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Haïti-Élections : Qu’ils sont longs les jours !

Par Gotson Pierre

P-au-P., 11 nov. 2015 [AlterPresse] --- Un mois et demi, c’est peut-être peu quand on considère le nombre de jours qu’il faut pour conduire une opération comme les élections, qui concernent l’ensemble de la société haïtienne.

Mais, en Haïti, le temps électoral peut être très long. Car les obstacles à traverser pour parvenir au bout du processus ont parfois l’air infranchissable.

On voudrait se tromper en analysant les données de la conjoncture actuelle, où on serait enclin à penser que le pays est entré quasiment dans une crise électorale, depuis la publication, entre le 5 et le 8 novembre 2015, des résultats préliminaires du premier tour de la présidentielle, puis du second tour des législatives.

On pouvait s’attendre à beaucoup de contestations, à cause de la méfiance que nourrissent les acteurs politiques vis-à-vis du Conseil électoral provisoire (Cep), qui n’a pas su donner de la crédibilité au processus, vu que les violents et les malins ont profité de leurs forfaits, suite au scrutin controversé du 9 août 2015.

Les opérations ont pris d’autres formes, le 25 octobre 2015, de telle sorte que les expressions de dizaines de milliers d’électeurs et d’électrices ont été systématiquement gommées, entre autres par la mise en quarantaine de bulletins, sans compter les bourrages d’urnes, dénoncés par les organisations nationales d’observation.

Dans cette hémorragie de chiffres à donner le vertige, on est parvenu à des résultats qui ne reflètent probablement pas la vérité du vote.

Pourtant, les dossiers de contestation concernant la présidentielle sont peu à parvenir au contentieux, en dépit des injonctions du Core Group. Seulement deux cas, dont une plainte de la candidate présidentielle Maryse Narcisse, du parti Fanmi Lavalas, arrivée en 4e position et qui revendique la victoire.

Mais, la contestation est déjà en train de prendre la forme de protestations dans les rues et même de manifestations violentes et d’incendie.

Qu’elles parviennent à faire recette ou non, des manifestations publiques se dessinent en faveur d’une vérification indépendante du comptage des votes. Ce qui tendrait à renforcer la position de 7 candidats, dont les deux classés en deuxième et troisième position, Jude Celestin (Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation haïtienne / Lapeh) et Jean-Charles Moïse (Pitit Dessalines), réclamant la mise sur pied d’une commission à cet effet.

Pas de réponse, pour le moment, du Conseil électoral provisoire (Cep).

La transparence et la responsabilité sont exigées du Cep depuis l’initiation du processus. On attendait l’institution électorale au tournant du 9 août 2015. Déception. Pourrait-elle aujourd’hui accéder à une telle réclamation, susceptible d’injecter une dose de crédibilité aux résultats électoraux ? Sauf, peut-être, par la force des choses.

A l’intérieur, comme à l’extérieur de l’organisme électoral, cette perspective serait susceptible de soulever quelques craintes… Il ne faudrait pas prendre le risque d’ouvrir une boîte de Pandore !

Enquête ou pas, quand et comment le Cep parviendra-t-il à publier des résultats définitifs pour mettre le cap sur le second tour de la présidentielle et clore le processus législatif ? L’atmosphère s’y prêtera-t-elle ?

A moins que l’argent et les armes parviennent à avoir raison de tout élan citoyen en faveur de la transparence et de la vérité. On sait que la déprime économique et sociale, le manque de vision de la part de certains acteurs, les intérêts particuliers et la confusion aidant, tout peut, en effet, arriver. Y compris des événements capables d’hypothéquer, pour longtemps encore, le futur démocratique et le progrès d’Haïti !

Mais, personne ne sait d’avance, dans les conditions actuelles, comment égrener le temps qui nous conduira au bout de cette course électorale qui se perd dans des chemins de travers. [gp apr 11/11/2015 00:30]