Port-au-Prince, 09 sept. 02 [Alter Presse] --- Du 1er septembre au 12 octobre 2002, plus de 20 pays des Amériques célèbrent un grand mouvement continental contre la politique néolibérale, qui favorise la domination d’un petit nombre de riches, vivant du sang des peuples de la région croupis dans la misère et les injustices, déclarent les organisateurs du mouvement.
Dénommé "Le Cri des Exclus / Exclues Pour le Travail, la Justice et la Vie", ce mouvement qui a pris naissance au Brésil en 1995 entend répercuter les voix des sans voix contre les différentes formes de violations de leurs droits au travail, à l’alimentation, à la terre, au logement, à l’éducation et à l’information.
Le mouvement de réprobation appelle au rassemblement de toutes et tous, à travers des organisations véritables invitées à se prononcer et à réaliser un grand plébiscite, une consultation populaire continentale transparente, sur la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) et sur toutes les situations qui affectent la vie quotidienne des peuples de la région.
Il faut particulièrement démasquer et combattre la ZLEA, "que le système (global) veut nous imposer comme une nouvelle forme continentale de domination colonialiste", affirme le prêtre brésilien Luiz Bassegio, secrétaire du mouvement "Cri des Exclus / Exclues". Dans ce sens, relève-t-il, le capital international et les gouvernements irresponsables contribuent grandement au déplacement de millions de personnes, obligées continuellement à fuir leurs pays d’origine à la recherche de meilleures conditions de vie.
Rappelant les conséquences des recettes du Fonds Monétaire International (FMI) sur l’Argentine, Bassegio estime que l’implantation éventuelle de la ZLEA, comme prévue pour 2005, fera accroître la pauvreté dans les pays de la région qui ne détiennent pas les moyens d’entrer en compétition, sur un pied d’égalité, avec un empire de technologies tant avancées.
Les Etats-Unis d’Amérique représentent cet "empire de technologies tant avancées", aux yeux du secrétaire du "Cri des Exclus /Exclues" se référant aux propos de l’ancien général Colin Powell comme Secrétaire d’Etat du gouvernement du belliqueux George Walker Busch :
"Nous voulons vendre des marchandises, de la technologie et du service nord-américains, sans obstacles ni restrictions, pour un marché unique de 800 millions de personnes, avec un revenu total de 11 trillions de dollars annuels, en un territoire qui va de l’Océan Arctique (ensemble des mers comprises entre le pôle Nord et le cercle polaire arctique) juusqu’au Cap Horn (cap situé aux confins du Chili et marquant le point le plus austral de l’Amérique du Sud)" (dixit Colin Powell, repris par Luiz Bassegio).
Les résultats de cette nouvelle invasion seront une grande surface commerciale dominée par un petit nombre d’entreprises transnationales, "qui laissera la majorité de la population, de nos pays, chaque fois plus exclue, sans les plus minimes conditions pour une réelle concurrence ou compétition", signale Luiz Bassegio.
A souligner que d’autres incidences de la politique du FMI ont été récemment observées en Uruguay, au Venezuela, au Brésil, en Bolivie, en Equateur, au Mexique. D’autres effets sont aussi remarquables en Haïti, notamment avec la crise des coopératives « à intérêts juteux de 10 % le mois » qui ont raflé les ressources de milliers de personnes sous les regards laxistes et complaisants, voire la participation complice d’une équipe qui se dit être investie de la direction des affaires du pays.
Le bruit court fortement que les ressources des sociétaires des coopératives dites "en faillite" en Haïti auraient financé les activités de potentats qui, en plus, rançonneraient des citoyens pour faire face aux restrictions financières décidées par la communauté internationale après le brigandage électoral de l’année 2000…
Dans les Amériques, les causes de la paupérisation sont directement liées à l’extrême concentration de richesses, de revenus et de pouvoir.
"La population la plus riche de la planète retient 86 % des revenus et des richesses, tandis que des milliers de millions d’êtres humains vivent sans les conditions minimales. Le patrimoine d’à peine 4 personnes plus riches du Monde représente une valeur supérieure au produit Intérieur Brut (PIB) des 42 pays les plus pauvres totalisant 600 millions d’habitants".
Chaque année, "Le CRI des Exclus /Exclues" publie une affiche exprimant le ras-le-bol des peuples marginalisés du continent, qui revendiquent en faveur de la construction d’un monde nouveau basé sur le respect des droits de la personne, la justice et l’accès aux services essentiels.
Pour l’année 2002, comme diffusé au deuxième Forum Social Mondial de janvier à Porto Alegre, la conjonction des mouvements sociaux contre le néolibéralisme se propose de lutter en faveur des droits des peuples du continent à la souveraineté, à l’identité, à l’autonomie, à la liberté, à l’alimentation, au travail, à la terre, au logement, à l’éducation publique et gratuite.
Parallèlement, diverses formes de manifestations se déroulent pour combattre le capital financier et ses intérêts insatiables, le monopole de l’information des groupes économiques et des gouvernements impérialistes, le paiement de la dette externe, la violence et le machisme, la manipulation politique et la corruption économique, un ensemble de réalités omniprésentes dans les Amériques.
Quoi qu’il en soit, la lutte continentale des peuples des Amériques, encore appelée « Le Cri des Exclus /Exclues » cible fondamentalement la domination impérialiste et les plans stratégiques de domination, concrètement utilisés contre les populations par le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale du Commerce, le Plan Colombie, les Plans Puebla-Panama, Dignité en Bolivie, etc.
Luiz Bassegio présente le mouvement des exclus / exclues du continent comme une nouvelle forme de manifestation qui valorise la pédagogie de l’exemple, des symboles, de la mystique et non de la force des discours.
Il s’agit, dit-il, de l’expression de cette douleur séculaire qui surgit des entrailles de la terre, se traduit en protestations, crée des ailes et se lance dans les airs, entre par les portes et fenêtres, prend les espaces. Il convient d’unifier tous les cris contenus dans les millions de gorges, de désinstaller tout ce qui se trouve déjà accomodé, de blesser les oreilles des responsables de l’exclusion et de convier toutes et tous à l’organisation et à la lutte.
Le Cri des Exclus / Exclues peut prendre diverses formes de célébrations œcuméniques, marches, théâtres, musiques, poésies, festivals et participation à des barricades d’exclus dans les défilés officiels aux dates qui coïncident, de manière à montrer les réalités de sous-emplois, des immigrants, des enfants des rues et des paysans.
Et les protagonistes participant au mouvement des exclus sont les maîtres et maîtresses de la parole, des microphones, comme les femmes, les vieux, les jeunes et les enfants, les indigènes et les noirs, les paysannes /paysans et ouvrières / ouvriers, les immigrants, les artistes et membres de diverses dénominations religieuses.
A noter que de nombreux réseaux et organisations du continent ont lancé un appel en faveur de la tenue de Journées de Résistance et de Lutte contre la ZLEA, du 27 octobre au 1er novembre 2002, au moment où les ministres du Commerce des 34 pays des Amériques (à l’exception de Cuba) se réuniront à Quito, Equateur, pour poursuivre les négociations de ce qui est qualifié de Zone de Libre Echange des Amériques. [rc apr 09/09/02 12:15]