Par Betty Désir
P-au-P, 1er janvier. 2016 [AlterPresse] --- L’année 2015 a été très sombre pour les ressortissantes et ressortissants haïtiens rapatriés de la République Dominicaine vers le territoire haïtien, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.
2015 a été marquée par une accentuation du processus de rapatriements sur tous les points frontaliers du pays, notamment à l’expiration du Plan national de régularisation des étrangers (Pnre) en juin 2015, date qui coïncide avec le début officiel des rapatriements.
Du mois de juillet à la mi-décembre 2015, un nombre de 51,160 milles personnes a traversé la frontière haïtienne.
Ce processus de rapatriements a eu des impacts sur les échanges commerciaux et diplomatiques transfrontaliers durant toute l’année 2015.
Il a également occasionné de multiples troubles, tensions, exploitations, abus de pouvoir et frustrations.
Mauvaise gestion du dossier de rapatriements par le gouvernement haïtien
La gestion du gouvernement haïtien, de ces vagues de déportations massives, a été vivement critiquée par les secteurs nationaux et internationaux.
Une commission présidentielle a été formée, en juillet 2015, sur le dossier de rapatriements de la République Dominicaine. Mais, les résultats des travaux de cette commission - devenue dysfonctionelle, peu de temps après sa formation, malgré plusieurs réunions d’échanges, de mises au point et d’évaluation de la situation des rapatriements - ne sont pas connus.
Depuis la mi-juin 2015, plusieurs organisations de défense de droits humains, tels la plateforme Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr), n’ont pas cessé de dénoncer une intensification du processus de rapatriement des migrantes et migrants haïtiens de la République Dominicaine.
Ces vagues de déportation ont affectées des milliers de Dominicaines et de Dominicains d’ascendance haïtienne, dénationalisés par l’arrêt TC-168-13, adopté par la Cour constitutionnelle dominicaine en date du 23 septembre 2013.
Des rapatriés ont critiqué l’indifférence à leur égard, affichée par les autorités haïtiennes .
« Elles (les autorités haïtiennes) ne nous traitent pas comme des êtres humains. Les Dominicains nous traitent mieux. Ils nous ont, au moins, donné un plat chaud (quoique insuffisant) pour ne pas crever de faim pendant les 7 heures de détention », s’est plaint un rapatrié à la frontière Ouanaminthe / Dajabon.
Les personnes rapatriées, en 2015, de la République Dominicaine, se sont plaintes des conditions d’accueil inadéquates, réservées aux migrantes et migrants par les officiels haïtiens aux différents points frontaliers, depuis l’expiration du Pnre dominicain.
La Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda) a encouragé une réponse solidaire, face à la déportation massive des migrantes et migrants haïtiens, en situation irrégulière en République Dominicaine.
La Coalition pour les droits humains en République Dominicaine a marché, dans les rues de New York, le 14 août 2015, pour dénoncer le processus de déportation des migrantes et migrants haïtiens, en disant « non à la déportation, non à l’apartheid et non à la xénophobie et au racisme ».
La plateforme Garr a applaudi cette initiative, qui visait à dénoncer le comportement des autorités dominicaines à l`endroit des travailleurs qui ont été dénationalisés.
Cette initiative avait pour objectif de porter les autorités dominicaines à retarder le processus de déportation.
A l’occasion de la journée internationale des migrantes et migrants, le 18 décembre 2015, la plateforme Garr a appelé le gouvernement haïtien à faire du dossier des migrants une priorité.
Réactions tardives du gouvernement haïtien
Dans un communiqué, le premier ministre Evans Paul a dénoncé, mais un peu tard, les conditions de rapatriements des ressortissantes et ressortissants haïtiens du territoire voisin d’Haïti.
21 personnes, dont 8 enfants, ont été expulsées de la République Dominicaine, dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 juillet 2015, sur la frontière de Malpasse (non loin de Malpaso/Jimani).
« Ces migrants ont été arrêtés chez eux, tôt dans la matinée du mercredi 1er juillet (2015), par la police dominicaine, bien que munis, pour la plupart, de documents légaux décernés par les autorités du pays d’accueil », souligne un communiqué du gouvernement.
Le Gouvernement d’Evans Paul a qualifié ce traitement d’inhumain et de violation des droits humains, tout en soulignant combien les 21 rapatriés ont fait 15 heures de routes, sans escale pour manger ni pour boire.
Lors du 36e sommet, du jeudi 2 au samedi 4 juillet 2015, à la Barbade, des chefs d’Etat et de gouvernement du Marché commun des Caraïbes (Caricom), le président Michel Martelly a réclamé, pour sa part, des négociations multilatérales sur le dossier des rapatriements d’Haïtiens vivant en République Dominicaine.
Martelly a aussi condamné, en séance plénière, le vendredi 3 juillet 2015, la politique dominicaine à l’égard des migrantes et migrants haïtiens. Il a interpellé particulièrement le Marché commun des Caraïbes (Caricom), l’Organisation des États américains (Oea) et l’Organisation des Nations Unies (Onu) sur la question.
« La communauté internationale ne peut pas garder le silence, lorsque des personnes, dont la force de travail a été exploitée pendant plusieurs décennies », sont chassées, « sans avoir la possibilité de toucher une pension, voire le droit de récupérer leur patrimoine », a-t-il affirmé. [bd emb rc apr 1er/01/2016 0:10]