Débat
Par Claude Joseph*
Soumis à AlterPresse le 22 décembre 2015
L’incompétence de l’actuel CEP saute aux yeux. Se dresser en un tartufe arrogant à la manière d’Opont n’a surtout pas aidé. Ça a, in contrario, envenimé la crise davantage. On s’achemine chaque jour vers le bout d’une impasse électorale presque sans une possibilité de volte-face. Et de surcroit, la prétentieuse voix discordante de Me Jaccéus Joseph est incapable d’insuffler un nouvel air pouvant permettre à la société de se désintoxiquer de la pollution électorale du 9 aout et du 25 octobre. La position du représentant des droits humains au CEP n’est surtout pas une voix discordante ou dissidente, c’est plutôt une voix incohérente qui apporte plus de confusion dans un concert électoral déjà cacophonique. Comme preuve, personne n’arrive à saisir les raisons évoquées par le conseiller le poussant à signer la décision du Bcen relative à la vérification des 78 procès-verbaux au centre de tabulation des votes. Les explications de Me Jaccéus, pour plus d’un, sont incompatibles à la raison et au bon sens.
Quid du mode de sélection des 78 procès-verbaux ? J’ai fait foi en la décision du Bcen stipulant que le mode de tirage a été opéré de façon aléatoire. Si cela était vraiment le cas, on peut estimer – comme c’est fait dans mon travail publié dans le journal Le National #134 – sans aucune difficulté le pourcentage des 13000 PV comportant des fraudes massives. Avec 67% de l’échantillon comportant des fraudes, on a la garantie, 95% des fois, que plus de 50% des 13000 PV contient également des fraudes massives (pour être plus exact, le pourcentage des fraudes dans la population des PV est entre 57% et 77.4%). Cette estimation serait vraie si et seulement si les 78 PV étaient choisis aléatoirement. Sinon, aucune inférence statistique n’est possible ; c’est-a-dire, si l’échantillon n’était pas tiré au hasard, il n’est pas possible d’induire les paramètres de la population à partir des caractéristiques de l’échantillon. C’est surtout dans cette perspective qu’il faut comprendre le débat houleux autour de l’aspect aléatoire de l’échantillon des 78 PV.
Mais pour être honnête, les explications du conseiller sur les ondes de la radio vision 2000 le vendredi 18 décembre n’ont pas permis de comprendre en quoi le mode de tirage fut aléatoire. Le moins que l’on puisse dire c’est que le conseiller ne semble pas saisir du tout la notion de tirage aléatoire. Question d’élégance journalistique, je comprends aussi que Valery Numa n’a pas voulu embarrasser son invité, car ce n’est jamais l’objectif de l’émission. Que le conseiller ne maitrise pas les notions d’échantillonnages ne constitue pas un problème en soi, néanmoins, comme « autorité », son incontinence verbale sur le sujet dérange incommensurablement. Et c’est le problème avec ce CEP dont l’incapacité et entêtement gratuit nous ont conduit au bord d’un précipice électoral.
Au lieu d’expliquer en quoi le tirage des 78 PV fut aléatoire, le conseiller prend un malin plaisir à faire des contours superfétatoires sur des questions d’hypothèses, stériles gymnastiques académiques qui ajoutent encore plus de confusion. En effet, pour autant qu’il n’existe pas un seul type de tirage aléatoire, dire simplement que le tirage était aléatoire ne suffit pas. S’agissait-il d’un tirage aléatoire simple (TAS) où chacun des 13000 PV avait la même et exacte chance d’être dans l’échantillon ? Si oui, avait-on utilisé le tableau des données aléatoire ou un logiciel (Excel ou SPSS) pour générer les éléments de l’échantillon ? S’agissait-il d’un tirage aléatoire systématique où le premier PV est sélectionné aléatoirement et les autres à partir d’un intervalle fixé ? Enfin, s’agissait-il d’un tirage aléatoire stratifié où l’échantillon des 78 PV était choisi en fonction du poids (nombre de votes) de chaque département comme strate ? Personne ne sait et ce n’est pas Me Jaccéus qui en apporte des clarifications.
Il ne faut surtout pas se tromper en ce qui attrait à la position de Me Jaccéus au sein du CEP. Une lecture de ses différentes interventions permet de déceler que sa voix dite dissidente s’accorde parfaitement bien à celle des autres conseillers dans la conspiration électorale du 25 octobre. Me Jaccéus est une distraction bien conçue pour dévier ou retarder la bataille démocratique contre le coup porté à l’expression de la souveraineté populaire le 25 octobre. Ce n’est, peut-être, pas sans raisons qu’il est contesté par les plus perspicaces du secteur des droits humains. Il joue sur plusieurs tableaux, ce qui fait de lui, selon un vieux dicton, un « Ami le matin, ennemi le soir ». Me Jaccéus a une position trompeuse. Si personne n’a rien compris de ses explications sur la décision du Bcen, ce n’est pas parce que ses arguments sont juridiquement trop nuancés, mais tout simplement parce qu’ils sont logiquement vide de sens.
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* Adjunct professor of Statistics and Research methods
Fordham University and Lehman College