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Résultats des élections du 25 octobre en Haïti : Le peuple haïtien, acteur ou spectateur ?

Par Joseph Harold PIERRE *

Soumis à AlterPresse le 28 octobre 2015

Introduction

Le discours des candidats à la présidence a montré l’état calamiteux du mal d’Haïti. Rejetant l’idée du messianisme ou caudillisme, ils se sont tous présentés, néanmoins, comme le libérateur d’Haïti, celui qui vient accomplir les prophéties d’un Jean-Baptiste dans le désert ou d’un Isaïe. Avec eux, on assistera au démarrage de l’économie, axée sur les investissements, la relance de l’agriculture ; l’administration publique sera guérie de son dysfonctionnement, la pauvreté et l’inégalité seront réduites, et la paix habitera tous les cœurs. Toutefois, ces mots sont dans la plupart des cas répétés sans grande responsabilité et sans se soucier du comment ou de quelles politiques implémenter pour arriver à ces résultats. Au-delà de la profondeur ou superficialité de l’un ou l’autre candidat, ces questions qui reviennent sur toutes les lèvres mettent en évidence l’état moribond de notre société. Faire un pas en avant ou un arrière dépendra des politiques qu’aura appliquées le successeur de Michel Martelly. Comme la question des élections préoccupe la plupart des Haïtiennes et des Haïtiens, un autre indicateur de notre mal, puisqu’elle devrait nous intéresser tous, je me propose de faire certaines réflexions sur ce grand événement qui vient juste de se produire. Ce qui m’intéresse le plus dans cette analyse, c’est le rôle des acteurs locaux, surtout des leaders à qui il revient de faire avancer le pays.

Le texte est divisé en plusieurs parties : une mise en contexte, la situation des candidats qui met en exergue la crise de leadership en Haïti, une analyse des forces qui décident du résultat des élections, et finalement une invitation à avoir un projet commun pour 2020 à l’instar d’autres pays latino-américains.

1 – Mise en contexte

1.1 – Avant le jour des scrutins

Les élections du 25 octobre se sont situées dans la conjoncture de la crise succédant aux joutes du 9 août desquels sont sortis seulement 7% des postes à combler, soit 10 mandatés sur 139. Toutes les instances concernées et les leaders d’opinion concordent en ce que les législatives ont été émaillées de graves erreurs. La différence se trouve dans les degrés. Pour certaines organisations de la société civile, la moitié des bureaux fut affectée par des actes de vandalisme, tandis que la communauté internationale et le gouvernement avancent le chiffre de 13%. De cette situation découle la formation de différents groupes (Espace de résistance patriotique, Inisyativ popilè pou sove demokrasi, Collectif national des candidats contre le coup d’Etat électoral, Front des candidats pour la lutte démocratique, etc.) qui ont organisé des manifestations pour exiger le départ du président Martelly et l’établissement d’un gouvernement de transition, l’annulation des élections et le départ du Conseil électoral provisoire (CEP) ou de son président, Opont.

L’organisme électoral est décrié pour de multiples raisons. Il est jugé incompétent et partial dans l’organisation des élections du 9 août ; ce qui a provoqué un désordre général au profit des fauteurs de trouble. Sa méthode de calcul des votes est mise en question. A 10 jours des élections, l’’Observatoire Citoyen pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID) avait dressé un tableau non reluisant du processus électoral : la plupart des bureaux départementaux et communaux n’avait pas encore reçu le matériel nécessaire aux urnes ; la formation des agents de sécurité n’était pas encore finalisée dans presque la totalité des centres de vote ; l’institution n’avait pas payé un nombre considérable du personnel électoral. Dans ces conditions, il aurait été illogique de croire à la déclaration d’Opont, à savoir que le CEP est prêt à 97% pour les élections.

D’un autre côté, la question de la sécurité semblait la plus épineuse. En effet, le président du CEP avait recommandé la présence d’une force lourdement armée, alors que l’ambassadeur américain fraichement installé, Peter Mulrean, et le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, avaient tour à tour invité le peuple haïtien à voter dans la paix. Quant au chef de la mission d’observation de l’OEA, Celso Amorim, il avait fait part de son inquiétude face aux risques de violence au cours de la journée du 25 octobre. Cette préoccupation des instances concernées était bien fondée. En effet, il était logique de penser que la force policière, numériquement trop faible et déjà mal équipée et mal payée, n’avait pas les conditions pour sécuriser des élections si complexes. Il suffisait de penser à l’incapacité des forces de l’ordre à pacifier Arcahaie après le décret divisant cette commune en deux et les violences enregistrées récemment à Cité-Soleil et dans d’autres zones du pays, pour se rendre compte des limites de la police. D’ailleurs, l’OCID a rapporté que 14% des 52 communes qu’elle avait visitées dans le cadre de son enquête sur les prochaines joutes avaient connu de la violence pré-électorale.

Il est aussi bon de souligner que les agents de la MINUSTAH (moins de 4500) comme force de paix n’ont pas assumé pleinement leur responsabilité pendant les 10 ans qu’ils ont été en Haïti. Avec la police, ils avaient fait montre d’indifférence et de nonchalance, lors des législatives du 9 août. A titre de comparaison, de l’autre de la frontière, en République Dominicaine, il existe plus de 40 mille policiers pour une même population, auxquels il faut ajouter les plus de 30 mille soldats des différentes composantes des forces armées dudit pays. Ces données indiquent que la seule force capable d’éviter la violence en Haïti est l’esprit pacifique du peuple. Aucun autre facteur ne pourrait expliquer qu’Haïti est parmi les pays ayant les taux de violence les plus bas en Amérique latine, quand l’Etat haïtien ne détient pas le monopole de la violence dans le pays, pour reprendre l’expression de Weber.

La peur de représailles pouvait affecter considérablement le taux de participation aux urnes du 25 octobre. En effet, l’électorat est marqué par les événements sanglants du 29 novembre 1987 qui a entaché l’histoire des élections en Haïti et qui a porté un coup dur au peuple dans sa lutte pour occuper l’espace public et prendre en main son destin. La situation s’avère de plus en plus importante que ce peuple qui a donné son sang, a vécu le plus grand désenchantement qui soit, eu égard au leurre dont il a été objet de la part des politiciens depuis la chute des Duvalier. Il suffit de voir les taux de participation des élections présidentielles de 1990 à 2010, pour s’en rendre compte. Allant en chute libre, elles sont passées de plus de 50% à 23%, accusant une réduction de plus de la moitié de ce pourcentage dans 20 ans, alors qu’on devrait s’attendre à une augmentation de cette proportion. Il s’en suit que les présidents élus jouissent de moins en moins de l’appui du peuple et qu’en conséquence, pâtissent d’un déficit de légitimité. L’impossibilité pour un gouvernement haïtien de prendre des décisions, l’atomisation des forces politiques au sein du parlement, les sempiternelles manifestations de rue sont toutes, en quelque sorte, liées à cette question de légitimé, mais aussi et surtout à la tendance dictatoriale de tous ceux qui ont occupé le siège présidentiel au cours de cette période qui, paradoxalement, opte pour la démocratie, c’est-a-dire de participation de tous et de décision concertée au profit du plus grand nombre et surtout des démunis.

Tel fut le contexte dans lequel allaient se dérouler les élections. Toutefois, la journée du 25 octobre fut bien surprenante.

1.2 – Le bilan de la journée du scrutin

Contrairement à l’attente générale, la journée du 25 octobre fut en quelque sorte une réussite. Une grande partie des instances nationales et la communauté internationale sont de cet avis. Un élément majeur de ce succès serait une plus participation de l’électorat par rapport aux législatives du 9 août, même si, faut-il le souligner, que l’aune à laquelle il faut mesurer cet indicateur n’est pas les joutes du 9 août sinon les présidentielles antérieures, puisque la course à la magistrature suprême a une plus grande force de mobilisation que les élections conduisant à la formation ou au renouvellement des deux chambres. Toutefois, un quart ou 30% (dépendamment des sources) de l’électorat s’est présenté aux urnes, pourcentage enflé par de nombreux observateurs et mandataires qui ont voté plusieurs fois, ce qui fait dire à Frantz Duval (Editorial « Nos particularités démocratiques », Le Nouvelliste, 26 octobre 2015) que ces derniers « passeront indéniablement à l’histoire comme étant les grands électeurs des élections de 2015 ». Cette proportion, même avec le crime commis par des représentants de certains candidats, accuse d’une abstention considérable et est très loin des 50% qui ont pris part aux élections de 2010, le plus niveau de participation dans l’histoire démocratique d’Haïti.

Cette journée qui s’est déroulée dans une relative tranquillité est le fruit d’une combinaison de plusieurs entités dont les forces de l’ordre (la police nationale et la MINUSTAH), le CEP et surtout le peuple dans son ensemble. La police nationale a honoré sa promesse de sécuriser les élections. Le déploiement d’environ 12500 agents de sécurité (10 mille policiers et de 2,502 membres des forces onusiennes) a su inhiber le zèle des fauteurs de troubles au rang desquels se trouvent un policier, le candidat à la députation de L’Estère, Carlo Estar et des mandataires.

Le CEP, pour sa part, a tiré des leçons des dernières législatives. A part la question des mandataires qui demeure « le tendon d’Achille » du processus (Le National), problème lié, pour une large part, à la désorganisation interne des partis politiques, de l’avis de plus d’un, et en dépit de quelques autres irrégularités acceptables (comme le retard dans l’ouverture des centres), compte tenu des limites techniques de l’appareil électoral, les organisateurs ont pu considérablement améliorer la logistique de la journée, ce qui a évité le désordre généralise constaté le 9 août dernier. Et l’exclusion de l’Unité nationale pour le Développement appliqué (UNADA) pour cause de fraude, parmi les 15 organisations habilitées à observer le déroulement du processus, est louable. Toutefois, le CEP doit prendre les mesures nécessaires pour éviter que la volonté du peuple, soit par déficience administrative ou délibérément, ne soit pas respecté, car il a été rapporté par AltePresse que « les opérations de dépouillement, déjà entamées, se réalisent dans une cacophonie dans des bureaux de vote surchargés (promiscuité à n’en plus finir), notamment à Port-au-Prince ». Un internaute, lecteur de Le Nouvelliste, a fait un commentaire au bas d’un article qui a attiré notre attention, à savoir que « les élections ont eu lieu dans la paix, mais qu’aux centres de tabulation (tribulation, dit-il), chaque vote grimpera un mat suiffé ».

Le dernier acteur et le plus important est le peuple haïtien. Celui-ci a manifesté sa volonté en votant dans la paix, en vue de faire avancer le pays. Il lance aussi un message aux oppositions présentes et futures que les scrutins constituent la seule option digne d’un pays qui se dit démocratique pour changer ses mandants.

2 – Candidats

Une cinquantaine de candidats ont participé aux élections présidentielles. De ce nombre, quatre se sont détachés du groupe : Jude Célestin, Moise Jean-Charles, Maryse Narcisse et Jovenel Moise. De tendance centre-droite, le premier, candidat officiel d’alors, fut évincé du deuxième tour des élections de 2010 dans des conditions jusque-là obscures, du moins non élucidées. Il mise sur une réforme administrative des pouvoirs, la lutte contre la corruption et une économie ouverte. Quant à Moïse Jean-Charles, il se présente comme celui qui vendrait parachever la mission de Dessalines consistant en l’amélioration des conditions des appauvris (« Et ceux dont les pères sont en Afrique n’auront-ils donc rien ? »). Très critique à la communauté internationale et à l’entreprenariat haïtien, leader de l’opposition pendant tout le mandat de Martelly, Moise Jean-Charles serait aussi l’incarnation de l’extrême gauche en Haïti.

Quant à Maryse Narcisse, dauphine d’Aristide, elle axerait son gouvernement sur l’économie : la production nationale, la création d’emplois et le développement des petites et moyennes entreprises. Tout comme Jude Célestin, elle tient à faire la guerre à la corruption. Le médecin-candidat serait d’une gauche modérée ou réformiste. Pour sa part, Jovenel Moïse, candidat officiel et de tendance de droite, veut faire de la relance économique et la bonne gouvernance le moteur de son quinquennat. Son slogan de campagne “continuer, corriger et innover” ressemble fort étonnamment à celui de Danilo Medina en 2012, à savoir « continuer ce qui est bien, corriger ce qui est mal et faire ce qui n’a jamais été fait ». Bref, les candidats ont tous, chacun à sa manière, prioriser l’économie et la lutte contre la corruption.

Cette typologie des candidats jouissant des fortes probabilités de remporter les élections peut ne pas répondre en toute rigueur à leurs aspirations, car, depuis après la deuxième guerre mondiale, l’orthodoxie des idéologies politiques s’effrite de plus en plus. D’où l’émergence de partis tels le catch-all et le cartel, dont l’agir n’a pas la force idéologique des partis de masse classiques. Cette tendance est d’autant plus poussée dans les pays pauvres dont Haïti qui, de surcroît, souffre d’une grande absence de leadership susceptible de consolider des affiliations politiques.

Une idée qu’on ne saurait ne pas mentionner ici est la loi d’airain (Iron law) de Robert Michels relative à toute organisation et spécialement aux partis politiques. Suivant ce principe, les partis politiques « secrètent » une structure rendant les chefs inamovibles. Si cette loi n’est pas universelle, comme l’a bien démontré Lipset, en Haïti elle trouve toute son application. Avec la seule différence que, chez nous, il n’existe pas d’organisation sinon une désorganisation qui fait des partis politiques plus des entreprises privées, des patrimoines familiaux que des structures modernes et démocratiques. L’échec du secteur protestant de trouver un candidat unique met en évidence l’application de la théorie du sociologue germano-italien. En effet, le choix de Clarens Renois, jeunot en politique et sans lien étroit avec le leadership protestant, n’a pas été accepté par ses coreligionnaires. De plus, la dénonciation de la Solidarité des femmes haïtiennes (Sofa) sur le mode de fonctionnement patriarcal dans le processus électoral se situe dans cette perspective, car la gent féminine n’a représenté que 8% des candidats aux élections du 9 août, soit 152 postulantes sur un total de 1853 candidats. Ceci dit, le quota du 30% est très loin de se concrétiser à la 50ème législature.

3 – Résultats des élections

Dans cette partie de notre analyse, la première question à se poser est quels sont les facteurs déterminant les élections en Haïti. A notre avis, il existe trois forces ou pouvoirs dont l’un ou la combinaison des uns, dépendamment des conjonctures, sont plus capables que d’autres de faire basculer la balance des résultats. Ce sont le peuple, l’Etat et la communauté internationale. Il fut un temps que ces forces se chiffraient au nombre de quatre avec l’Eglise catholique. A noter aussi que l’Etat, de manière générale, fonctionne en connivence avec le secteur des affaires et les forces armées quand celles-ci existaient. Comment ces forces opèrent-elles ?

Pendant la lutte contre le communisme et même au début des transitions démocratiques en Amérique Latine, la communauté internationale savait imposer unilatéralement des gouvernants. Cependant, à partir du déclin du communisme, la démocratie régionale a progressé et les pays amis ne décident plus de par eux-mêmes du destin des peuples de la région. Les élections de 1990 en Haïti ont eu lieu sous la mouvance de cette nouvelle orientation de la politique globale. Et la victoire d’Aristide qui n’était pas le candidat de l’international ni de la hiérarchie catholique est, pour une large part, le fruit de cette politique renonçant à toute ingérence ou intervention non-justifiée. Ainsi donc, s’agit-il du résultat des élections, l’international n’impose pas un candidat n’ayant aucune chance de gagner, même si celui-ci répondrait de façon optimale à ses intérêts, sinon il se met du côté de celui qui jouit d’une certaine popularité et qui est aligné à ses intérêts, ou du moins ne s’y oppose pas. A notre avis, c’était dans cette logique que les pays amis d’Haïti ont supporté Michel Martelly, l’un des candidats favoris des élections de 2010, mais qui les a remportées dans des conditions encore douteuses.

Suivant cette analyse, la seule possibilité pour éviter l’influence de l’international est d’avoir un candidat qui se détache de très loin des autres. Par exemple, un rapport entre l’un des quatre postulants favoris et la masse des candidats dont même les gens les plus avisés ne retiennent pas les noms. Ce serait d’avoir un scenario semblable à celui de 1990 ou la victoire d’Aristide n’était reposée sur la masse immense des votants. Certains pourraient se demander pourquoi tout cet effort à l’abri de l’international. La réponse à cette interrogation est de deux ordres. D’un côté, la politique est un jeu d’intérêts, un rapport de forces, et l’international qui finance Haïti dans tous les domaines, ne saurait être une exception à cette règle. De l’autre, cette pression ou influence de l’extérieur pourrait exercer un impact positif, dans la mesure ou ceux qui se disent nationalistes pourraient constituer un faisceau pour choisir un seul et même candidat en vue d’éviter l’imposition d’un président qui ne résulte pas de la volonté du peuple. Malheureusement, les accusateurs de l’international sont divisés et ne sont même pas en mesure d’apprendre de ce dernier l’esprit d’union qui lui a valu sa prépondérance sur Haïti et sur d’autres peuples.

Une deuxième force décidant du résultat des élections est formée par le gouvernement en place. En effet, dans les pays sous-développés et émergents, l’exécutif dispose des appareils de l’Etat, que le candidat officiel utilise aux dépens de ses compétiteurs. Dans cette perspective, la manipulation de l’organisme électoral est son arme la plus puissante. Toutefois, les intérêts du gouvernement sortant ne coïncident pas toujours avec celui de l’international ni du peuple. La défaite de Jude Célestin aux élections de 2010 illustre fort bien cette thèse. Pour ce qui est du peuple, à l’époque actuelle, du moins dans le monde occidental, il est la seule force qui, une fois unie, se révèle plus puissante que les deux autres, même lorsqu’elles seraient combinées. Ceci dit, la déchéance de la politique en Haïti résulte, non pas de l’international ni de l’Etat (puisqu’on a rarement eu des hommes et des femmes honnêtes), sinon de l’absence d’une opposition compétente, sérieuse, éclairée et dotée de la capacité de prendre le pouvoir et, de ce fait, d’éviter que des ennemis d’Haïti y accèdent. En ce sens, la crise politique d’Haïti est une crise de leadership. Nombreux sont les exemples en Amérique Latine qui prouvent cette hypothèse. La République dominicaine, tout près de nous, en est un. Au passage, nous tenons à souligner que Michel Martelly ne peut, en aucun cas, connaître le même sort que Vilbrun Guillaume, comme le prétendent certains membres de l’opposition ; ce qui serait une involution séculaire. Si le président cherche à influencer les résultats, il devra subir le sort prévu par la justice, mais pas la peine de mort, encore moins la mort brutale d’une foule déferlante.

A partir de ce qui vient d’être exposé, il est difficile de pronostiquer parmi les quatre concurrents principaux, qui gagnera les élections, pour la simple raison que le peuple n’est pas le seul acteur sur la scène. Dans le cas où l’électorat déciderait de par lui-même, les quelques enquêtes publiées sur les joutes du 25 octobre n’auraient pas suffi pour pronostiquer les résultats, vu que les données de ces sondages politiques sont très volatiles et que la tendance peut être renversée d’un jour à un autre. D’un autre côté, les enquêtes, dépendamment de la méthodologie utilisée, peuvent ne pas refléter la volonté des votants par manque de représentativité, manipulation, etc. Au-delà de l’impossibilité de prédire scientifiquement qui sortira victorieux des élections du dimanche, d’autres questions nous importent : que représentent ces élections dans le processus de la démocratisation d’Haïti ? Le CEP répétera-t-il, par incompétence ou à dessein, les erreurs commises le 9 août dernier, sinon dans l’organisation du moins dans le comptage ? Quels intérêts aurait la communauté internationale à ne pas exercer son influence dans ces joutes, comme elle l’a annoncé à maintes reprises ? Quelles leçons nos « leaders » apprendront-ils de ces élections en vue de l’émergence d’un leadership éclairé en Haïti dont les différentes composantes et tendances seront capable de se mettre d’accord sur un seul et même objectif : le bien d’Haïti ?

4 - Réflexion finale

Les élections du dimanche avaient laissé augurer un panorama inquiétant. Le CEP, décrié pour incompétence et partialité, avait recommandé une force lourdement armée pour la sécurité de l’exercice du vote. La communauté internationale, préoccupée du climat sécuritaire, a invité le peuple à voter dans la sérénité, alors que des ONG n’avaient pas caché leur inquiétude du fait qu’à la veille des élections, on n’avait pas senti la présence de cette force qui allait éliminer l’immobilisme qui habiterait un grand nombre d’électeurs le jour du vote. A la surprise de tout le monde, les forces de sécurité et le CEP avaient pris les mesures pour le déroulement de bonnes élections, et il en fut ainsi.

Toutefois, tout n’est pas fini. La situation d’Haïti après les élections du dimanche ressemble à un animal se trouvant au sommet d’une montagne sous les forces d’un ouragan qui peuvent le précipiter vers un trou béant ou vers une prairie, peu abondante, mais capable de la nourrir à l’attente de la période de la grande verdure. La seule différence entre les élections et cette image est qu’à la différence de l’animal, le saut des urnes ne dépendra pas des aléas de la nature sinon de la volonté des acteurs nationaux et internationaux. Si le gouvernement et l’international n’influencent pas les résultats, on aura choisi la prairie.

En dernière analyse, les spécialistes de l’idée de nation, s’agit-il de Fichte, d’Ernest Renan de Rousseau ou de Hegel, ont tous concordé que la nation résulte avant tout de la volonté du peuple de faire route ensemble, d’avoir un projet commun. L’Allemagne est l’exemple par excellence, pays qui fut un ensemble de tribus et de régions, sans une idée nationale bien définie, - alors que la France et l’Angleterre étaient déjà des nations constituées, chacune avec une révolution dont elles pouvaient s’enorgueillir -, est ce qu’elle est aujourd’hui - la plus grande économie européenne - malgré, de surcroit, les soubresauts qu’elle a connus au cours des deux guerres et de la période nazi. Tout cela s’explique par la volonté de faire route ensemble.

Loin de cet exemple qui nous parait d’une autre planète, des pays latino-américains ont dépassé leurs luttes et construit leurs nations. La Colombie a avancé et cherche à en finir avec ses guerres intestines. Les Dominicains se battent entre eux, mais sont d’accord sur un point de ne pas se diviser pour ce qui est de l’intérêt national. Les élections de 2012 où tout le monde redoutait du candidat malheureux Hipolito Mejia un comportement invitant à la violence, à cause des fraudes qu’il dénonçait, ont montré la volonté de nos voisins de construire une nation, puisque l’ex-président avait cessé ses revendications postélectorales au bénéfice d’un plus grand bien, celui du pays tout entier. Peña Gomez, avant lui, avait épousé pareil comportement. Loin d’inviter à abandonner les vraies luttes et de laisser opérer les forces occultes en Haïti, nous voulons seulement inviter les gens à avoir un certain sens d’abnégation et surtout de l’histoire pour le bien d’Haïti.

Ne sommes-nous pas capables de faire autant que les Dominicains ? Choisir le précipice ou la prairie, dans la comparaison présentée plus haut, doit dépendre des leaders haïtiens, si ce n’est maintenant (cette idée se fonde sur un grand réalisme politique), du moins en 2020. Pour ce faire, commençons des le début de 2016 para la formation de partis politiques sérieux, l’accompagnement des masses paysannes et des quartiers populaires, et l’intégration de la diaspora dans la vie politique du pays.

Pour les résultats de ces élections, espérons que le CEP ne se laisse pas influencer par les forces occultes qui veulent à tout prix étouffer tout élan du peuple d’améliorer ses conditions de vie par l’établissement de régimes démocratiques conformes à sa volonté.

……….

* Coordonnateur général de NAPSA
Membre du Réseau Latino-américains des Jeunes pour la Démocratie
@desharolden
desharolden@gmail.com