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Festival Rasin de Miami : un défi relevé pour la onzième fois

Par Marvel Dandin

Miami, 10 nov. 04 [AlterPresse] --- La onzième édition du Festival Rasin de Miami (Rasin 2004) s’est achevée dans l’allégresse le samedi 6 novembre dernier à Bayfront Park, en dépit des fastes de « Dame pluie » qui s’est délibérément invitée à la fête, excluant du coup la masse traditionnelle de participants à ce grand rendez-vous annuel.

Ceci n’a toutefois pas privé les fans présents du plaisir d’un spectacle dont l’agencement des différentes étapes témoigne d’un niveau d’organisation hors pair. On était en effet très loin des spectacles traditionnels haïtiens caractérisés malheureusement par des « trous énormes » dans la série des performances.

Ce fut une harmonieuse succession d’orchestres, dans un mélange féerique de sons et de lumières. Mélange tout aussi bien réussi de rythmes et de styles musicaux. Car, le label « Rasin » du festival ne se veut point, depuis quelque temps, une démarche arrogante visant à attribuer à la « Musique Rasin » le privilège exclusif de représenter la culture haïtienne. C’est pourquoi le Compas a été dignement représenté par « Zenglen » et « Carimi ». « Jah Nesta », avec le reggae, s’est remarquablement signalé à un public qui venait tout juste de le découvrir et qui a eu du mal à dissimuler son ravissement. La « Musique Rasin » proprement dite a été représentée par les groupes « Rasin Mapou » de Azor, « Koudjay ; de Kessy et consorts ; « Kanpêch », la bande à Frédo et « Boukman Eksperyans » de Théodore Beaubrun Jr. (Lòlò).

Si la prestation des uns et des autres a été globalement excellente, il n’en demeure pas moins qu’il faille tirer la sonnette d’alarme concernant le manque évident de nouveautés de la part des principaux groupes « Rasin ». Certes, le public s’est réjoui de revivre avec intensité la plupart des « hits » réalisés par ces groupes au cours des années antérieures. Mais, il est clair qu’il peut tout aussi bien s’en lasser si, d’une année à l’autre, aucune retouche n’est apportée au menu. La carence en matière de production du côté des ténors de la « Musique Rasin » menace la survie de ce courant musical et culturel qui a connu ses heures de gloire au cours des 12 dernières années avec des groupes musicaux tels que RAM, Boukan Ginen, Boukman Eksperyans, pour ne citer que ceux-là . Ceci nous avait valu l’intérêt de nombreux musiciens émérites étrangers dont ceux du groupe « Simbie », de la Suède.

Il revient sans doute au « Center for Haitian Studies » (CHS), initiateur et promoteur principal du « Festival Rasin », d’attirer l’attention des musiciens « Rasin » sur ce grave problème et de les porter à redoubler d’efforts, en sortant résolument des sentiers battus. Onze ans de labeur assidu de la part du CHS pour la promotion de la « Musique Rasin » constituent un record à signaler chez nous qui n’avons pas l’habitude d’entretenir un projet avec autant d’obstination. C’est ce qui confère sans doute au CHS l’autorité morale d’intervenir et de suggérer en la matière.

Il est également à regretter que, contrairement à des éditions précédentes, le Festival 2004 a fait peu cas d’autres aspects de la culture « Rasin ». La chorégraphie folklorique, l’art pictural, l’artisanat n’étaient pas au rendez-vous 2004. Or, quelle meilleure opportunité pourrait encore se présenter à Miami pour leur promotion auprès d’un public de jeunes haïtiano-américains et d’étrangers qui n’en demanderait certainement pas davantage.

Cette lacune offre l’occasion de soulever le problème de la sponsorisation d’un tel événement et des dividendes qui pourraient en résulter. Pour les organisateurs, certes. Mais, pour Haïti, également. Car, a-t-on suffisamment mesuré l’impact éventuel d’un tel festival (qui réunit traditionnellement entre 15 à 20 mille personnes) sur la promotion des biens culturels haïtiens et sur la transformation de l’image du pays à l’extérieur. Les ministères de la Culture et des Haïtiens Vivant à l’Etranger ont-ils déjà exploré les perspectives offertes par un tel événement culturel annuel ? Les secteurs d’affaires impliqués dans l’exportation et le Ministère du Commerce qui les encadre assurément, prennent-ils suffisamment le temps d’investiguer à ce sujet et à celui de bien d’autres événements se produisant dans la diaspora ?

Voir désormais le Festival Rasin de Miami comme une grande foire annuelle haïtienne, ce n’est pas trop dire. L’ambition d’y parvenir doit être à la mesure de notre volonté d’émerger à nouveau sur la scène culturelle internationale et de reprendre nos droits de créateurs et d’artistes émérites de la Caraïbe. Car, nous le sommes et avons même fait école. [md apr 10/11/2004 14:00]