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Haïti : la délicate question des anciens militaires dans une conjoncture fragile

P-au-P., 16 déc. 04 [AlterPresse] --- D’importants contingents de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH) et des agents de la police haïtienne supportés par des blindés encerclent depuis ce 16 décembre, tôt dans la matinée, la résidence de l’ex président Jean Bertrand Aristride, occupée par d’anciens militaires.

Un processus de négociation entre la MINUSTAH et les ex militaires a été suspendu, jusqu’à ce qu’une délégation du gouvernement se présente sur les lieux, a informé le Colonel brésilien Carlos Chagas, commandant de l’opération.

Aux dernières nouvelles, une délégation gouvernementale composée, entre autres, des Ministres de la Justice, Bernard Gousse et de la Culture et de la Communication, Magalie Denis, devraient entreprendre des pourparlers avec les anciens militaires, selon la station privée Signal FM.

Le chef des militaires démobilisés, Ravix Remissainthe, a affirmé sa disposition à trouver une solution négociée. « Je suis prêt à négocier pour l’avancement du pays », a dit l’ex militaire, lors d’une interview accordée a la station privée Radio Métropole.

Cependant « nous n’allons pas négocier sous pression », a affirmé l’ex militaire qui a exigé le retrait des forces de la MINUSTAH aux abords de l’édifice occupée. En même temps il a fait savoir que ses hommes n’étaient ni prêts à laisser le local, qu’ils ont investi de très tôt la veille, ni prêts à déposer leurs armes.

Des représentants de plusieurs secteurs politiques, religieux et de droits humains ont affirmé leur préoccupation face à la situation présente, qualifiée de très grave. Ils ont plaidé en faveur d’une sortie négociée pour éviter un bain de sang.

Paul Denis, de la Convergence Démocratique, a considéré que « les anciens militaires serviraient mieux leur cause s’ils avaient compris la nécessité d’agir dans le cadre de la loi ». Denis a estimé que les ex militaires devraient laisser le bâtiment occupé et « comprendre la position du gouvernement », qui, depuis le début, a déclaré que la résolution du problème militaire revient à un gouvernement définitif issu d’élections.

Micha Gaillard, du même secteur politique, a affirmé que « nous devons avoir une capacité d’intervention par le dialogue » pour résoudre ce problème.

L’ex colonel Himler Rebu, qui dirige le nouveau parti Grand Rassemblement pour l’Evolution d’Haïti (GREH), a critiqué la gestion faite par le gouvernement du dossier des ex militaires. Il a suggéré la constitution d’un Conseil en vue de gérer cette crise. « Une seule cartouche ne doit être tirée », a-t-il dit.

Monseigneur Guire Poulard du Sud-Est, Edouard Paultre de la Fédération Protestante d’Haïti, Jean Claude Bajeux du Centre Oecuménique pour la Défense des Droits Humains et Christian Rousseau du Conseil des Sages se sont prononcés pour une sortie pacifique.

Toutefois, Rousseau a estimé que « nous devons être clairs que les anciens militaires doivent se considérer comme citoyens ordinaires ». Il a ajouté qu’ « on ne peut pas condamner l’existence de groupes armés pro-Aristide (ancien président) et accepter que d’autres individus armés s’auto-proclament Armée d’Haïti ».

Dans la soirée du 15 décembre, le président Boniface Alexandre et le Premier Ministre Gérard Latortue ont « condamné », dans un communiqué officiel, l’occupation par d’ex militaires de la résidence d’Aristide et demandé leur retrait immédiat du bâtiment.

Ce nouveau front de crise s’ouvre à une période où l’administration en place doit trouver des réponses à d’urgentes questions, notamment celle de la sécurité. Un mouvement violent entamé depuis le 30 septembre dernier par les partisans de l’ancien régime, en vue du retour physique d’Aristide, se poursuivait ces dernières 48 heures.

Des partisans d’Aristide ont manifesté au Belair, quartier du centre de la capitale, et au Cap Haïtien (Nord). Une certaine accalmie a été observée à Port-au-Prince ce 16 décembre, 14ème anniversaire de la première élection d’Aristide, alors qu’une importante présence policière et de soldats de la MINUSTAH a été constatée dans les principales artères de la capitale. Les activités commerciales étaient au ralenti, toutefois aucun incident majeur n’a été signalé.

Depuis le 14 décembre les forces de la MINUSTAH et de la police avaient entamé une intervention à Cité Soleil, vaste bidonville au nord de la capitale, ancien fief d’Aristide et important foyer de violence alimenté par diverses bandes armées. Les autorités ont fait savoir que l’opération était toujours en cours et qu’il n’y avait pas encore de bilan définitif.

Entre-temps, le gouvernement se fait taper sur les droits par divers secteurs, notamment le patronnât et des secteurs sociaux qui ont exprimé ouvertement leur insatisfaction de la performance de cette administration. Le Club pour la Libre Entreprise et la Démocratie (CLED) a sévèrement critiqué le gouvernement et a même souhaité des changements au sein de l’équipe ou bien son « entraîneur ».

Pour sa part, le Regroupement Démocratique Populaire (RDP), plateforme d’une trentaine d’organisations et institutions a déclaré ne pas savoir « vers où cette équipe de technocrates entend conduire la transition ». [gp apr 16/12/2004 15:50]