Déclaration du Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l’occupation d’Haïti (REHMONCO)
Document soumis à AlterPresse le 11 avril 2016
Le REHMONCO constate, sans grande surprise, l’immixtion de l’ambassadeur étatsunien, Peter Mulrean, dans les affaires internes d’Haïti.
Se dépouillant de ses vêtements de diplomate, Mulrean, sans se gêner outre mesure, se déclare contre la mise en place de la commission de vérification, qu’il juge inopportune et une perte de temps ; et dans une récente entrevue accordée au journal Le Nouvelliste [1], il laisse entendre que son gouvernement pourrait se lancer dans la bataille contre la corruption en Haïti en poursuivant légalement les individus qui y sont impliqués.
Des déclarations qui seraient pour le moins consternantes, si elles ne sortaient pas de la bouche d’un homme qui sait pertinemment qu’il se trouve en territoire conquis.
Il faudrait écrire un jour l’histoire politique de l’ambassade étatsunienne dans notre pays. Une ambassade qui est véritablement une « institution », un État dans l’État.
Depuis l’occupation de 1915, elle concourt à mettre en place la politique étrangère conçue et préparée pour Haïti, politique qui consiste essentiellement à maintenir le pays sous la domination impérialiste des États-Unis
Les interventions de cette ambassade ont pris différentes formes, selon les conjonctures, les circonstances et les contextes.
On se rappelle de Clinton E. Knox, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire (1969-1973), connu sous le sobriquet de « macoute honoraire » pour son soutien au régime des Duvalier.
On se souvient également de Alvin Philip Adams, mieux connu sous le nom de « Bourik Chaje », personnage flamboyant, transféré en Haïti deux ans avant le coup d’État sanglant de 1991 (était-ce une simple coïncidence ou était-il chargé d’une mission ?)
Rares, aussi, sont ceux qui n’ont pas succombé aux charmes capiteux de l’ambassadrice Pamela A. White, marchant dans les rues de la capitale bradsou bradsa avec le pétillant premier ministre Laurent Lamothe. C’était la « belle époque » du banbòch martellien.
Aujourd’hui, les temps ont « changé ». La transition que souhaiterait Washington en mettant au pouvoir le dauphin de Martelly, Jovenel Moise (l’homme banane) a échoué. Il faut désormais gérer l’après-Martelly. Et Mulrean semble être l’homme pour la circonstance.
Le personnage est calme et flegmatique. Il s’efforce de s’exprimer dans un français soigneux et impeccable ; histoire de montrer aux « élites » de ce « petit pays » que la langue de Molière n’a pas de secret pour lui.
Quand il prend la parole dans les médias, c’est pour donner des leçons de démocratie, de droits de l’homme, de liberté ; tout ce qui, pour lui, constitue l’essentiel de la politique étrangère américaine. Un mythe qu’il ne cesse de rabâcher dans les oreilles de nos parlementaires et leaders politiques, des individus qui, à ses yeux, devraient observer texto les diktats de Washington.
Il ne se gêne pas pour intervenir dans la politique du gouvernement, l’orientation économique qu’il juge opportune pour le pays, préciser la date des élections, etc. Il sait qu’il détient le pouvoir de l’aide financière, des programmes de « développement », de l’octroi de visas et de bourses, qu’il distribue parcimonieusement aux familles de ces sénateurs et députés prêts à se prostituer pour obtenir les faveurs du tuteur blanc.
Aujourd’hui, notre ambassadeur s’impatiente. Il veut que les élections se tiennent le plus rapidement possible. Il en va, dit-il, de l’avenir du pays, de la lutte contre la pauvreté, contre les épidémies. Bref, c’est par la stabilité politique, claironne-t-il, que la nation haïtienne trouvera la voie à la prospérité.
Que signifie pour Mulrean « stabilité politique » ? Est-ce le régime mafieux de Martelly qui, après cinq ans de pouvoir, aurait laissé les caisses de l’État vide, un gouvernement qui, en la personne de son président, a incarné le plus vulgaire des sexismes ? Est-ce encore ce régime au cours duquel on a vu la misère du peuple augmenter de façon exponentielle, l’exploitation des ouvriers dans les zones franches s’intensifier, les richesses minières du pays livrées à des compagnies étrangères prédatrices ? Est-ce cela qu’il appelle la prospérité ?
Mulrean dit que la « stabilité politique » attire les investisseurs. De quels investisseurs parle-t-il ? Est-ce ces hommes d’affaires qui depuis le régime de Jean-Claude Duvalier, investissent dans la sous-traitance, le tourisme, l’agro-business ? Des capitalistes locaux et internationaux qui ont bénéficié de la destruction de l’agriculture, de l’industrie nationale, de l’exode rural ?
À l’heure actuelle, cette « stabilité politique » à laquelle tient tant Mulrean traverse une fois de plus une crise profonde. Depuis près d’une vingtaine année, sa reproduction et son maintien dépendent de plus en plus de l’ingérence étrangère. Politique et surtout militaire. Mulrean en est conscient. C’est pourquoi il prend en main la gestion de l’après-Martelly avec gravité, non seulement pour s’assurer de la tenue des élections, mais aussi et surtout de la reproduction du statu quo ante. Ce qui dans la réalité signifie pour le peuple haïtien la continuation de la misère, de l’exploitation, de l’exclusion.
En ces temps de grandes souffrances de la nation haïtienne, il est temps de mettre fin à cette domination des puissances impérialistes dans la gestion d’Haïti. C’est pourquoi le REHMONCO encourage les forces progressistes, les organisations populaires d’Haïti à continuer la lutte contre cette domination impérialiste et demande aux classes travailleuses du Canada, des États-Unis et des pays de l’Amérique latine de se joindre à cette lutte pour l’émancipation et l’autodétermination du peuple haïtien.
Pour authentification :
Renel Exentus
Ricardo Gustave
Contact : rehmoncohaiti1915@gmail.com
[1] Le Nouvelliste, 4 avril 2016