Communiqué de l’Observatoire Citoyen pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID)
Transmis à AlterPresse le 8 janvier 2015
Depuis la publication des résultats partiels de la présidentielle du 25 octobre 2015, le pays est embourbé dans une crise électorale fâcheuse et inextricable. Alors que les conditions de vie de la grande majorité de la population ne cessent de se détériorer et que les indicateurs économiques sont au rouge, les acteurs politiques n’ont pas su développer le sens du compromis qui aurait pu éviter au pays de s’enliser dans cette impasse politique aux conséquences imprévisibles.
Par ailleurs, suite au dépôt et à l’audition, en décembre dernier, des contestations des résultats préliminaires des législatives du 25 octobre, l’Observatoire constate que, dans plusieurs communes et circonscriptions du pays, des mouvements revendicatifs sont organisés pour dénoncer les résultats eux-mêmes ainsi que l’attitude des juges sur qui pèsent des accusations graves de corruption. Au cours de cette période, les 45 Observateurs long terme de l’OCID ont fait état d’un certain nombre de mouvements de protestation observés, dont la plupart accompagnés de violences, en particulier dans les communes de Ferrier, de Môle Saint-Nicolas, des Gonaïves et dans la région métropolitaine. Comme conséquence de ces troubles, les activités socio-économiques ont été paralysées et plusieurs maisons, dont des bâtiments publics, incendiées par des partisans de candidats mécontents des décisions des BCED et du BCEN. Un tel climat de tension et de suspicion ne peut que miner la confiance des acteurs et de la population dans l’appareil électoral, entraver la suite du processus et remettre sérieusement en question la légitimité des élus.
Une quête de vérité et de consensus mise à mal par des décisions paradoxales et polarisantes
La fin de l’année 2015 a été marquée par les efforts conjugués de plusieurs secteurs de la vie nationale pour porter les protagonistes de la crise électorale à trouver un mécanisme consensuel en vue de compléter le processus électoral. Ce qui a abouti à l’initiative prise par le pouvoir exécutif de mettre en place, par Arrêté présidentiel en date du 22 décembre 2015, la Commission d’Évaluation Électorale Indépendante (CEEI), avec la mission de « prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d’évaluer le processus électoral et de faire des recommandations ».
L’OCID prend acte de la formation de la CEEI et de la publication de son Rapport le 3 janvier 2016. L’Observatoire note, qu’au terme de son investigation, la CEEI conclut que ses interlocuteurs sont unanimes à reconnaître que les élections du 25 octobre 2015 étaient entachées d’irrégularités graves assimilables à des fraudes et que plusieurs candidats en ont bénéficié. En revanche, le rapport de la Commission n’a pas permis de déterminer l’impact de telles irrégularités sur le processus et sur les résultats ni de désigner les candidats bénéficiaires.
L’OCID note également que la CEEI souligne que « l’Institution électorale ne jouit plus du crédit qui lui permettrait de poursuivre le processus sans danger d’enfoncer le pays dans une crise encore plus grande » (p. 12). En conséquence, elle préconise un dialogue politique entre les acteurs et un examen plus approfondi de la responsabilité de la machine électorale dans les irrégularités comme conditions sine qua non pour l’achèvement normal du processus électoral. À cet égard, l’Observatoire déplore que les Commissaires n’aient pas requis le temps nécessaire pour produire un travail fini. Ce serait une plus grande contribution à la recherche du consensus pour la résolution de la crise et la stabilité politique dont Haïti a tant besoin.
À l’instar de l’OCID qui fait cette recommandation depuis plus de quatre mois, la Commission presse les « acteurs impliqués dans la crise actuelle de chercher vivement et trouver rapidement une solution consensuelle afin d’éviter au pays une catastrophe » (p. 10). Enfin, elle recommande, entre autres, un replâtrage du CEP, des changements dans la machine électorale jusqu’au niveau des membres de bureaux de vote, une meilleure formation du personnel des BV, un réexamen approfondi des dossiers des candidats aux élections législatives qui se sont pleins des abus de pouvoir des instances contentieuses du CEP.
L’OCID observe, qu’après avoir dans un premier temps dénoncé le rapport de la CEEI pour son incomplétude ou au motif que la Commission n’a pas été créée sur la base d’un consensus, beaucoup de secteurs soutiennent en tout ou partiellement les recommandations qui y sont contenues. Une telle situation laisserait espérer un dégel dans la crise et une occasion d’entamer un vrai dialogue politique en vue de l’obtention d’un consensus autour des actions à prendre pour compléter le processus électoral.
Malheureusement, l’Observatoire constate que le pouvoir exécutif qui a commandité ce rapport est en train de prendre paradoxalement un ensemble de mesures qui font fi totalement des recommandations qui lui ont été adressées. En effet, la publication au Journal officiel des résultats des législatives et de l’Arrêté présidentiel convoquant le peuple en ses comices pour le 24 janvier 2016 laisse tous les observateurs perplexes. L’OCID déplore cette situation qui risque d’entraîner un durcissement des positions sur l’échiquier politique, rendant ainsi plus difficile le dialogue qui s’impose. Fortement préoccupé par l’obstination de certains acteurs à creuser davantage le fossé entre les parties en conflit, l’Observatoire en appelle à leur conscience citoyenne et patriotique pour arrêter cette marche vers le gouffre. Enfin, l’OCID continue d’inviter la population haïtienne à une vigilance citoyenne active et non-violente.
L’Observatoire Citoyen pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID), consortium de la société civile formé de l’Initiative de la Société Civile, du Centre Œcuménique de Droits Humains et de JURIMEDIA, renouvelle son engagement à travailler à la consolidation de la démocratie en Haïti et, en particulier, à l’instauration d’un système électoral garantissant aux citoyens haïtiens de pouvoir choisir librement et démocratiquement leurs dirigeants.
« Une démocratie pérenne par la vigilance citoyenne »
Membres du Comité de Pilotage
Sylvie BAJEUX
Pour le Centre Œcuménique des Droits Humains (CEDH)
Abdonel DOUDOU
Pour JURIMÉDIA
Rosny DESROCHES
Pour l’Initiative de la Société Civile (ISC)