Débat
Par Yvon Pierre
Soumis à AlterPresse le 17 mai 2016
Je n’accepte plus ce que je ne peux pas changer. Je change ce que je ne peux pas accepter.
Angela Davis
« Se pou nou chache toutan fè moun pye sal yo leve kanpe kont moun eklere yo epi fè yon jan pou moun eklere yo toujou nan goumen antre yo, pou yo toujou rete dozado ; se sèl jan pou nou kenbe anba pye nou, sou kontwòl ak dominasyon nou toutan peyi nèg nwè sa a ki te pran endepandans li zam alamen an. Li reprezante yon move egzanp pou 28 milyon nèg nwè ki genyen isit Ozetazini. » [1]
“Mauvais exemple” répété entre autres les 7 février 86 et 16 décembre 90. Frekansite Bush fè pèp la peye par le sanglant coup d’état du 29/30 septembre 91. D’une conjoncture à l’autre, seul les méthodes changent mais les objectifs restent les mêmes.
Ne sommes-nous pas en droit de nous demander si les OPL, INITE, VERITE, LAPEH, FANMI LAVALAS, RENMEN AYITI, PITIT DESALIN, KAN PĖP et autres créatures du genre ne se sont pas, à dessein, faits complices de la réalisation d’un plan macabre de déstabilisation ? Comment comprendre l’existence – en bandes séparées ou (pour utiliser une expression que plusieurs militants de ces partis politiques connaissent bien) « en ordre dispersé » - de cette multiplicité de partis politiques, idéologiquement proches ou presque, disposant de compétences et d’expérience politique suffisantes pour réaliser une unité stratégique ? Absence de volonté pour une stratégie unitaire ou refus d’une démarche unitaire ? Qu’est-ce qui pourrait expliquer cette absence ou ce refus ? Nous attendons – sans trop y croire – les explications savamment élaborées de « nos leaders ». En attendant, nous nous interrogeons sur le silence – éloquent, complice, coupable – de certains de nos leaders. En effet, comment comprendre, dans ce « katyouboumbe » qui marque la conjoncture politique du 25 octobre à nos jours, le silence du manitou de Vérité (René Garcia Préval), du baron et leader incontesté de Fanmi Lavalas (L’Étoilé Jean-Bertrand Aristide), du nouvel apprenti leader de Lapeh (Jude Célestin) ? Est-ce parce qu’ils n’ont absolument rien à dire au peuple haïtien, à part des slogans creux ou… des messages sibyllins que chacun peut interpréter à sa façon, dans un sens ou dans le sens contraire ? Ou est- ce parce qu’ils ne savent agir que dans l’ombre, l’espace privilégié des tractations douteuses pour mieux camoufler un insatiable appétit de pouvoir ? Ou encore, est-ce parce qu’ils craignent d’être rappelés à l’ordre par les véritables maîtres du pays, leurs véritables maîtres, sachant leurs actions passées et… leurs omissions, du temps de leur gestion de la chose publique ? Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, il n’y a plus d’excuses possibles pour ceux qui persistent, par leur comportement, à alimenter la division au sein du secteur démocratique. Ils ont choisi leur camp. Point. Se mas pèp la yo pran annotaj la, yap manipile a ki pou konprann sa. Nan kalfou nou ye la a jounen jodi a, nou dwe travay pou bare wout tout Konze, kèlkelanswa sou plimay yo vle parèt devan popilasyon an : nan Palman, nan Ekzekitif, nan Jidisyè - e sa k la koulye a e sa k resikle swa nan lòt espas pouvwa swa nan sosyete sivil la -. Se sa ou jamè.
Vòt pèp la 16 desanm 90, gaspiye, trennen nan fatra, nan labou… Nan goumen pou pataj gato/pouvwa, pou prestij entènasyonal, pou zo, pou privilèj, pou lajan, pou kay, pou tè, pou bèl plaj, pou oto, pou fanm, pou pèdiyèm ; nan bay kout kouto nan do, nan voye toya youn sou lòt, nan chache avantaj pèsonèl, nan pèdi tan... Sou do pèp la !
25 ans plus tard, alors que le secteur démocratique se délite, le camp duvaliériste se renforce dans l’unité et se modernise ; bien encadré qu’il est par ses tuteurs invétérés, locaux et étrangers dont quelques échantillons : Achille, Atouriste, Avril, Brant, Chanoine, Cinéas, Conille, Gervais, Gilot, Gousse, Latortue, Mayard, Rébu, Supplice, Merlot, Merten… Rappelons au passage avec quel doigté l’ambassadeur américain d’alors, Kenneth Merten (tiens tiens !), avait pris la défense du citoyen Sweet Micky, … dont on dit qu’il a la citoyenneté américaine. Il n’y a pas deux (2) semaines, n’avons-nous pas entendu un « très honorable » de la chambre basse, bien ou mal élu ( !?), - aller le savoir -, exprimer sa satisfaction pour le soutien, ô combien appréciable, qu’était venu leur apporter, derechef Merten, ce charmeur sulfureux, qui, s’associant à leur croisade contre la commission d’évaluation et de vérification, s’est époumoné à claironner à cor et à cri s’attendre à un deuxième tour avec Jude Célestin et le dauphin de Martelly, Jovenel Moïse, leur choix, tout comme l’a été Martelly. Stabilité oblige !
Squelettes dans le placard ? Grenn zanno kay òfèv ? Toujours est-il que la communauté internationale et le PHTK sortent les griffes. Sans gants ! Et pour preuve, les dernières sorties des militaires de l’armée de Martelly formés en Équateur. Et à qui le généreux K-Plim , tout en garnissant ses fonds de retraite, pour quelque 18 mois de service, d’une mensualité de 150.000 mille gourdes, a scandaleusement donné pignon sur rue en adoptant le 09 octobre 2015 le décret qui remobilise officiellement les Forces armées d’Haïti [2]. Geste de gratitude ou retour d’ascenseur pour remercier Prosper Avril et ses sbires, -rejetons de l’armée héritée de 1915-, qui, pour la consommation internationale, avaient fait de lui une victime parfaite de la terreur/fureur duvaliérienne. Attendez-vous dans les prochains jours à un copier-coller des assassinats, des massacres perpétrés par les Franck Romain, Toto Constant, Chamblain, Michel François, Cédras, Guy Philippe … qui, eux, n’ont pas (dit avoir) remis le tablier, loin de là !
« En 2010, c’était au tour du président René Préval d’apprendre à ses dépens l’amère leçon de cette dictature internationale dont les représentants, décomplexés, opèrent désormais de plus en plus à visière levée. J’en ai rencontré un à l’Université de Montréal en 2013 alors que, invité à un séminaire sur les opérations de maintien de la paix de l’ONU, il en a profité pour parler du dénouement spectaculaire de la plus récente crise électorale en Haïti. Je me souviens encore de ses explications, l’air amusé, à un auditoire incrédule : « Moi et un autre ambassadeur à Port-au-Prince, il nous a suffi de cibler quelques proches de l’entourage du président Préval et de révoquer leur visa, pour que le président cède et se plie à nos exigences ». Et de se réjouir : ‘certains protagonistes haïtiens impliqués dans la crise nous ont même suppliés, au bord des larmes, de ne pas toucher au visa de leurs épouse et enfants’. » [3]
« Nous sommes au Vietnam à 10 % pour aider les Sud-Vietnamiens, à 20 % pour contenir les Chinois et à 70 % pour sauver la face » [4], eut à cracher sans retenue un secrétaire adjoint à la défense ! Est-ce assez clair ?
Dans les moments de crise, on ne peut pas se permettre d’avoir un pied sur le pont et un pied sur le quai. C’est la meilleure façon de tomber à l’eau, nous le rappelle Juan Martin Guevara. « Il vient un moment où le clerc doit sortir de sa tour d’ivoire, mais sans renoncer à son état de clerc. Et, l’une des conditions à cela est justement d’être capable de sortir de « l’entre soi » et de se frotter à l’autre, au risque de se piquer. De ce point de vue la volonté de garder à tout prix ses mains propres est plus révélatrice d’un narcissisme exacerbé que de tout autre chose. » [5]
Nous laissons la droite s’emparer de cette conjoncture pour mettre en route un processus de reconquête de son pouvoir et de son hégémonie. Faisant appel aux valeurs démocratiques qu’elle n’avait jamais respecté, elle tente par tous les moyens de récupérer une partie du corps électoral à travers des élections … frauduleuses, en s’assurant des majorités dans la chambre basse et les collectivités territoriales, appuyée par de nombreuses instances nord-américaines.
En guise d’issue à la crise, Mirlande H. Manigat prévient qu’il pourrait y avoir une radicalisation de celle-ci, une sorte d’ascension aux extrêmes. « Cette ascension aux extrêmes peut être un effondrement total du système politico-social qui emporterait toutes les institutions. Cette ascension aux extrêmes peut aboutir à des solutions "démocraticides", à une guerre civile, ou encore à une prise en charge du pays par l’étranger ». [6]
Si toutbon vre Fusion, Fanmi Lavalas, Pitit Desalin, Lapeh, Verite, Mas, Inite, OPL, Kan Pèp, nan enterè mas pèp la ki aux abois a, si yo wè enterè peyi dAyiti vre, il est impératif et urgent -(ce n’est ni une option ni une alternative)- qu’ils donnent le ton, et leurs excroissances suivront. Sinon…
Le chaos savamment orchestré pendant le quinquennat de Martelly/Conille-Lamothe-Paul, la Gauche Haïtienne toutes tendances confondues, devra cette fois-ci, en porter l’entière responsabilité. Abraam di sètase, à bon entendeur, salut !
[1] Franklin Delano Roosevelt
[2] Le Moniteur du 26 octobre 2015 # 205
[3] Roromme Chantal, La dangereuse ingérence américaine en Haïti in Le Nouvelliste du 26 avril 2016
[4] Mémorandum du secrétaire adjoint à la Défense adressé au secrétaire à la Défense McNamara (extrait des Pentagone Papers)
[5] Inconséquences, Jacques Sapir 30 août 2015
[6] Le Nouvelliste, 16 Mai 2016