Dans l’un ou l’autre cas, le capital est libre d’opérer ses transactions pour sa reproduction élargie ; son métabolisme conditionne l’exercice des professions de presse et des armes. La parole et le feu n’ont donc pas à priori des significations déterminées ; leur sens est contenu dans un contexte socio-historique particulier.

L’histoire comme processus social se déroulant dans un espace donné, nous invite à ne pas confondre la liberté de Presse avec la presse de Liberté. On doit constamment poser la question du niveau de libre exercice de la profession de journaliste, réfléchir en permanence sur la formule jeffersonnienne de gouvernement sans presse libre ou presse libre sans gouvernement, ou encore chercher la congruence de la théorie de Dérivieux sur la liberté de la presse comme possibilité de l’individu d’imprimer ou de diffuser ce qui lui plaît. A notre sens, la raison d’Etat est le secret de l’autonomie de la puissance publique dans sa fonction universaliste de conciliation d’intérêts sociaux antagoniques. La liberté de presse boit donc à la même source de l’Etat moderne. Aussi ne doit-elle pas être considérée en dehors de la société où elle se pratique.

Le journaliste reporter en Haïti : pratiques et pensées

L’observation du travail de la presse montre souvent des journalistes reporters qui arrivent souvent en retard sur des lieux d’événement. Souvent, ils demandent à des conférenciers de reprendre l’information qui venait d’être communiquée, il y a 15-20 minutes de cela. Leur demande se justifie par la nécessité de couvrir des événements, soit en même temps, soit à des intervalles trop rapprochés. Le secrétaire de rédaction et/ou le directeur de l’information peuvent en être accusés, mais c’est toute l’entreprise qui est concernée, et nous en verrons plus loin, les raisons fondamentales.

Par contre, des pratiques de journaliste reporter manquent terriblement d’empathie, de civisme et d’éthique. Nous allons signaler trois cas de figure qui puissent illustrer ces défauts.

Le Ministère de l’Environnement avait organisé, avec le RAMAK (NDLR : Rassanbleman Medya pou Aksyon Kominotè), une tournée d’information [2], du 17 au 20 juin, sur la catastrophe de mai 2004 survenue à Mapou et à Fonds Verrettes. Il était entendu que les 24 participants prennent un bateau pour se rendre à Belle Anse et font un grand reportage sur la situation vue et entendue ; en attendant, ils informent les médias au retour du voyage Jimani - Belle Anse. Les coûts étaient totalement supportés par l’organisme étatique, mais les comportements des journalistes renseignaient sur leur conception de la chose publique. En fait, un manque d’empathie s’était réellement observé à l’occasion : des reporters se soulevèrent contre le choix du moyen de transport maritime, tandis qu’ils le savaient déjà avant leur départ. Devant leur révolte, le voyage fut organisé au moyen d’une jeep du Programme Environnemental Transfrontalier (PET), qui ne pouvait transporter que 9 voyageurs. Après de sérieuses disputes, des collègues renoncèrent à y participer : prise réelle de conscience ou conscience de madré ?

En route, un participant s’arrêta au marché pour faire des emplettes et espéra l’occasion au chemin du retour. La très grande majorité des participants à la « randonnée », revendiqua la séparation de l’argent qui devait être dépensé dans le fret du bateau transporteur, prétextant que le délégué gouvernemental allait l’empocher. De plus, ceux qui n’avaient jamais mis les pieds à Mapou, réclamèrent les frais destinés au paiement des appels téléphoniques devant faciliter la communication de courts reportages aux médias (flash-info) [3]. Il est même bruit que ces revendications avaient été exprimées en plein restaurant et devant des Dominicains. Le comble, c’est que le pays était en état de choc depuis la catastrophe ! Vraiment, la culture patrimonialiste de la chose publique n’épargne même pas ceux qui s’autoproclament défenseurs de la liberté ?

L’autre exemple est encore plus écoeurant pour être moins émotionnel : le 5 décembre 2004, la Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) organisa, de concert avec le Mouvement de Revendication des Planteurs de l’Artibonite (MOREPLA), une mobilisation pour la défense de notre production rizicole, parce que le gouvernement venait de signer un contrat avec une compagnie états-unienne pour la mise sachet et la vente de riz états-unien sur tout le territoire national. Etant donné l’importance vitale de l’événement pour l’avenir du pays, les organisateurs voulaient lui donner une large couverture. Aussi pensaient-ils prendre en charge, les frais de transport et d’alimentation des reporters délégués par des entreprises de presse. Où est passé le civisme d’antan ? Les journalistes désignés revendiquèrent un per diem, arguant que le Groupe 184 les a toujours payés pour la couverture de ses activités de caravane dite de l’espoir [4]. De nos jours, on ne se gêne plus à se montrer vénal ! Et la vénalité qui gangrène l’exercice de la profession de journaliste, a étouffé la nationalité du riz de l’Artibonite.

Enfin, l’éthique n’oriente pas les comportements de la plupart des citoyens haïtiens. Des agissements de reporter ne signalent pas l’existence de principes déontologiques dans l’exercice du journalisme. Le 18 décembre 2004, un groupe d’initiateurs organisa une assemblée composée de délégués venant de groupements paysans de 7 communes de la Grande Anse. Des journalistes étaient invités pour couvrir l’événement, d’autant plus que l’un des organisateurs, professe aussi dans la presse. En plus de batailler aux heures de restauration pour accaparer les meilleurs morceaux de viande, les journalistes participants exigent des honoraires en vue de la diffusion de reportages sur l’événement. Embarrassé, leur collègue de la Fédération des Paysans de Mackandal (FEPAM) ne pouvait que confirmer à ses autres camarades initiateurs, l’existence de la prostitution dans la pratique journalistique en Haïti.

Le journalisme en Haïti : Pratique prostituée de la communication dans les mass medias ?

Personnellement, nous avons appris le journalisme comme communication de position de la presse sur le monde. Notre formation de journaliste politique a duré deux ans (86-88) à l’école à distance, de l’Educatel (France). La psychologie, la sociologie, la science politique et la science de l’information ont été les principales connaissances humaines enseignées durant le processus. L’étude du syndicalisme et des institutions internationales ouvre la perspective du journaliste politique sur le monde du travail et des relations internationales, tandis que la dynamique des groupes initie son esprit à l’écoute, à la négociation, à la compréhension mutuelle, à la coopération, bref à l’organisation de la profession.

Malgré l’absence de cours spécifique sur la déontologie de la presse, le curriculum invite davantage à comprendre le monde et à s’y insérer comme sujet libre. Par ainsi, il évite la prostitution qu’on observe de nos jours dans la pratique du métier de journaliste. Alors, on aurait pensé que la vulnérabilité du reporter haïtien ait été le fait de l’inadéquation de sa formation professionnelle, mais la compétence des journalistes universitaires n’implique pas automatiquement leur engagement dans le respect de code éthique. La relation des journalistes techniciens et universitaires avec le pays, semble être antérieure à leur formation supérieure : leur indifférence par rapport à la « question sociale » haïtienne, témoigne plutôt de l’insensibilité des concepteurs de programmes éducatifs fondamental et secondaire, à l’égard de l’avenir du pays. Pourtant, ils montrent une haute estime de soi envers d’autres travailleurs intellectuels. Où est la base matérielle de cette grandeur d’âme ?

Le travail d’un groupe d’étudiants peut répondre à cette question. Dans le cadre du Cours de Théories Sociologiques III, il a tenté d’étudier l’existence de l’aliénation dans la pratique journalistique en Haïti. Il s’est posé la question à savoir : « Comment les journalistes haïtiens, catégorie socioprofessionnelle exploitée, participent-ils à la pérennisation de leur situation sociale d’exploités ? ».

Ce groupe de travail représente théoriquement « les mass medias en tant qu’entreprises capitalistes [qui] opposent deux groupes sociaux distincts : les patrons et les travailleurs [journalistes] » (p. 3). Il signale par ailleurs la participation constante des journalistes dans les luttes pour des changements de régime politique (p. 9), mais ils restent et demeurent des « travailleurs directs dans la production de service, qui comprend non seulement la transmission des valeurs dominantes, mais également la reproduction de celles-ci » (p. 4). A propos, le rapport de prostitution du journaliste au patron de média, est d’un clair contenu heuristique dans la tentative d’explication de l’aliénation observée chez les journalistes :

« Jounalis la blije rete nan liy medya a, paske avan ou pran djòb la, ou te konn sa w ap vin fè »

Gen anpil moun ki toujou di m, travay mwen an gen yon rezilta pozitif sou yo. Patwon m toujou felisite m pou sans pwofesyonèl mwen » (p. 12)

Le groupe mentionne le cas de la subordination de la relation de dépendance personnelle, à la reproduction du capital dans le secteur de la presse : « Les journalistes se disent beaucoup plus liés au patron qu’aux collègues qui leur inspirent de la méfiance. Dans ce même ordre d’idées, les patrons interdisent à tout journaliste de renseigner n’importe quel autre salarié sur le montant de son salaire » (p. 13). Le groupe interprète cette adhérence comme relevant de la signification psychologique patron-journaliste : « Cette attitude laisse croire aux journalistes qu’ils sont eux aussi des patrons face aux autres journalistes salariés, à mesure qu’ils se rapprochent du patron » (p. 13). Pourtant, tandis qu’un court message publicitaire de 45 secondes et diffusé 6 fois dans une émission, suffit amplement à payer le salaire d’un journaliste (p. 11), il préfère mener d’autres activités parallèles pour compléter son revenu (p. 13).

Le groupe avance l’idée que l’emploi de journaliste non-qualifié est à l’origine de cette dépendance : « (Â…) nos deux journalistes sont repêchés depuis l’école classique. Cela met le travailleur dans une situation de déqualification qui l’empêche non seulement de revendiquer, mais aussi de poursuivre parfois ses études. Ainsi l’employeur, c’est-à -dire le patron est en situation de force parce qu’ajouté à l’emploi, il offre une formation (sur le tas) basée beaucoup plus sur l’expérience » (p. 12). Mais, on peut objecter que les journalistes universitaires et ceux formés dans des écoles professionnelles, n’ont pas créé de syndicat professionnel à l’instar de l’Union Nationale des Normaliens Haïtiens (UNNOH) [5]. L’objection sera de taille, mais elle n’annule pas l’importance d’une véritable sociologie de la communication en Haïti. Analyser des discours politiques, reste un exercice intéressant en Communication Sociale ; capter scientifiquement le mouvement économico-politique qui engage les journalistes et leur employeur dans le processus de la communication, conserve le cadre de la signification politique du discours, mais nie la primauté ontologique de tout acte communicationnel. Le travail du groupe montre donc la nécessité de former des universitaires haïtiens dans l’unité gnoséologique théorie - pratique.

A notre sens, le travail réalisé par le groupe, révèle la présence active d’un bloc politico-communicationnel constitué principalement des journalistes et patrons de presse. Mais ce bloc se fissure s’il n’intègre pas des ingrédients provenant de la bourgeoisie compradore haïtienne, car c’est elle qui monnaye en sous-main la tâche quotidienne du journaliste en dehors du contrat formel qui lie ce dernier à son média. La pratique journalistique apparaît comme matérialisation de défense de la liberté de presse, mais cette liberté de presse ne s’exprime pas toujours dans le sens de la constitution d’une presse de liberté. Déjà , la référence de l’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANAMAH) au Groupe 184, témoigne de la vacuité de la notion de presse indépendante.

La fonction éducative de la Presse, sérieusement compromise en Haïti

Les médias comme supports de diffusion de modèle sociale, éduquent aussi. Ils forment des subjectivités par la forme et le contenu des messages véhiculés. En Haïti, la distribution de messages journalistiques subit de sérieuses distorsions, compte tenu de l’existence du marchandage dans la collecte, le traitement et la diffusion d’informations. Il ne faut pas confondre l’information comme marchandise, le journaliste comme travailleur intellectuel qui vend sa force de travail à un propriétaire de média et le traitement « marchandisé » de l’information où ni la ligne éditoriale de la presse ni la fonction intellectuelle du professionnel ne conditionnent le travail informationnel. La généralisation de cette forme de prostitution de la conscience a porté des directeurs de salle de nouvelle à jouer un rôle de vigilance même au moment de la diffusion. Cette position de vigie témoigne de l’inexistence du climat de confiance qui devait caractériser la relation de collaboration dans une salle de nouvelle. En fait, l’absence d’éthique dans la pratique professionnelle nuit terriblement à la relation de travail journalistique. Dans ces conditions, comment la formation de l’opinion publique peut-elle avoir encore du sens pour un autre avenir du pays ?

La crise sociale haïtienne est déjà une école d’apprentissage dans la vie. Elle peut devenir une école de la vie, dans la mesure où ses dimensions politique, économique et culturelle émergent comme des parties organique, génétique et dialectique de la réalité haïtienne. Cette émergence peut être aussi le résultat d’un travail quotidien et structuré.

La presse traite généralement des actions quotidiennes comme objets de travail. Comme la vie des reporters est aussi contenue dans la vie globale qu’expriment ces actions et qu’il relate chaque jour, il doit d’abord en former sa conscience. S’il est obligé de prostituer sa profession, il lui faut poser des questions sur la raison prostituante. Des circonstances particulières apparaissent alors comme des contradictions à l’exercice de sa liberté comme être social. La mutilation de l’être conscient qu’il vit et qu’il feint d’ignorer dans la prostitution professionnelle, sera donc découverte.

La presse haïtienne exerce le pouvoir de conditionner l’opinion des gens sur des questions d’actualité. Elle a mené une guerre psychologique efficace contre le régime politique d’Aristide alors conçu comme étant viscéralement obscurantiste [6]. L’université présentée comme foyer de lumière, était censée illuminer le chemin de la population vers la liberté. Ainsi, jour et nuit, les voix de professeurs et d’étudiants résonnèrent sur les ondes. Brusquement, le juridisme et le militarisme ont détrôné l’« universitarisme ». Ce n’est pas que des avocats et militaires sont devenus plus inventifs et plus combatifs que des « universitaires » ; la question, c’est que les forces sociales du capital ont vu la transition comme moment politique de restauration du conservatisme néolibéral. Ce n’est donc pas sans raison qu’un directeur de salle de nouvelle eut déclaré le 5 décembre 2004 à la Faculté des Sciences Humaines : « Se liy militaris la ki pèmèt nou peye jounalis yo. Si nou pa dakò, se pou sektè pwogresis la fè radyo pa l ». En réalité, il a eu raison de le dire, car chaque média définit sa ligne éditoriale en fonction de ses intérêts. Et le secteur dit progressiste haïtien n’a pas encore montré de la maturité politique en reconnaissant la place de la communication contemporaine dans la formation de subjectivités.

Cependant, la justesse de sa réponse n’élimine pas la responsabilité éthique de former que détient la presse, à côté de l’école, de l’église, de la famille et des autres institutions et organisations sociales du pays. La presse a pour devoir de placer la revendication du retour des Forces Armées d’Haïti tant dans le contexte actuel que dans leur trajectoire historique. D’ailleurs, notre population est, dans sa très forte majorité, composée de jeunes.

La presse a toujours choisi la liberté comme cheval de bataille. Le libre choix dans la collecte, le traitement et la diffusion aurait dû constamment inspirer ses pratiques. La liberté de presse est en quelque sorte, l’explicitation d’un niveau de conscience de l’être dit libre. Si la conscience du journaliste accuse une ingénuité certaine, la liberté de presse se transforme en autoritarisme communicationnel. La presse se croit alors située au-dessus de la société et s’érige en censeur des conduites citoyennes. Dans ce cas, elle ne peut pas contribuer à la réalisation de la liberté des hommes et des femmes, parce qu’en se comportant de la sorte, elle défend en même temps, la dictature du capital et émet des communiqués sur la vie des individus au lieu de faciliter la communication entre ces derniers. Sans exercer la moindre fonction critique, la presse perd véritablement de sa dimension hautement humaine d’éducation. Quand une personne extérieure émet une opinion contraire au fonctionnement de la presse, elle mérite le pilori ou la guillotine. Or, sans l’autocritique des professionnels de la presse et la critique des citoyens, la liberté de presse se transforme en son contraire : la dictature de la presse.

Par contre, la liberté de presse peut évoluer vers la presse de liberté. Dans ce mouvement, s’avère nécessaire la médiation de la conscience critique ou du bon sens. Les journalistes exploitent alors cette possibilité en prenant du recul par rapport au matériel brut, en cherchant les connexions internes entre les faits d’actualité et en captant l’unité que ces derniers forment dans une conjoncture donnée. Sans cette attitude critique, l’exercice de la liberté de presse crée une opinion publique immature et ouvre, sur la scène politique, des possibilités d’émergence de leader sans cohérence logique ni consistance sociale. C’est à la dérive sociale que conduit la pratique de la liberté de presse sans réflexion critique.

La presse peut travailler à l’émancipation de l’homme dans la mesure où l’analyse critique de réalité fera reculer la marche vers l’indifférence et l’insensibilité aux problématiques sociales et technologiques du pays. La presse doit éduquer pour compléter la liberté lacunaire héritée de la Révolution de St Domingue, mais cette fonction éducative ne peut pas être remplie en dehors d’un digne traitement matériel et moral de tous les journalistes. Quand des travailleurs de la presse sont esclavagés sous les presses, ils compriment la liberté et répriment toute velléité de libre développement.

Jn Anil Louis-Juste

27 décembre 2004

janlwi@hotmail.com


[1Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti

[2Les organisateurs avaient baptisé ce voyage : « Tournée de sensibilisation environnementale ». 18 journalistes faisaient partie de la délégation : 7 journalistes de la presse parlée, 3 journalistes de la presse écrite, 6 journalistes de la presse télévisée et 2 journalistes de RAMAK.

[3Par contre, une large diffusion de la tournée avait eu lieu du 21 au 26 juin 2004.

[4La plupart des journalistes haïtiens se seraient transformés en pigistes, vu l’insuffisance de leur traitement salarial à couvrir les frais de leur reproduction sociale. D’une part, les patrons de presse surestiment le travail des journalistes en les faisant accroire qu’ils sont des êtres supérieurs et de l’autre, ils le sous-évaluent, en rendant possible la pratique de prébende. Un travail parallèle payé à la tâche, devient une source financière de revenu complémentaire. En même temps que ce marché ne lie pas le journaliste à son média, il fait partie cependant, du fonctionnement organique de ce dernier. Certains directeurs de presse sont obligés de tolérer cette pratique malsaine bien que celle-ci démasque de manière radicale, l’idéologie de la presse indépendante. Quand un journaliste ne cache pas qu’il est toujours payé à la pige, par le Groupe 184, en guise d’argumentation contre toute couverture professionnelle d’événement, il considère que son attitude participe de la déontologie de la profession. Sinon, il aurait autrement défendu sa position. De même, s’il craignait la révocation pour lèse-éthique, son comportement serait autrement affiché.

[5Il est à noter que les racines historiques de la société haïtienne conditionnent la relation discriminatoire à l’égard du travail. D’origine esclavagiste, les travailleurs haïtiens sont systématiquement méprisés dans le pays. Sous la dominance de l’ordre du capital, la fonction sociale intellectuelle n’y prédispose pas à la formation de syndicat de défense des travailleurs. Par exemple, depuis 2000, le salaire des professeurs à temps plein de l’Université d’Etat d’Haïti est concrètement réduit de moitié, eu égard à l’érosion systématique de leur pouvoir d’achat. Tandis que leur reproduction sociale est sérieusement menacée et qu’ils disposent, de surcroît, des connaissances amplement nécessaires à la formation, à l’organisation, à la mobilisation et à la gestion de syndicat de défense de leurs intérêts, ils préfèrent tout simplement plaindre leur sort à chaque réunion.

[6L’invasion de la Faculté des Sciences Humaines par des sbires du pouvoir, le 5 décembre 2003, lui a donné raison.