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Haïti : Le scrutin du dimanche 25 octobre 2015 ne changera donc pas la donne politique

Déclaration du parti AKAO / 22 octobre 2015

Document soumis à AlterPresse

Notre pays connaît depuis quelques décennies une crise systémique alimentée tant de l’intérieur que de l’extérieur, avec pour effets la perte de notre souveraineté et la détérioration des conditions de vie de la majorité de la population.

Dans ce contexte, les élections auraient dû être pour les citoyens et citoyennes le lieu d’un débat national autour des grands problèmes économiques, sociaux, culturels de la société haïtienne. Elles auraient pu servir à la confrontation de projets politiques sur le devenir du pays, sur la production de richesses pour sortir de la pauvreté et sur leur distribution en vue d’éradiquer les multiples formes d’apartheid et d’exploitation. Elles auraient pu contribuer à la constitution d’un front démocratique pour s’opposer au pillage organisé des maigres ressources du pays. Elles auraient dû être l’occasion d’une rupture avec les pratiques gouvernementales autoritaires et dédaigneuses de toute participation populaire caractérisant notamment le pouvoir en place.

Or, les forces conjuguées du statu quo, de la bourgeoisie haïtienne au club de l’international, des bandits aux mafieux, des réactionnaires aux opportunistes, ont, une fois de plus, montré ouvertement le 9 août 2015 les limites du rituel démocratique et les illusions de l’État de droit lorsqu’un pays est pris en otage par des élites économiques sans projet national. Les auteurs intellectuels et matériels nationaux et internationaux du coup d’État électoral ont apporté un démenti cinglant aux règles formelles de la République. L’archaïsme autoritariste politique s’est imposé comme norme de régulation où les élections ne sont qu’un arrangement obscène.

En s’engageant dans le processus électoral, le parti AKAO s’était inscrit dans un espace de lutte pour œuvrer à la transformation de ces conditions en proposant à la nation une vision politique en cinq axes. Cependant, le processus électoral vicié et vidé de toute substance, coulé dans la violence et la fraude, a finalement réduit ce qui aurait dû être une confrontation de projets à un concours de nuisances sonores.

Le scrutin du dimanche 25 octobre 2015 ne changera donc pas la donne politique et économique mais servira essentiellement à normaliser une fois encore le statu quo, c’est-à-dire le maintien de disparités sociales extrêmes. Il renforcera l’instabilité politique, accentuera les dysfonctionnements institutionnels et approfondira la crise que vivent les citoyens. En effet, aucun candidat à la Présidence n’a été capable d’articuler un projet avec des options claires concernant le chômage, l’exode, la santé, l’éducation, l’environnement, la production industrielle, la lutte contre la corruption, le système maffieux et la criminalité organisée, de façon à mobiliser la population autour de ces impératifs et à se doter d’une légitimité populaire conséquente.

Face au spectre du 25 octobre, qui ne sera au mieux qu’une répétition du 9 août et qui n’ouvrira aucun espace démocratique pour mener un tel combat, il nous faut donc une véritable transition, non pas quelque arrangement dicté par les intérêts de l’international dont nous sommes coutumiers, mais un grand réveil de la société autour des questions nationales pressantes et la mise en place d’un pacte politique pour le développement ordonné du pays en faveur de tous et des majorités souffrantes.

Nous devons nous indigner contre l’hypocrisie des faux amis et nous mettre debout contre ce mode de scrutin taillé sur mesure. Le peuple haïtien ne mérite pas les pseudo-élections que l’oligarchie nationale et ses alliés internationaux lui servent depuis des années pour maintenir le pillage et la dépendance du pays.

Nous devons libérer l’appareil politique et l’appareil électoral du contrôle des forces d’argent, des agents du crime international et du banditisme organisé, car c’est ainsi qu’ils garantissent leur reproduction au sein de l’État et les conditions de leur domination.

Nous devons casser les pratiques de monopole, de rente et de contrebande pour nous engager dans le développement industriel, augmenter les richesses et leur distribution, en favorisant l’investissement étatique dans les secteurs stratégiques et en promouvant l’économie solidaire.

Le parti AKAO invite les classes moyennes, les classes populaires, le secteur démocratique à un sursaut national pour que l’avenir ne soit pas le destin sombre qu’on prépare à nos enfants. Il leur demande de ne pas accepter la banalisation de leurs droits à choisir librement les options politiques qui vont dans le sens de leurs intérêts et à résister au projet antinational, antidémocratique, néocolonial qu’on cherche à perpétuer pour mieux contrôler les ressources nationales.

Organisons-nous et luttons pour un État souverain et une société juste

Pou le parti AKAO : Junot FÉLIX, Coordonnateur