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Haiti / Gestion de l’environnement

Les difficultés sont parfois des opportunités

Par Joé Eliacin [1] et Lesly Boulos [2]

Soumis à AlterPresse le 11 décembre 2004

La date du 3 novembre 2004 a été retenue par le Ministère de l ’Environnement (MDE) et de la Secrétairerie d’Etat des Mines et de l’Energie pour la fermeture des carrières de sable de La Boule 12 (Est de Port-au-Prince). Cette mesure quoique saluée par plus d’un particulièrement des professionnels oeuvrant dans le domaine de l’Environnement et des amis de la nature, a suscité beaucoup de débats.

Certains la jugent inappropriée et de nature à créer des problèmes sociaux. D’autres pensent au contraire que cette mesure est trop tardive et qu’elle devait être envisagée depuis très longtemps vu les problèmes écologiques et les dangers que l’exploitation irrationnelle de cette carrière de sable peuvent engendrer.

Cette situation traduit une certaine préoccupation de la part des citoyens haïtiens qui, depuis les récentes catastrophes de Fonds-Verrettes, de Mapou et des Gonaïves, commencent à s’intéresser aux questions environnementales. Plus d’un se demandent à qui est le prochain tour, Léôgane, les Cayes ou Port-au-Prince ? Face à la menace d’une hécatombe, les dirigeants sont affolés et réagissent avec beaucoup d’émotion face à des situations qui demandent beaucoup de sérénité et de perspicacité.

Loin d’adopter la mesure drastique telle qu’annoncée officiellement au tout début, le Gouvernement a rétracté en fermant une seule carrière sur plus d’une dizaine dénombrée à La Boule 12. L’exploitation du sable sur ce site risque de se poursuivre encore très longtemps et la carrière qui a été fermée risque d’être opérationnelle une nouvelle fois quand on sait déjà le laxisme qui caractérise l’Etat haïtien, quand on sait aussi qu’il y a de grands intérêts économiques liés à cette activité et que les petits travailleurs peuvent être manipulés très facilement à n’importe quel moment pour créer des situations de tension dans la zone.

Pour une solution durable à l’exploitation du sable

Face à ces enjeux économiques et sociaux il faut une approche intégrée qui tient compte à la fois de l’environnement, de l’économie et du social.

La Rivière Grise (Nord de la capitale) est actuellement regorgée de sable, de granulat et de gravier. Ces matériaux qui sont déposés en grande quantité à chaque crue s’accumulent de plus en plus dans le lit de cette rivière et risquent de la faire déborder durant une forte pluie, en créant des problèmes à la dimension des événements des Gonaïves. Des travaux de reprofilage, d’aménagement des berges et de curage du lit de la rivière doivent être effectués dans le plus bref délai afin de réduire les risques d’inondation qui planent comme une épée de Damoclès sur les communautés de la Plaine du Cul de Sac.

On a en mémoire quelques inondations qui ont marqué l’imaginaire des habitants de la région. En 1994 durant le cyclone Gordon le pont de la Croix des Mission a été saccagé, en 1998 lors du cyclone Georges le quartier de Damien a été inondé, les locaux du Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles du Développement Rural (MARDNR) et de la Faculté d’Agronomie (FAMV) n’ont pas été épargnés. En novembre 2003 lors d’une pluie exceptionnelle, les eaux de la Rivière Grise et les ravines environnantes ont débordé et ont inondé les communautés riveraines de la commune de Tabarre. L’ex Président de la République, Jean bertrand Aristide, a été sinistré tandis que l’Entreprise Sun Auto a enregistré des pertes considérables.

Ces communautés risquent d’être frappées à l’avenir et cette fois avec beaucoup plus d’intensité par de graves intempéries en mettant en jeu non seulement les vies humaines mais aussi les grands équipements se trouvant dans la région, tels : l’Aéroport International de Port-au-Prince, le Parc Industriel, l’usine Comme Il Faut, si rien n’est fait rapidement pour restaurer l’environnement.

En plus des travaux de conservation de sol et de restauration du bassin hydrographique qui doivent s’effectuer en amont, la correction du lit de la Rivière s’avère plus qu’urgente.

Que faire des tonnes de matériaux dégagés durant le curage de la rivière ?

Ces matériaux dégagés serviront à l’approvisionnement de l’industrie de la construction et suppléer à la carence de sable qui pourrait avoir lieu après l’arrêt définitif de l’exploitation des carrières de La Boule 12.

Il serait suggéré de créer une structure mixte qui assurerait l’exploitation de cette ressource et sa distribution sur la base d’un partenariat secteur privé / secteur public. Pour faciliter les opérations, un site approprié serait choisi, l’espace de ED One SA par exemple, pour l’installation d’une nouvelle industrie du sable.

La création de cette entreprise permettra de fournir des matériaux de qualité en quantité suffisante, nécessaires à la construction des routes, des maisons à un prix plus compétitif que le sable de La Boule. Cette entreprise qui doit exploiter ces ressources suivant les normes environnementale fixées par l’Etat, permettra à ce dernier de gagner de l’argent, fournira du travail aux petits travailleurs plus particulièrement les anciens miniers de La Boule, garantira un curage permanent du lit de la Rivière et de surcroît contribuera à la réduction des risques d’inondation dans la Plaine du Cul de Sac.


[1Géographe, Aménagiste, Cartographe

- Email : eliacinj@hotmail.com.

[2Architecte

-  Email : gaudiarch@yahoo.com.