Prise de position de l’Association pour la Defense des Droits de l’Homme et de la Démocratie en Haiti et dans le Monde - aout 2002
Version revue
Le 1er janvier 2004, la République d¹Haïti aura deux siècles.
De nombreux Comités se mettent en place pour célébrer la victoire de ceux qui ont lutté pour en finir avec l’esclavage, malgré les interventions des colonialistes français et des armées napoléoniennes.
Toute une agitation est faite : conférences, débats et autres manifestations, pour honorer cet événement. Comme si le fait de déposer des gerbes de fleurs devant le "Monument de l’Histoire" pouvaient suffire à tranquilliser les consciences et apparaître comme un devoir accompli vis-à -vis des descendants des héros de 1804.
Il nous semble au contraire de notre devoir, pour honorer la Révolution haïtienne et son combat pour l’Indépendance, d’affirmer hautement que ces luttes sont loin d’être achevées.
Nous sommes solidaires de ceux qui ont mené la guerre de l’Indépendance d’Haïti sans les dissocier de leurs descendants, parce que c’est justement pour l’abolition de l’esclavage qu’ils ont combattu et que ce but n’a pas encore été vraiment atteint.
Nous ne pourrons collaborer qu’avec ceux qui s’engageront publiquement à ne rendre hommage à La Révolution haïtienne qu’en dénonçant conjointement le néo-esclavagisme qui s’y perpétue depuis deux cents ans et également les meneurs de jeux politiques qui contribuent à y maintenir cet état de délabrement catastrophique.
Nous ne cautionnerons jamais l’idée de rendre hommage à la Révolution haïtienne sans rappeler conjointement et péremptoirement qu’il n’est pas possible de dissocier les combattants de 1804 de leurs héritiers, et qu’il est impératif de dénoncer le "neo-esclavagisme" que subit depuis deux cents ans le peuple haïtien, en rendant hommage aux esclaves révolutionnaires. Sinon, ce serait trahir leur mémoire et leur combat. Nous n’acceptons pas l’idée d’une quelconque collaboration dans cette commémoration avec les acteurs qui, de près ou de loin, sont aussi, et encore actuellement, coupables du maintien de cette misère. Nous continuerons à dénoncer tous ceux qui magouillent pour trouver subventions et soutiens auprès de ces instances. C’est-à -dire : auprès des actuelles sphères dirigeantes haïtiennes, ainsi qu’auprès des personnalités politiques françaises qui tiennent les rênes des organismes qui ont à faire avec Haïti.
En effet, le peuple haïtien n’est toujours pas vraiment sorti complètement de l’escla-vage ! Il ne s’est, en fait, jamais libéré du joug de ceux qui continuent, encore de nos jours, à l’exploiter et à le maintenir dans cet état de sous-développement chronique. Les enfants de ces glorieux révoltés, durant deux siècles, ont continué à subir l’asservissement économique, l’exploitation éhontée de leurs forces de travail (notamment dans les bateyes de la République dominicaine), le croupissement dans des bidonvilles insalubres, la domination des grands propriétaires terriens. Les dictatures qui n’ont pas cessé de se succéder et l’Exil qui maintient près de deux millions d’entre eux loin de leur patrie sont des preuves accablantes de cette dramatique condition.
La "politique de la canonnière", le paiement d’une "dette" à la France, l’occupation américaine en 1915, le vol de l’or en 1912 de leur banque nationale par un commando de la US Navy ainsi que l’inféodation de la "gourde nationale" au dollar américain, les exactions de la Shada, les campagnes "anti-superstitieuses" et la chasse au Vaudou, les guignolesques dictatures des Duvalier au vu et au su de l’Occident démocratique avec son acceptation et sa complicité, sont autant de chapitres (et ce n’en sont que quelques-uns), qui mettent en lumière que les esclaves victorieux en 1804 et leurs descendants ont toujours vécu dans cet enfer, qui n’est rien d’autre qu’une forme plus hypocrite, plus subtile, d’un néo-esclavagisme adapté aux époques nouvelles.
En cette date anniversaire, c’est l’ensemble du peuple haïtien, que nous voulons honorer. Le peuple haïtien n’a jamais courbé la tête. Il n’a jamais cessé de combattre pour plus de Justice et d’Equité.
Halte à l’hypocrisie ! Halte aux voleurs d’Histoire ! Halte aux violeurs de mémoire !
Gloire au peuple haïtien ! Honneur et respect pour ces deux siècles de luttes incessantes pour la Liberté, l’Egalité et la Fraternité.
17 Août 2002
Gérald BLONCOURT, Président
Jean-Marc NUMA, Président-Adjoint
Alemy ILOFILS, Secrétaire