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L’Amérique latine redoute un échec en Haïti

Paris, 19 nov. 04 [AlterPresse] --- Haiti est le premier pays dans lequel l’Amérique latine dans son ensemble s’engage militairement, a confirmé lors d’un séjour à Paris l’émissaire du Président brésilien, Marco Aurélio Garcia, qui revenait d’une mission en Haiti. C’est un bon pas vers l’unité régionale. Mais le risque de voir cette mission échouée comme tant d’autres en Haïti est aussi là , estime le responsable brésilien qui participait à une conférence organisée à Paris, le 15 novembre 2004, dans le cadre des débats du quotidien français Le Monde.

Marco Aurélio Garcia n’a pas voulu commenter les circonstances du départ de Jean-Bertrand Aristide. Il tenait juste à mettre l’accent sur le rôle que veulent jouer les pays de l’Amérique latine dans le processus de transition en Haïti. Force est de constater que « s’il y a crise aujourd’hui en Haïti c’est parce que la communauté internationale n’a jamais endossé sa responsabilité dans ce pays », a déclaré Garcia. Et les interventions de la communauté internationale se sont toujours terminées par des notes négatives. « La communauté internationale a échoué plusieurs fois en Haïti », rappelle le conseiller pour les Affaires internationales du président du Brésil.

Haïti a été au cœur de ce débat animé par Edwy Plenel, directeur de la rédaction du Monde, sous le thème « Où va l’Amérique latine ? » Les principaux intervenants ont été Dante Caputo, ancien représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en Haïti durant le coup d’état militaire de 1991, Porfurio Muñoz Ledo, ancien candidat à la présidence mexicaine qui a séjourné en Haïti durant les années 90, Felipe Gonzalez, ancien premier ministre espagnol, Pascal Lamy, commissaire européen et Eduardo Manet, écrivain franco-cubain.

La vraie crise

Le véritable problème d’Haïti aujourd’hui c’est la misère. Dans ce pays, « il y a une crise sociale beaucoup plus forte que l’insécurité », a affirmé Marco Aurélio Garcia. Le responsable brésilien réagissait aux questions concernant la vague d’insécurité qui se poursuit en Haïti huit mois après le départ de l’ancien Président Jean Bertrand Aristide.

Marco Aurélio Garcia a profité de la tribune du Monde pour lancer un appel en faveur de ce « 1,2 milliard de dollars disponibles [depuis juin dernier] alors que jusqu’à présent même pas un clou n’a été investi ». Le conseiller du Président Lula a appelé au déblocage de cette somme en conseillant à la communauté internationale : « trouvez un mécanisme -n’importe quoi mais faites quelque chose- si vous n’avez pas confiance dans l’actuel gouvernement pour la gestion de ce fond. »

Le conseil de Caputo

L’ancien ministre des Affaires Etrangères d’Argentine, Dante Caputo a suggéré la prudence au représentant du Président Lula en Haïti. « L’intérêt des Etats-Unis en Haïti n’est pas seulement la démocratie. Il faut faire attention », a mis en garde Caputo. Le problème relève de l’ambiguïté de la politique américaine, a-t-il souligné.

Dante Caputo s’est servi de sa propre expérience en Haïti où « Emmanuel (Toto) Constant, payé par la CIA (l’agence de renseignement américain), a formé un groupe paramilitaire, le FRAPH (Front pour l’Avancement et le Progrès Haitien), et boycotté le processus de négociation voulu par le président américain Bill Clinton ». L’ancien ministre argentin s’est souvenu que « Toto Constant voulait [le] tuer », alors que lui était en mission pour les Nations Unies.

Haïti, le miroir des problèmes de l’Amérique latine

« En Haïti, on a la radiographie des problèmes qui traversent l’Amérique latine », a estimé Porfurio Muñoz Ledo. On y retrouve comme partout dans la région l’énorme inégalité entre les très riches et les très pauvres. La seule différence, a dit l’ancien candidat mexicain, c’est que cette inégalité est visible en Haïti.

De son coté, le représentant du Président Lula dans le dossier haïtien n’écarte pas un échec de la mission de l’ONU sous le commandement du Brésil, si le problème de la misère n’est pas adressé. « Si on ne combat pas cette misère extrême qui frappe la population, la mission va échouer. Et ce ne sera pas que l’échec de l’Amérique latine. »

Les autorités du sous-continent affirment compter sur la mission en Haïti pour entamer l’unité politique de la région. Et aussi pour donner un coup de pouce à l’àŽle qui est très en retard par rapport aux autres pays. Pour cela, les Brésiliens veulent mettre tout leur poids dans la balance.

Dans ses propos de conclusion aux débats du Monde, Marco Aurélio Garcia a déclaré à l’assistance : « il y a trente ans, nous, latino-américains, étions venus ici pour vous demander votre solidarité contre les dictatures. Aujourd’hui, je vous demande votre solidarité pour Haïti, pour un peuple qui mérite de ne pas crever ». [wa gp apr 19/11/2004 18:20]