Par Wooldy Edson Louidor
Bogotá (Colombie) 24 mai 2016 [AlterPresse] --- « Au cours des 72 heures qui viennent de s’écouler, 300 citoyens étrangers qui se trouvaient de manière irrégulière en Antioquia [département situé au nord-est de la Colombia] ont été déportés par Migración Colombia », annonce Christian Kruger Sarmiento, directeur de l’organisme étatique responsable de la migration dans ce pays sud-américain.
La grande majorité de ces étrangers sont originaires de Cuba, d’Haïti, du Sénégal, de Ghana et du Congo, informe le fonctionnaire colombien (sans préciser le nombre de migrants haïtiens et d’autres nationalités), dans une déclaration à la presse colombienne le 20 mai écoulé.
Il signale que les migrants « arriveraient dans la zone colombienne de Turbo avec l’espoir de traverser la frontière [de la Colombie] avec le Panamá afin de continuer leur parcours en Amérique Centrale vers les États-Unis ».
Cette nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre à travers les principaux médias colombiens et sud-américains. Car, depuis le 9 mai dernier le président du Panama, Juan Carlos Varela, a fermé la frontière de son pays avec la Colombie en vue d’empêcher l’entrée de migrants, surtout cubains.
Ces migrants sont restés bloqués à cette frontière depuis plusieurs jours, faisant face à une grave crise humanitaire après avoir effectué un si long voyage (depuis l’Equateur et dans certains cas depuis la Guyane et le Brésil).
« Face à la décision d’autres pays de l’Amérique Centrale, en particulier le Nicaragua y le Costa Rica, nous avons pris la difficile disposition de fermer la frontière avec la Colombie dans les régions de Puerto Obaldía et d’autres points frontaliers pour éviter le passage de migrants irréguliers », avait soutenu le président panaméen Varela pour justifier cette mesure.
Ces migrants déportés de la Colombie proviennent de l’Équateur, selon Christian Kruger Sarmiento, et seront reconduits vers ce pays voisin. Il a également fait part de l’augmentation exponentielle de flux migratoires, durant ces dernières années, utilisant le territoire colombien comme point de transit de l’Équateur vers le Panama.
Au cours de l’année 2016 (jusqu’à date), un total de 3.000 migrants irréguliers ont été appréhendés à Turbo et, par la suite, déportés par Migración Colombia, ainsi que 49 trafiquants de migrants ont été également arrêtés, a illustré le fonctionnaire colombien à titre d’exemple.
« Migración Colombia a mis sur pied un plan de contingence, en coordination avec d’autres autorités nationales, qui inclut l’installation de postes de contrôle sur les principales routes utilisées par les réseaux de trafiquants de migrants », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, des membres de la communauté haïtienne en Colombie sont parfois informés –à travers leurs parents en Haïti ou au Brésil- de la présence de leurs compatriotes à la frontière colombo-équatorienne leur demandant d’aider ces derniers à traverser vers le Panama, selon des informations recueillies par AlterPresse.
Des familles haïtiennes entières (y inclus des enfants et des mineurs) en provenance du Brésil cherchent de plus en plus à passer par la Colombie pour continuer leur trajectoire vers l’Amérique Centrale et les États-Unis comme destination finale.
« Il n’y a pas moyen de les dissuader de rentrer en Colombie sans papier et face au danger que représente la présence de groupes armés illégaux dans les zones de passage vers le Panama, une mer hostile très agitée et le bouchon du Darien (zone de marais et de forêt où vivent des animaux sauvages tels que des jaguars et des serpents) », s’est plaint un membre de la communauté haïtienne à Bogotá.
Des rumeurs circulant dans la communauté haïtienne à Bogotá font croire que des Haïtiens auraient perdu la vie dans la zone frontalière colombo-panaméenne.
Les migrants, en particulier cubains, ayant fait ce périple, ont indiqué que dans leur trajet Équateur/États-Unis (en passant par l’Amérique Centrale) cette frontière est la plus difficile à traverser.
« Actuellement notre frontière avec le Panama est fermée ; nous ne savons que faire avec ces migrants bloqués, en particulier ceux et celles qui ne parlent pas l’espagnol tels que les Haïtiens et les Sénégalais (et d’autres citoyens africains et asiatiques) », a confié à AlterPresse un fonctionnaire du Ministère des Affaires Extérieures de la Colombie.
La méconnaissance de la langue espagnole constitue un obstacle additionnel pour les migrants Haïtiens et Haïtiennes puisqu’ils ne peuvent communiquer ni avec les autorités colombiennes ni avec les habitants de la zone de Turbo. En outre, plusieurs d’entre eux se trouvent en mauvaises conditions de santé.
« Depuis à peu près deux années, les Haïtiens cherchent par tous les moyens à quitter le Brésil pour se rendre aux États-Unis, en raison du chômage galopant, des bas salaires, de la discrimination et de la diminution considérable des activités dans le secteur de la construction », témoigne un Haïtien qui vit depuis des années au Brésil.
« Plusieurs de mes amis se sont rendus au Mexique de manière légale (avec visa dûment délivré par des Consulats mexicains basés à Río de Janeiro, à Sao Paolo, à Brasilia par exemple) et, en arrivant à la frontière avec les États-Unis, ils ont demandé l’asile politique pour entrer en terre américaine », explique –t-il.
« Cependant, l´Etat mexicain s’est vite rendu compte de cette stratégie et n’octroie désormais plus de visas aux Haïtiens », poursuit-il. Le gouvernement mexicain convie l’ambassade haïtienne au Brésil, le gouvernement haïtien, la presse et les organisations de la société civile à dissuader les Haïtiens de faire ce voyage si dangereux vers les États-Unis d’Amérique à travers l’Amérique du Sud. [wel gp apr 24/05/2016 01:00]