Sur la base d’indices exposés, plusieurs institutions et personnalités demandent à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca) de réaliser un audit du Fonds de gestion des collectivités territoriales (Fgdct), de 2011 à 2016, correspondant à la période de quinquennat de Michel Martelly. Elles exigent également un renforcement du contrôle, exercé par la Cscca sur « la gestion des administrations locales, notamment en exigeant la remise des comptes administratifs annuels, pour que l’augmentation du financement des collectivités territoriales n’aboutisse pas à une simple décentralisation de la corruption »…
Soumis à AlterPresse le 15 mars 2016
Par le Gride, Cfs et un groupe de citoyens concernés
Quarante (40) à cent vingt (120) millions de dollars américains, provenant du Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales (Fgdct) ont été retenus ou détournés par les titulaires des ministères de l’Intérieur et des Finances, qui se sont succédés durant ce quinquennat, en solidarité avec les autres ministres.
Or, ce fonds est consacré uniquement au financement des collectivités territoriales par la loi du 20 août 1996.
Entre les années 2007-2008 et 2009-2010, les Conseils d’administration de sections communales (Casec) recevaient 248,33 millions de gourdes pour financer un projet de développement, tandis que la grande majorité des mairies recevait 145,70 millions de gourdes, soit un total annuel de 393,30 millions de gourdes (un peu plus de 8 millions de dollars américains), pour l’ensemble des mairies et des Casec.
Ces allocations ont été suspendues durant tout le mandat du président Michel Martelly.
Il s’agit là d’un indice indéniable d’un détournement de fonds, ce gouvernement n’ayant pas économisé ces 40 millions de dollars non alloués aux mairies et aux Casec, durant ces 5 années.
Cette somme ne représente que la pointe de l’iceberg, car, selon les estimations du Groupe de recherche et d’interventions en développement et en éducation (Gride), le Fgdct reçoit actuellement 2 à 3 milliards de gourdes par an.
Sur des recettes d’au moins 2 milliards de gourdes par an, le Ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales (Mict) et le Ministère de l’économie et des finances (Mef), qui gèrent conjointement le Fgdct, ont déboursé seulement 744 millions de gourdes, en terme de transferts réguliers aux mairies, aux Casecs et Assemblées de sections communales (Asec), laissant une balance annuelle d’environ 1,25 milliard de gourdes dont personne ne sait l’utilisation.
Sur les cinq années du gouvernement Martelly, le Fgdct a accumulé au moins un montant de 6,25 milliards de gourdes soit 120,2 millions de dollars américains (au cours moyen de 52.00 gourdes pour $1.00), qui n’a pas été alloué aux collectivités territoriales, comme l’exige la loi.
Dans le même temps, le salaire d’un Casec, qui ne dépasse pas 6.000 gourdes par mois, atteint à peine le niveau du salaire minimum d’un ouvrier. Les villes sont jonchées d’ordures. Les sections communales manquent d’eau potable et de latrines.
Ce qui, en retour, entretient le choléra et les autres maladies hydriques. Les écoles communales sont rares et la majorité, de celles qui fonctionnent, dispense un enseignement de très faible qualité.
En fait, Il se pose deux problèmes administratifs et légaux distincts : (1) le détournement des revenus du Fgdct et (2) la probable dilapidation d’une bonne partie de ce fonds.
Nous en appelons aux organisations de la société civile et aux citoyens conscients pour qu’un plaidoyer soit mené auprès de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca), afin de faire définitivement cesser ce brigandage financier.
Le Groupe de recherche et d’interventions en développement et en éducation (Gride), l’Association Citoyens sans frontières (Csf) et les personnalités, signataires de la présente déclaration, s’inscrivent d’ores et déjà dans cette dynamique.
Nous attendons d’abord de la Cscca un audit financier du Fgdct, sur la base des indices préalablement exposés, et, par la suite, la réclamation du rapport annuel sur la gestion du Fgdct et de tous les autres fonds similaires, dans les délais prévus par la Constitution (Réf. article 227-2 et 227-3 de la Constitution amendée).
La Cour des comptes doit aussi renforcer le contrôle, qu’elle exerce sur la gestion des administrations locales, notamment en exigeant la remise des comptes administratifs annuels, pour que l’augmentation du financement des collectivités territoriales n’aboutisse pas à une simple décentralisation de la corruption.
Nous demandons au Président provisoire, qui est un expert en fiscalité, de soutenir les actions que nous entreprendrons auprès de la Cscc concernant l’administration du Fgdct.
Nous attendons de la cinquantième législature un soutien non moins conséquent vis-à-vis de nos démarches et de toute initiative similaire, pour qu’un audit immédiat soit fait sur l’administration du Fgdct et sur tous les autres fonds, qui constituent des instruments privilégiés de la corruption généralisée qui maintient le peuple dans la misère et la crasse.
Port-au-Prince, le 14 mars 2016
Institutions et personnalités impliquées à date dans ce plaidoyer :
Groupe de recherche et d’interventions en développement et éducation (Gride)
Citoyens sans frontière (Csf)
André Lafontant Joseph (Gride), Delmas
Luc Dany (Ex-maire), Jérémie
Edouard Paultre, Pétionville
Frantz Lalanne, Pétionville
Gabriel Fortuné (Maire élu), Les Cayes
Garry Denis, Cap Haïtien
Muscadin Jean Yves Jason (Ex-maire et CSF), Port-au-Prince
Jean Delavoix Manguira (Ex-maire), Limonade
Joël Ducasse, Arcahaie
Marie Ange Noël, Jacmel
Mona Jean, Pétionville
Velan Gilot, Jérémie
Wilbens Jeudy, Jacmel
Woldson Bertrand, Croix des Bouquets