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Un accord permettant le contrôle des frontières d’Haiti à une firme privée israélienne suscite de vives inquiétudes

P-au-P, 29 oct. 2015 [AlterPresse] --- Un accord, signé entre le gouvernement haïtien et une firme privée israélienne, en ce qui concerne le contrôle des frontières d’Haïti par cette dernière, suscite de vives inquiétudes, constate l’agence en ligne AlterPresse.

« Nous sommes un peuple de gens incapables. C’est l’étranger qui nous aide. Il y a des peuples majeurs et des peuples mineurs. Haïti est un peuple mineur », critique l’économiste Eddy Labossière, président de l’Association des économistes haïtiens (Aeh), qui, interrogé par AlterPresse, intervenait sur ce protocole d’accord signé le samedi 24 octobre 2015.

« Pourquoi allons-nous chercher des étrangers pour sécuriser nos frontières, alors que nous avons beaucoup de chômeurs » ?, s’interroge-t-il, soulignant combien « nous aurions pu renforcer considérablement la Police nationale d’Haïti (Pnh) sur les axes frontaliers ».

L’Aeh se dit indignée par rapport à ce protocole d’accord, signé entre le ministre de l’économie et des finances (Mef), Wilson Laleau, plusieurs officiels de l’administration de Michel Martelly et une firme privée israélienne appelée Hlsi, représentée par sa vice-présidente Eva Peled.

Cet accord viserait à restructurer et à moderniser 9 postes douaniers, pour effectuer la surveillance de la frontière (aérienne, terrestre et maritime) en tout temps, en utilisant toutes les technologies modernes qui existent, y compris les services d’hélicoptères, fait savoir Wilson Laleau.

« Cette firme israélienne aura la grande responsabilité d’accompagner l’Etat haïtien dans la gestion frontalière, qui est un gros défi pour le pays », affirme-t-il.

Peu de temps avant l’occupation américaine d’Haïti en 1915, la question du contrôle des douanes haïtiennes a été agitée par le gouvernement américain, qui faisait pression à l’époque, à travers son représentant diplomatique Bailly-Blanchard, pour la signature - par le gouvernement haïtien - d’une Convention lui donnant le contrôle des douanes haïtiennes.

L’administration politique, établie à Washington, voulait ainsi s’assurer qu’il contrôle les revenus haïtiens, permettant de payer les porteurs de titres à Wall Street de la dette contractée par Haïti en 1910, a souligné le professeur Leslie Péan, dans un article titré « La semaine Dessalines : le mauvais chemin pris par Haïti dans l’histoire »

« Le président Oreste Zamor, à qui il avait présenté la Convention à signer, le 13 juillet 1914, est vite écarté du pouvoir et remplacé par Davilmar Théodore le 7 décembre 1914. Celui-ci refuse également de signer la Convention, qui lui est présentée par le même Bailly-Blanchard le 10 décembre 1914. Alors, les marines américains du Machias débarquent le 17 décembre 1914 et saisissent l’or entreposé à la Banque nationale. Deux mois plus tard, Davilmar Théodore est renversé et Vilbrun Guillaume Sam prend le pouvoir exécutif », lit-on dans le document.

Joint au téléphone par AlterPresse, Max Antoine, secrétaire exécutif de la commission technique de la gestion des frontières, rappelle qu’en 2014 un appel d’offres a été lancé par le Mef, pour que des firmes manifestent leur intérêt pour un programme de modernisation et de reconstruction des bureaux qui se trouvent dans des douanes terrestres, maritimes et aériennes.

Octroyé à une firme privée israélienne en mai 2015, ce projet coûtera 49,3 millions de dollars américains (Ndlr : US $ 1.00 = 55.00 gourdes ; 1 euro = 65.00 gourdes aujourd’hui) pour les travaux d’aménagements, de reconstruction et de modernisation, selon Max Antoine.

Il y aura un programme de formation pour les agents douaniers en vue de garantir beaucoup plus de collectes de taxes, précise-t-il.

La mise en œuvre du projet durera deux ans, alors que le programme de monitoring pour savoir « si le programme marche très bien » durera 10 ans. [jep emb apr 29/10/2015 12:10]