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Haïti-Élections : Des fraudes massives se confirment lors d’une vérification au Centre de tabulation

P-au-P., 22 nov. 2015 [AlterPresse] --- La vérification, les 21 et 22 novembre, d’un échantillon de procès verbaux de l’élection présidentielle du 25 octobre, au Centre de tabulation des votes (Ctv), révèle que ce scrutin a été largement frauduleux, selon Pierre Espérance, dirigeant d’une Coalition d’organisations nationales d’observation.

La vérification a débuté dans la matinée de samedi et a pris fin dimanche vers 3 :00 AM, en vertu d’une décision du Bureau du contentieux électoral national (Bcen), qui a fait droit à la requête de la candidate de Fanmi Lavalas, Maryse Narcisse, de procéder à une vérification au Centre de tabulation.

Narcisse avait dénoncé une vaste fraude en faveur de Jovenel Moise, candidat à la présidence du Parti Haitien Tet Kale (Phtk) au pouvoir.

Environ 98% de l’échantillon de procès verbaux examinés sont entachés de fraudes ou d’irrégularités, indique à AlterPresse Pierre Espérance, qui a assisté à la vérification.

L’exercice a touché les départements du Nord, de l’Ouest, du Plateau Central, du Sud-Est, de l’Artibonite, du Nord-Est et des Nippes (une partie du Sud-Ouest).

En général, explique-t-il, les procès verbaux de personnes ayant voté dans les listes d’émargement sont non conformes et ont été sommairement dressés sur de simples feuilles volantes.

Des numéros de Cartes d’indentification nationale (Cin) de votants ne sont pas mentionnés et des signatures sont « suspectes », poursuit-il.

Dans de nombreux cas, il n’y a pas eu de signature des électeurs et électrices, et le nombre de votants - qui figure dans les procès verbaux - a souvent été plus élevé que la quantité de bulletins correspondant à ces procès verbaux, souligne Pierre Espérance.

Il dit avoir constaté que l’Unité nationale pour le développement appliqué », (Unada), officiellement retirée de la liste des organismes nationaux d’observation, pour fraude et vente de cartes d’accréditation, figure, pourtant, dans la plupart des procès verbaux examinés.

« Il faut une vérification poussée, surtout en ce qui concerne tous les électeurs ayant voté en dehors des listes d’émargement. C’est la que se trouve la fraude massive », déclare Pierre Espérance.

Cette vérification, précise-t-il, doit être conduite par une « commission d’enquête indépendante » en vue de la crédibilisation du processus.

« Sans cette disposition, le pays sera plongé dans une crise poste électorale », prévient-il.

L’opération de vérification a été effectuée en présence des membres du Bcen : Ricardo Augustin, représentant de l’église catholique romaine, président, Jaccéus Jospeph, représentant du secteur des droits humains, membre, ainsi que la Juge Cluny Pierre Jules, de la Cour d’Appel des Gonaives, et deux avocats représentant le Barreau, Robert Jean-Louis et Jean Gamael Dieudonné.

La candidate de Fanmi Lavalas, Maryse Narcisse, était également présente, de même que les avocats du parti, Me Gervais Charles, Me Axène Joseph et un cadre, l’ancien sénateur Yvon Feuillé.

L’avocat du Phtk, Me Patrick Laurent, et des membres de cette formation politique ont aussi assisté à l’opération.

« Le problème est qu’on ne peut s’attendre à aucune décision conséquente du Bcen, malgré l’intégrité reconnue de la juge Cluny Pierre-Jules, car l’instance de contentieux comprend deux membres du Cep, une institution qui a perdu toute crédibilité à cause de la planification des fraudes lors des élections du 9 aout et du 25 octobre 2015 », anticipe Pierre Espérance.

« Il revient au Cep d’autoriser la mise en place d’une commission indépendante et la conduite d’une enquête poussée » autour du vote du 25 octobre 2015, martèle Espérance.

Dans un communiqué, émis le 16 novembre 2015, le Cep a indiqué que le décret électoral ne dispose pas de provisions à cet effet.

Au vu de la masse de fraudes et d’irrégularités découvertes, Pierre Espérance remet en question « la capacité et la bonne foi des techniciens du Centre de tabulation », puisque les procès verbaux sont censés être contrôlés par les avocats vérificateurs qui constituent « un personnel clé » de cette entité.

Il rappelle que les organismes nationaux d’observation n’ont pas cessé de réclamer, en vain, de la part du Cep, le protocole de fonctionnement du Centre de tabulation et les critères, suivant lesquels les procès verbaux sont déclarés conformes ou non.

Un sondage à la sortie des urnes de l’Institut brésilien Igarapé, rendu public cette semaine, montre que les résultats préliminaires officiels de la présidentielle pourraient ne pas refléter la volonté des électeurs.

L’enquête, basée sur des entretiens avec plus de 1,800 votants de 135 centres de vote dans l’ensemble des dix départements d’Haïti, révèle que Jovenel Moïse aurait reçu les votes de 6.3% des répondants de l’enquête, contrairement aux 32% qui lui sont attribués dans les résultats préliminaires.

Depuis plus de deux semaines, des manifestations se poursuivent, principalement à Port-au-Prince, pour contraindre le Cep à évaluer les résultats de la présidentielle du 25 octobre 2015, considérés comme frauduleux par plusieurs partis politiques et des organisations nationales d’observation.

Les élections du 25 octobre 2015 constituent une vaste opération de fraudes électorales planifiées, a fustigé, dans son rapport d’observation, la coalition regroupant la Solidarité des femmes haïtiennes (Sofa), le Conseil national d’observation électorale (Cno), le Conseil haïtien des acteurs non étatiques (Conhane) et le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh). [gp apr 22/11/2015 13:30]