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« ALTERNATIBA ! », Une expérience intense, chaleureuse et pleine d’espérance !

Migrations et changements climatiques en Haïti

Par Ary Régis*

Soumis à AlterPresse le 14 octobre 2015

Plus de 20,000 personnes de tout âge Place de la République samedi 26 septembre ! Paris au ralenti pendant toute la journée du 27 ! « ALTERNATIBA ! ». Un village d’alternatives écologiques ! C’est comme pour dire bas les pattes ! Le climat est en danger ! « Changeons le système, pas le climat ! » Une mobilisation à nulle autre pareille pour la planète, pour le climat et pour les prochaines générations ! Une expérience intense, chaleureuse et pleine d’espérance !

Expérience intensément riche…

Intense pour l’importance que le mouvement associatif français donne à la COP21, le sommet sur le Climat prévu pour décembre. Alors qu’en Haïti, à peine si quelques organisations de la société civile en parlent. Comme si de rien n’était. Pourtant, l’appel de plus de 2100 citoyens de diverses régions de la république française devrait enlever le sommeil : « Notre maison brûle, arrêtons de regarder ailleurs… », « Aujourd’hui c’est d’un grand mouvement pour la justice climatique dont nous avons besoin, non-violent et déterminé, radical et populaire ». Appel qui retentit dans chaque déclaration de ce grand rassemblement de l’après-midi du samedi. Sur chaque t-shirt ! Chaque pancarte ! Chaque flyer ! Chaque casquette ! Chaque mascotte ! Et dans la chanson officielle de ALTERNATIBA : « sans haine, sans armes et sans violence ». Il est tard. Mais pas trop tard. Si nous ne faisons rien, d’ici 2035, la rapacité des multinationales et la passivité des politiques vont rendre la vie sur terre insupportable. Donc, le temps est à l’action

…Pleine de chaleur humaine

Un appel auquel nous sommes bien identifiés. La solidarité qui a toujours marqué le mouvement social mondial est la réponse appropriée, empreinte de chaleur humaine. C’est dans ce cadre qu’il faut placer la conférence-débat du dimanche 27 septembre, avec Jacques Léo Rémy, Adeline Bouvard (SOS Enfants sans frontières), Ary Régis (SAKS), David Tilus (GAFE) sur « Migrations et changements climatiques : le cas d’Haïti ». Mais ce sont d’abord les indiens représentés par le colombien Tito Diez et une compatriote qui, nous rappelant notre origine indienne – arawak, tainos, caraïbes - nous appellent à retourner à la terre. Le lambi et la cumbia colombienne montrent bien ce trait d’union entre les indiens harassés à mort par les travaux forcés imposés par les colons espagnols et les nègres d’Afrique vendus, transportés comme du bétail, enchaînés sur des plantations françaises et incapables de grand mouvement. Puis c’est Jacques qui nous ouvre les yeux à travers un historique complet des migrations haïtiennes avec leurs facteurs politiques, économiques, mais surtout environnementaux. D’ailleurs ALTERNATIBA avertit : les petits pays insulaires sont beaucoup plus exposés aux conséquences du dérèglement climatique en cours que tous les autres pays.

Donc Haïti l’autre moitié de l’île Quisqueya est en danger. Les indicateurs sont clairs. 2% de couverture végétale. Les avertissements aussi. L’état des bassins versants et ses rapports avec l’exorde rural, est exposé par Adline Bouvard. Les résultats des recherches de sa thèse de doctorat le montrent. Oui, Haïti est plus que concernée. Car, petit pays insulaire des Caraïbes, systématiquement déboisée, elle se trouve aux confluents des tempêtes et des cyclones et assise sur deux grandes failles sismiques.

Les vèvès du vodou, le lien viscéral à la terre et les connaissances des plantes médicinales, éléments révélateurs des origines indiennes d’Haïti, devraient inviter tous les haïtiens à prendre l’appel d’ALTERNATIBA au sérieux. Pourtant, dans les médias haïtiens, les changements climatiques ni vus ni connus ! Alors que pour l’opinion ce n’est que du charabia, un présent très éloigné des préoccupations quotidiennes : la dégringolade de la monnaie nationale, le babel assourdissant des discours des 54 prétendants à la plus haute magistrature du pays, un processus électoral de plus en plus décrié … Quoique la dévastation des récoltes causée par les nouvelles maladies et le calvaire des nombreuses victimes des inondations qui succèdent aux périodes de sécheresses de plus en plus prolongées sont relayés durant toute l’année par les grands médias de Port-au-Prince. Quoique c’est seulement au moment des catastrophes naturelles qu’ils parlent des provinces où vivent plus de 60% de la population, principalement paysanne. Ils donnent l’impression que tout ça nous est tombé du ciel !

Qui, par delà la catastrophe, fait naître l’espoir !

Il y a quand même de quoi espérer. Le mouvement social haïtien en parle. D’un côté nous trouvons SAKS (Société Animation et Communication Sociale en créole) qui diffusent des émissions radiophoniques sur les changements climatiques à travers les 44 radios de son réseau national de radios communautaires. De l’autre côté, c’est la lutte pour la souveraineté alimentaire lancée par PAPDA, ou encore le travail courageux de GARR auprès des migrants haïtiens et des déportés dominico-haïtiens, devenus apatrides par la Loi 168-13, ou encore les infos sur les sécheresses diffusées par AlterPresse. Sinon le public haïtien ne saurait rien du climat, ni des changements climatiques ? On pense que ça ne concerne que les habitants des pôles confrontés à la fonte des glaciers… Comme si la montée des eaux n’y était pas liée. Et la COP21 ? Pas un mot, pas même du gouvernement, partie prenante des négociations de la COP21… Et la responsabilité des citoyens et des États dans tout ça ? Le fatalisme et l’insouciance des uns et des autres l’auraient déjà remplacé s’il n’y avait pas des initiatives du mouvement associatif haïtien.

Et c’est ce que David Tilus du GAFE (Groupe d’Action Francophone pour l’Environnement) était venu partager avec l’assistance, composée d’haïtiennes et d’haïtiens vivant en France mais aussi de français ayant travaillé en Haïti ou en collaboration avec des associations franco-haïtiennes. L’implication des femmes, la création d’un réseau de sentinelles de l’environnement, autant d’initiatives du GAFE et… le premier ALTERNATIBA hors d’Europe ! Une initiative appuyée par France-Volontaire Haïti, comme un trait d’union entre les initiatives haïtiennes et les associations franco-haïtiennes en France et surtout notre hôte à Paris en cette fin de septembre ensoleillé !

Paris, septembre 2015

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* Professeur à la Faculté des Sciences Humaines
Directeur général de la Société d’Animation en Communication Sociale (SAKS)