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Libérer Haïti de l’impunité

Par Le Collectif contre l’impunité

Soumis à AlterPresse le 7 février 2016

Cela fait à présent 30 ans, depuis l’avènement du 7 février 1986. Après de longues années de résistance, un terme avait finalement été mis à la sanglante dictature des Duvalier, père et fils.

Le 7 février est tout autant le symbole de la victoire sur la terreur et l’obscurantisme, que l’emblème des aspirations citoyennes pour le respect des droits et libertés, l’instauration d’un État de droit démocratique œuvrant contre l’apartheid social.

Depuis 30 ans, la demande de justice demeure une exigence constante, non satisfaite.

Les populations en révolte contre le régime de Jean-Claude Duvalier avaient clairement exigé le jugement du dictateur et de ses proches collaborateurs et collaboratrices. L’état-major de l’armée et la communauté internationale, sous le prétexte d’éviter des turpitudes au pays, avaient choisi de soustraire le dictateur à la justice et de lui offrir un exil doré en France, avec la possibilité de jouir tranquillement des fonds détournés.

Des citoyennes et citoyens avaient, néanmoins, eu recours à la justice pour réclamer la sanction des graves violations perpétrées. Mais, les responsables bénéficiaient de la protection des militaires du Conseil national de gouvernement (Cng), comme en témoigne, dans ses mémoires, le Ministre de la justice d’alors, Me Gérard Gourgue [1].

Qu’il s’agisse de la dictature duvaliériste et des autres régimes qui lui ont succédé, les processus visant à l’établissement des responsabilités et à la reconnaissance officielle et publique des victimes, n’ont pas cessé d’être entravés. Faute de volonté politique de statuer sur les crimes d’État, faute de refuser catégoriquement la légitimation de l’impunité, faute d’engagement authentique pour le respect du droit collectif à la vérité.

Si le 7 février est un aboutissement, celui des luttes contre la dictature et pour le respect des droits, il est aussi le début d’une longue transition vers la démocratie, qui se heurte à un obstacle majeur : la spirale de l’impunité.

Au règne de l’arbitraire, a succédé le règne de l’impunité, qui s’alimente, entre autres, de l’héritage duvaliériste qui imprègne encore fortement les institutions publiques.

La conjoncture politique actuelle a porté à faire souvent référence aux dangers de la tentation tyrannique, à rappeler l’importance des acquis démocratiques et à souligner l’impérieuse nécessité de les préserver.

Malgré les multiples déconvenues, qu’a connues le pays, le 7 février reste et demeure un moment essentiel de notre histoire contemporaine.

C’est au nom des valeurs démocratiques prônées que des citoyennes et citoyens continuent à se mobiliser en vue de libérer Haïti de l’impunité.

Port-au-Prince, le 7 février 2016.

Danièle Magloire

Coordonnatrice du Collectif contre l’impunité


[1Gérard Gourgue, en collaboration avec Jean-Robert Hérard, Vivre dans le sillage des faits collectifs. Soixante ans de vie publique et de faits historiques. Mémoires, Port-au-Prince, C3 Éditions, 2013, p. 326-330.