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Haïti-Élections : Et maintenant… ?

Par Gotson Pierre

P-au-P., 22 déc. 2015 [AlterPresse] --- Et maintenant… ? C’est la chanson de Gilbert Bécaud que le président Michel Martelly avait à la bouche le 12 mai 2015 et qu’il avait fait chanter à son hôte, le chef d’État français, François Hollande.

Sept mois plus tard, ce refrain revient sous forme de question cruciale et persistante, tandis que personne n’est peut-être prêt à chanter, ni en Haïti, ni au sein de la communauté internationale.

Maintenant que le Conseil électoral provisoire (Cep) s’est finalement décidé à reporter sine die le second tour de la présidentielle, qui devait opposer, le 27 décembre 2015, le candidat officiel Jovenel Joseph à Jude Célestin, on se demande, perplexe, qu’est-ce qui va se passer ?

Il est vrai que ce report était souhaité, non seulement par des partis politiques non inféodés au pouvoir, mais aussi par de nombreuses associations.

D’ailleurs, on s’est longuement interrogé sur l’entêtement apparemment inutile et certainement improductif du Cep à poursuivre, dans la surdité, un processus électoral totalement décrié.

Tout ce qui lui a été demandé, pourtant, c’était au départ une révision des opérations du premier tour du 9 août, puis une vérification de celles du 25 octobre 2015.

Aujourd’hui, le Cep se voit obliger de prendre sa décision en raison, écrit-il, de la formation de la Commission nationale d’évaluation électorale et compte tenu des implications éventuelles que pourraient avoir ses recommandations sur la poursuite du calendrier électoral.

La commission, mentionnée par le Cep, a été formée par l’exécutif le 16 décembre 2015 mais elle n’a, jusqu’ici, pas été installée dans ses fonctions. Certaines personnalités choisies posent des conditions pour siéger dans cette structure, qui part avec un important déficit de confiance.

Alors que cette commission était officiellement créée, le Cep s’est pourtant précipité à publier d’autres résultats définitifs des législatives. Rendus publics durant le week-end, ces chiffres portent à 12 sur 20 le nombre de sénateurs élus et à 84 sur 99 le nombre de députés élus.

Un dernier coup pour enfoncer le clou ?

Le Cep ne s’est pas préoccupé que ces résultats viennent ajouter à la controverse et à la volatilité dans plusieurs départements, alors que des accusations de corruption à l’encontre des membres de l’institution électorale se sont multipliées de la part de certains candidats.

Les principaux secteurs de l’opposition, réunis autour de huit candidats à la présidence du Groupe des 8, estiment que la publication de ces résultats, quarante-huit heures après la formation d’une commission électorale pro-gouvernementale, démontre que le pouvoir et le Cep ont délibérément choisi de verser dans « l’escalade et la provocation ».

L’opposition réitère son appui à une manifestation anti-gouvernementale, annoncée pour le 27 décembre 2015, contre le processus électoral, tel que conduit jusqu’à présent.

Et alors, que se passera-t-il le 7 février 2016, date à laquelle un nouveau président doit entrer en fonction ?

Très difficile de le prévoir.

Aura-t-on le temps de faire la vérification, souhaitée par plusieurs partis et de nombreuses associations de la société civile ? Cette vérification s’arrêtera-t-elle à la présidentielle ou analysera-t-elle tout le processus ?

Si jamais les élections doivent être reprises à plusieurs niveaux, il est peu probable qu’une nouvelle administration serait en place le 7 février 2016, à moins de penser à une forme de transition… que réclame, depuis longtemps, une frange de l’opposition. Celle-ci a toujours cru que toute élection était impossible avec Martelly, qui a passé pratiquement tout son mandat sans réussir à mettre en place les conditions pour de véritables compétitions électorales.

Il y a aussi la rentrée parlementaire de la deuxième semaine de janvier 2016, qui pourrait être compromise.

Tout va dépendre maintenant du travail d’évaluation ou de vérification, qui sera mené, et de la pression que pourront exercer les secteurs démocratiques et populaires, alors que la communauté internationale voudrait vite tourner la page pour passer aux affaires. Car, il y aurait d’importantes négociations à assurer…

Ce qui est certain, c’est que Haïti, terrassée en cette fin d’année 2015 par une crise économique et sociale d’envergure, est entrée dans une zone politique de véritable incertitude. [gp apr 22/12/2015 14 :00]