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Quelle malédiction pèse sur Haiti ?

II - Quelques verités sur le vaudou

Extrait d’un dossier publié par le mensuel martiniquais "Asé Pléré Annou Lite" (APAL) [1] dans son numéro 250 / novembre 2004 [2]

Soumis à AlterPresse en novembre 2004 et mis en ligne en 6 segments séparés [3]

Croyez-vous que ce soit un hasard si, dans la cinématographie sont exclusivement associés au vaudou haitien, les mises en scènes macabres présentant des bandes de zombis dévoreurs de chair humaine, des cérémonies angoissantes de transes où gicle le sang de bêtes sacrifiées et où des sorciers maléfiques jettent des sorts aux bons chrétiens ?

Non ce n’est pas un hasard ! Ceci participe de l’entreprise idéologique séculaire visant à donner du noir en général, et de l’haitien en particulier, l’image du sauvage inhumain, donc non civilisé, qui ne saurait avoir créé de religion transcendante, méritant forcément la malédiction et les punitions divines, dont ils ne peuvent s’ échapper qu’à travers la sollicitude du blanc chrétien.

Et, hélas, cette horrible désinformation raciste a gangrené de larges fractions des opinions. L’on entend dire que toutes les catastrophes subies par Haiti sont une punition infligés à cette population coupable de pratiquer un vaudou diabolique.

Critiquant l’idée qui voudrait que le mal résiderait dans l’être haitien lui même, le sociologue la`nnec Hurbon, professeur à l’université de Port-au-Prince, relevait que : "Malheureusement, il y a de nombreux Haitiens pour le croire, au point de se précipiter dans les églises pentecTtistes pour exorciser les diables qui auraient - déclarent les pasteurs- choisi la terre d’Haiti pour établir leur royaume dans le monde."

La réalité c’est qu’il n’y a pas de différence de nature entre le jeteur de sort de la Bretagne chrétienne et celui, vaudouisant, d’Haiti. Il n’y a pas de différence de nature entre le sacrifice de l’agneau dont parle la bible et celui des animaux dans le vaudou. Et si peut paraitre spectaculaire le fait de se frotter du sang de la bête, ce rite se retrouve ,idéalisé, dans le fait de boire "le sang du Christ" symbolisé par le vin de la communion chrétienne. Enfin, ne retrouve -t-on pas le phénomène de transe dans de nombreuses sectes d’inspiration chrétienne ?

Le goût de la sorcellerie et du quimbois n’est pas plus intrinsèquement propre au peuple haitien qu’à aucun autre peuple. Sauf que l’histoire de toutes les sociétés humaines montre que, quand les peuples subissent des périodes de catastrophes, sont privés de moyens de vie et d’espérances, les pratiques supersticieuses se répandent plus facilement aux confins des religions. Il suffit de se reporter au Moyen-%ge dans les pays occidentaux pour en être convaincu.

La vérité est que le Vaudou est une religion, comme les plus de 5000 autres pratiquées de par le monde, avec ses prières, ses appels à la gr%ce et au bonheur, avec ses offrandes, avec sa perception du bien et du mal.

Ce qu’il faut savoir surtout, c’est que si le Vaudou a une telle présence dans la société en Haiti, c’est parce qu’il a joué un rTle fondamental dans la résistance contre l’esclavage et dans la révolution haitienne. Socle culturel pour s’ancrer dans l’humanité niée par les esclavagistes, puissant vecteur de rattachement aux civilisations d’origine, lieu indestructible de contre pouvoir dans la société coloniale autour des prêtres, lieu d’organisation et de préparation de l’insurrection et pour galvaniser les combattants : Voilà ce que l’occident ne peut pardonner et qui explique sa diabolisation.


[1partenaire d’AlterPresse

[2APAL remercie particulièrement Mr Jean Desrosier DESRIVIERES qui a largement contribué à la réalisation de ce dossier.