P-au-P., 30 déc. 2015 [AlterPresse] --- La « Commission d’évaluation électorale indépendante », mise en place par arrêté présidentiel, se voit opposer le décret électoral qui limite l’accès à la base de données du Centre de tabulation des votes (Ctv), tandis que le Conseil électoral provisoire (Cep) semble se préoccuper de l’échantillonnage qui est utilisé durant le processus de vérification, apprend AlterPresse.
Lors de la visite des membres de la Commission au Ctv le dimanche 27 décembre, des hauts cadres du Cep ont rappelé aux membres de la commission l’article 187 du décret électoral qui stipule que seul le Bureau du contentieux électoral national (Bcen) « peut ordonner la réalisation d’une vérification ».
Cet article a été pris en référence lorsque la Commission a évoqué la nécessité de pouvoir comparer les données qui seront saisies, lors de la vérification, avec celles déjà enregistrées au Ctv au cours de ses opérations.
Cet échange a eu lieu au cours d’une rencontre entre les membres de la Commission d’évaluation, le directeur exécutif du Cep, Mosler Georges, le directeur du registre électoral, Philippe Augustin, le directeur du Ctv, Widmack Matador, et un consultant international en informatique du Cep, selon des informations obtenues par AlterPresse.
La Commission était accompagnée de cinq techniciens, dont la tache est de réaliser un échantillonnage aléatoire et prélever des Procès verbaux (Pv) pour la présidentielle.
A propos de l’échantillonnage, le Cep a officiellement fait part de préoccupations, dans une lettre en date du 29 décembre 2015, signée du président de l’institution électorale, Pierre-Louis Opont, et adressée au coordonnateur de la Commission d’évaluation, Armand Louis.
La lettre, dont AlterPresse a pu obtenir copie, précise que la commission a remis, le 29 décembre 2015, au Ctv, une liste de 2,026 procès verbaux « qui feront l’objet de vérification ».
« Contrairement à la demande du Cep, le choix des 2,026 procès verbaux n’a pas été fait en présence » d’observateurs nationaux et internationaux, lit-on.
« De ce fait, rien ne garantit au Conseil le caractère aléatoire de l’échantillonnage », se préoccupe le Cep.
Le porte-parole de la Commission, Rosny Desroches, a, au cours d’une conférence de presse, le 28 décembre 2015, voulu assurer qu’« une équipe de statisticiens et informaticiens, formés au Centre technique de planification et d’économie appliquée (Ctpea de l’Université d’Etat d’Haïti / Ueh) et à la Faculté des sciences (…), va nous aider à établir un échantillon aléatoire de 15% des procès-verbaux ».
Cet échantillon sera déterminé par un algorithme en vue de porter un jugement scientifique sur la qualité du processus, a-t-il ajouté.
Au Ctv, en plus de la sollicitation de l’accès aux Pv, la Commission d’évaluation a aussi demandé de consulter des documents liés, comme les Listes électorales partielles (Lep), les feuilles de comptage, les procès verbaux d’incidents, d’irrégularités, ainsi que les Pv des votes d’observateurs et mandataires.
Les responsables du Ctv et du Cep ont émis des réserves sur l’application informatique, qui sera utilisée par les techniciens de la Commission, pour la saisie des données de l’échantillon.
Ils souhaiteraient que cette application informatique soit testée en leur présence.
Les responsables du Ctv ne semblent pas comprendre, non plus, pourquoi la Commission voudrait-elle avoir accès aux bulletins de vote.
Dans l’état actuel de la situation, il semble impossible à la Commission de remettre son rapport, le 30 décembre 2015, contrairement à ce qui était prévu dans l’arrêté qui l’a créé, le 22 décembre dernier, alors que les échéances pour la rentrée parlementaire (lundi 11 janvier 2016) et la prestation de serment du nouveau président (dimanche 7 février 2016) se rapprochent à grand pas.
Des fraudes et irrégularités massives ont été dénoncées, suite aux élections des 9 août et 25 octobre 2015. Ce qui a abouti à la mise en place de la « Commission d’évaluation électorale indépendante », après des tergiversations du Cep et de l’exécutif.
Les partis d’opposition et d’autres secteurs de la société contestent la Commission d’évaluation, du fait de sa création unilatérale par le gouvernement et à cause de la limitation de son action uniquement au premier tour de la présidentielle du 25 octobre 2015.
Plusieurs appels à l’annulation totale des élections sont lancées cette semaine.
Car, suivant de nombreuses personnalités, la crise, ouverte par l’échec des journées électorales des 9 aout et 25 octobre 2015, émane d’un processus électoral systématiquement vicié.
Elles réclament un audit du processus, la fixation des responsabilités et la mise en oeuvre de poursuites pénales. [apr 30/12/2015 05:00]