Par Emmanuel Marino Bruno
P-au-P, 31 déc. 2015 [AlterPresse] ---- La publication des résultats controversés, des élections des 9 août et 25 octobre 2015, a provoqué davantage de méfiance vis-à-vis du Conseil électoral provisoire (Cep), considéré, désormais, comme « une commission aux enchères privées », observe l’agence en ligne AlterPresse.
Les pressions, exercées par diverses forces vives du pays, ont contraint le Cep, en date du 21 décembre 2015, à reporter sine die le deuxième tour (annoncé pour le 27 décembre 2015) de la présidentielle du 25 octobre 2015, dont les résultats ont été émaillés de fraudes et d’irrégularités lors du premier tour.
Il en est de même des élections des collectivités territoriales et des législatives partielles.
Formé à la suite de la publication des résultats controversés du premier tour de la présidentielle, un Groupe des 8 candidats à la présidence (G8), issus de l’opposition, a rejeté en bloc les résultats définitifs des élections des 9 août et 25 octobre 2015.
Le G8 a aussi dénoncé la création d’une commission d’évaluation électorale par l’exécutif, en dépit des fraudes massives relevées en faveur du Parti haïtien tèt kale (Phtk), notamment de son candidat à la présidence Jovenel Moïse, en lieu et place d’une structure indépendante, exigée pour évaluer ces élections.
Amputé de 2/3 de ses membres, depuis janvier 2015, le Sénat exige aussi une suspension du processus pour une commission indépendante de vérification.
Jovenel Moïse, qui arrive en tête des résultats, dits définitifs, de la présidentielle du 25 octobre 2015, avec 508,761 votes, soit 32.76 %, et Jude Célestin, qui occupe la deuxième place avec 392,782 votes, soit 25.29 %, selon les dits résultats définitifs, devaient participer au deuxième tour de la présidentielle.
Le Cep fait seulement état de 490 procès-verbaux, mis à l’écart pour diverses irrégularités, après enquête et analyse, dans une note en date du jeudi 12 novembre 2015.
162 plaintes ont été reçues par une commission spéciale établie par ce Conseil.
Le Cep impliqué dans des fraudes, irrégularités et corruptions
Les fraudes et irrégularités, enregistrées dans les élections haïtiennes du dimanche 25 octobre 2015, auraient été planifiées par le Cep avec des étrangers, révèle, le 11 novembre 2015, Antoine Rodon Bien-Aîmé, député élu à Cerca Carvajal/Quartier de los Palis (département du Plateau central) sous la bannière du Parti haïtien tèt kale (Phtk) au pouvoir, dès le premier tour des législatives controversées du 9 août 2015.
Le conseiller électoral Néhémie Joseph a même remis sa démission au Cep pour manque de confort, indique une lettre en date du 30 septembre 2015.
« Aujourd’hui, j’ai, de plus en plus, la conviction de terminer ma mission, en me versant dans l’illégalité », exprime Néhémie Joseph.
L’ancien président du Sénat, Dieusseul Simon Desras, a fait état de pots-de-vin, qu’auraient reçus trois conseillers électoraux, notamment Yolette Mengual, Lourdes Edith Joseph Delouis et Vijonet Démérot, de la part de certains candidats, en vue de proclamer la victoire électorale de ces derniers.
Le candidat à la députation de la circonscription Ferrier / Les Perches (Nord-Est), Gérald Jean, a aussi accusé Yolette Mengual d’être impliquée dans des cas de corruption, dans le cadre de sa fonction au sein de l’institution électorale.
« À aucun moment, je n’ai reçu, ni accepté de l’argent de qui que ce soit, dans le cadre du processus électoral. À aucun moment, je n’ai rencontré, ni personnellement, ni individuellement Monsieur Gérald Jean », a-t-elle réagi dans une note de presse datée du jeudi 17 décembre 2015.
Yolette Mengual entend poursuivre en justice son accusateur.
Des secteurs divers élèvent la voix contre les dérives du Cep
Initié par plusieurs partis et regroupements politiques, un espace de résistance
patriotique a été mis sur pied, le mercredi 30 septembre 2015, dans l’objectif de lutter contre les résultats des élections législatives du 9 août 2015.
Après plusieurs tergiversations, ponctuées de la formation (le 16 décembre 2015) d’une commission d’évaluation électorale, mort-née - puisqu’elle avait un manadat de 3 jours pour exécuter sa mission, à partir de la publication, le 16 décembre 2015, de l’arrêté présidentiel -, le gouvernement a procédé, après quelques changements, à l’installation d’une « commission d’évaluation électorale indépendante », dans la soirée du mardi 22 décembre 2015, en vue d’évaluer le processus électoral.
Le parti « Fanmi Lavalas » a aussi dénoncé plusieurs personnalités au sein de cette « commission présidentielle bidon », qui ont déjà, selon lui, l’habitude de travailler pour le pouvoir en place.
Face à cette situation compliquée, plusieurs secteurs, dont l’Association nationale des médias haïtiens (Anmh), l’Association des médias indépendants d’Haïti (Amih), le Groupe Médialternatif et la Société d’animation et de communication sociale (Saks), critiquent la mauvaise gestion du processus électoral par ce Cep, sourd aux revendications.
L’Amih invite l’institution électorale à « un ultime sursaut de patriotisme et de moralité », dans un communiqué daté du jeudi 17 décembre 2015, alors que l’Anmh estime que l’intransigeance du Cep est susceptible d’aggraver la crise post-électorale.
La Conférence des pasteurs haïtiens (Copah) a réclamé la démission du représentant des églises protestantes au Conseil, dans une lettre adressée à l’intéressé, Vijonet Déméro, qui occupe la fonction de secrétaire général de l’institution.
Accusé d’être impliqué dans des irrégularités et de fraudes massives dans les dernières élections, le Cep « a failli piteusement à sa mission d’organiser des élections honnêtes et inclusives pour renouveler le personnel politique du pays », lit-on dans cette lettre.
Dénonciation de la violation des droits civils et politiques lors des élections
Apres s’être désolidarisées avec la manière, dont le Cep voudrait avancer avec le processus électoral à travers une déclaration sur la conjoncture électorale, des organisations de droits humains ont défilé dans les rues de Port-au-Prince - à l’occasion du 67 e anniversaire (10 décembre 1948) de la journée internationale des droits humains, le jeudi 10 décembre 2015 - pour dénoncer la violation des droits civils et politiques dans ces élections.
Depuis la crise électorale, diverses manifestations de l’opposition, réalisées dans les rues pour forcer l’équipe au pouvoir et le Cep à respecter le vote populaire, ont suscité une situation de violences et de panique dans plusieurs zones de l’aire métropolitaine de la capitale Port-au-Prince.
Après l’installation de la commission d’évaluation électorale indépendante, des doutes et questionnements persistent sur la reprise normale du processus.
Les inquiétudes de planifier d’autres fraudes dans les prochaines élections sont-elles dissipées ?
Le Cep et le pouvoir en place seraient-ils capables de satisfaire les revendications d’autres secteurs sociaux-politiques, comme Tèt kole ti peyizan ayisyen et le parti politique Rasin kan pèp la qui exigent déjà l’annulation des élections des 9 août et 25 octobre 2015 ? [emb rc apr 31/12/2015 0:20]