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Haïti-Insécurité : Le monde de la technologie en deuil, après l’assassinat de l’expert, Michel Stéphane Bruno

P-au-P, 16 juin 2016 [AlterPresse] ---- L’expert en technologie, également directeur exécutif des services numériques à la Sogebank, Michel Stéphane Bruno, âgé de 42 ans, a été abattu par des bandits armés, dans la soirée du mercredi 15 juin 2016, à Puits Blain 17 (périphérie nord-est).

« Des individus ont braqué leurs armes sur Bruno et lui ont demandé le véhicule. Pendant qu’il tentait de s’enfuir, les individus ont tiré sur lui. Ce dernier a été atteint d’une balle », explique à AlterPresse le porte-parole adjoint de la Police nationale d’Haiti (Pnh), Gary Desrosiers.

Après leur forfait, les bandits auraient probablement jeté le corps de la victime par terre avant de s’enfuir avec son véhicule de marque Toyota Land Cruiser, de couleur noire, selon les informations recueillies par la Police.

Une camionnette serait impliquée dans cette attaque armée, menée par deux individus à bord d’une motocyclette aux environs de 9 heures à Puits Blain, fait savoir l’inspecteur indiquant qu’une enquête est ouverte sur ce dossier au niveau de la Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj).

« C’est vraiment une grosse perte pour le secteur technologique », exprime le professeur à l’Université d’État d’Haïti, Jean-Marie Raymond Noel, qui a collaboré avec le consultant pendant plusieurs années, dans le cadre de divers projets.

« Peu importe les conditions dans lesquelles Stéphane est mort, on ne peut pas, de façon aussi sauvage, éliminer une vie », dit-il, tout en dénonçant l’impunité galopante qui risque de détruire le pays.

« Nous sommes dans un pays qui est presqu’en passe de devenir une jungle où des bandits peuvent enlever la vie à quelqu’un sans peur d’être traduits en justice pour être punis », déplore-t-il.

Ces actes qui se produisent à chaque fois envoient des signaux négatifs qui peuvent décourager d’autres jeunes à s’investir dans le pays avec la même fougue et le même engagement de Stéphane.

Au-delà du secteur technologique qui perd un de ses fils les plus militants, c’est tout le pays qui est affecté par la mort de ce jeune, regrette-t-il.

Bruno était assistant technique au Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) dans le cadre des projets dénommés : Réseau de développement durable d’Haïti (Rddh) et Accompagnement d’Haïti dans la société et de l’information (Ahsi), indique Noel, qui a eu 7 ans de collaboration très étroite avec l’expert.

A ce niveau, le consultant haïtien en système d’information a contribué à la mise en opération du domaine .ht en mai 2004, après de longues années de travail.

À l’époque, il a aussi travaillé dans l’interconnexion des opérateurs de service internet et s’occupait de traduire les idées émises en outils technologiques pour les rendre disponibles au public, rappelle Noel.

La réputation de Stéphane a traversé les frontières locales car il était un jeune très ambitieux qui s’imposait dans des forums internationaux et régionaux fait valoir le professeur à l’Ueh.

Il a été à la base de la mise en place de l’association haïtienne pour le développement des technologies de l’information et de la communication (Ahtic).

Né à Port-au-Prince le 8 mai 1974, Michel Stéphane Bruno a fait ses premiers pas dans le domaine avec le Group Croissance et a été très présent dans la caravane technologique de cette structure, baptisée INFOTEL.

Depuis le début de l’année, au moins deux assassinats par jour

La commission épiscopale catholique romaine Justice et paix (Ce/Jilap) a recensé 186 personnes mortes par balle sur 282 cas de victimes de violence, durant la période de janvier à mars 2016, dans son 58e rapport sur la violence dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

Il y a au moins 2 assassinats par jour, indique le rapport de Jilap, transmis à AlterPresse en date du 29 mai 2016.

D’octobre à décembre 2015, la commission comptait 227 personnes mortes par balle sur 253 victimes de violence.

Le climat de violence qui prévaut dans le pays fait peur aux citoyens. Même des élèves ne sont plus à l’abri des vols et menaces, déplore la Jilap.

Les rues de la zone métropolitaine semblent abandonnées par les forces de l’ordre, qui se limitent à sécuriser les déplacements des autorités, fustige-t-elle.

Garantir la sécurité publique se révèle être une urgence absolue, estime-t-elle.

La commission souligne combien « le cadre sécuritaire du pays est de manière générale lamentablement choquant », car il manque, dit-elle, le nécessaire pour protéger « efficacement et convenablement » les vies et les biens des citoyens et citoyennes.

Les institutions préposées à remplir ce rôle, se trouvent dans un état de désordre généralisé, poursuit-elle.

Pour une vision sécuritaire plus appropriée, le ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp) et le ministère de l’intérieur doivent mettre sur pied un forum sur la sécurité publique avec tous les acteurs concernés, recommande la Jilap.

Elle encourage d’élaborer une nouvelle approche de la sécurité axée sur la sociologie politique des faits dans la société.

Pour un meilleur encadrement des policiers, le ministère de la justice de concert avec le haut commandement de la Police nationale d’Haïti (Pnh) doit créer un centre d’accompagnement psychologique pour le besoin des policiers et policières.

Pour combattre l’utilisation des enfants par les gangs armés, Jilap appelle l’Institut du bien-être social et de recherches (Ibesr) et le Ministère des Affaires Sociales à créer des centres d’accueil pour eux et à leur faciliter l’accès aux écoles.

Elle exhorte aussi le parlement à voter une loi spéciale visant à protéger les enfants contre les vulnérabilités. [apr 16/06/2016 17 ;00]