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Haïti-Société : La chercheure Myrtha Gilbert plaide en faveur d’un salaire minimum de 500 gourdes

P-au-P., 21 mai 2016 [AlterPresse] --- Un salaire journalier de 500.00 gourdes (US $ 1.00 = 65.00 gourdes ; 1 euro = 75.00 gourdes aujourd’hui) représente « effectivement le minimum que l’on puisse payer » aux ouvrières et ouvriers, aujourd’hui en Haïti, estime l’enseignante et chercheure Myrtha Gilbert.

« La livre de haricots secs, qui coutait 45.00 gourdes, il y a un an, a vu son prix doublé. Dans ces conditions, c’est la tuberculose qui menace les travailleurs et travailleuses », argue-t-elle.

Myrtha Gilbert s’est ainsi exprimée à l’émission Ti chèz ba, prévue pour être diffusée les samedi 21 et dimanche 22 mai 2016 sur la station en ligne AlterRadio (samedi : 7:00 am, 3:00 pm ; dimanche : 7:00 am, 1:00 pm, 5:00 pm).

Il n’y a aucune exagération dans les revendications des ouvrières et ouvriers, qui réclament 500.00 gourdes et des avantages sociaux, soutient-elle, critiquant les zones franches d’aujourd’hui qu’elle compare à l’entreprise de production de caoutchouc et sisal établie en Haiti en 1941 sous le nom de Société haïtiano-américaine de développement agricole (Shada).

Cette expérience est étudiée par Myrtha Gilbert dans son livre "Shada, Chronique d’une extravagante escroquerie", qui vient tout juste d’être réédité.

Elle démontre comment, déjà à l’époque (en 1941), les travailleurs sont exploités odieusement dans les scieries pour des salaires de famine, alors que des forêts entières disparaissent.

Un arrêté présidentiel, portant modification du salaire minimum, doit être publié incessamment. Le Conseil des ministres a adopté le rapport du Conseil supérieur des salaires (Css) qui fixe, entre autres, à 300.00 gourdes le salaire minimum pour 8 heures de travail.

Le salaire de production dans le secteur de la sous-traitance textile est fixé à 350.00 gourdes, selon un communiqué.

En date du 1er mai 2015, la dernière augmentation du salaire minimum du secteur textile avait fait passer le salaire journalier de 225.00 à 240.00 gourdes pour une journée de 8 heures.

Des milliers d’ouvrières et d’ouvriers ont manifesté, ces derniers jours, à la capitale, pour réclamer le passage du salaire minimum à 500.00 gourdes.

Les protestataires appellent les membres du Css à tenir compte du coût de la vie.

Dans une note, l’Association des industries d’Haïti (Adih) souligne avoir fait des propositions raisonnables au Css, qui tiennent compte de l’impact de l’inflation au cours des dernières années.

Mais, note Myrtha Gilbert, « les produits de la sous-traitance s’exportent en dollars américains par les patrons et ceux-ci réalisent des bénéfices disproportionnés ».

Grève « sauvage » et « suspecte » dans le secteur de la santé

Interrogée à propos de la grève des résidents et médecins de service dans les hôpitaux publics depuis 2 mois, Myrtha Gilbert qualifie ce mouvement de « sauvage » et « suspect ».

« C’est extrêmement grave et je suis extrêmement indignée », confie-telle, après avoir signalé qu’au moins 3 femmes enceintes sont décédées à Port-au-Prince et dans d’autres villes, alors qu’elles sollicitaient des soins refusés par les médecins grévistes.

Tout en reconnaissant l’état lamentable des structures de santé et les conditions désastreuses dans lesquelles travaille le personnel médical, elle se demande : où étaient ces médecins lorsque, il y a quelques mois, l’ancien régime dépensait à tour de bras ? Pourquoi n’avaient-ils pas profité, à ce moment-là, pour faire des exigences en vue de réhabiliter les structures de santé, s’interroge-t-elle.

« Remettre à plat la question des élections »

Au plan politique, Myrtha Gilbert décèle dans la conjoncture actuelle une « opportunité » de « prendre le temps nécessaire pour remettre à plat la question des élections » et de l’aborder en prenant en compte les spécificités et les capacités haïtiennes.

Telles qu’organisées depuis le milieu des années 1990, les élections ne font que renouveler et envenimer des cycles de crise, rappelle-t-elle.

Pour la chercheure, les élections ne sont pas possibles « tout de suite », ni sans une réforme profonde. Si elles étaient possibles, le processus serait déjà terminé depuis l’année dernière, ajoute-t-elle. [gp apr 21/05/2016 02 :00]


TiChèzBa, édition du 14 mai 2016, invité Nicolas Pierre-Louis, membre du secrétariat départemental du mouvement patriotique démocratique populaire (Mpdp)