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Haïti-Élections : Un « rôle constructif » attendu de la part de l’UE et de la communauté internationale

Recommandations de la COEH à l’Union Européenne

Lettre de la Coordination Europe-Haiti (COEH) [1] à l’Union Européenne

Document repris par AlterPresse

La COEH reconnait l’engagement de l’Union Européenne pour les élections haïtiennes. Elle partage le principe que les élections doivent être tenues d’une manière légale, libre, transparente et pacifique. Dans ce cadre, la COEH constate que le premier tour des élections tenues le 9 août a été marqué par de graves irrégularités, plusieurs incidents violents et un très faible taux de participation (18% selon les chiffres officiels). En général, les constats publiés par la mission européenne sur l’observation électorale1 et articulé par le chef adjoint de cette mission, font dans un certain sens mention de ces faits. Cependant, selon la COEH la conclusion de la mission européenne que le premier tour était ‘un pas essentiel vers une démocratie plus solide’ est trop positive. Ce bilan positif du processus électoral est en contradiction avec les diverses missions d’observation locales (entre autres RNDDH-CNOCONHANE, SOFA ; CRAN ; JILAP ; voir les annexes). Aussi faut-il remarquer que la présence des femmes candidates ne répondait pas aux normes de la loi haïtienne.

Le scrutin du 9 août constitue un mauvais signal pour les prochaines échéances électorales. En vue du deuxième et troisième tour des élections, prévus pour le 25 octobre et le 27 décembre, la question se pose si la communauté internationale pourra jouer un rôle constructif pour éviter les mêmes irrégularités, et pour encourager une tenue de vote mieux organisée. Si le deuxième et le troisième tour se déroulent de la même manière que le premier tour, on pourra sérieusement contester la légitimité des résultats des élections. Dans ce cas, les élections risquent de prolonger et aggraver encore la crise politique et institutionnelle du pays, plutôt que de renforcer la démocratie. Certains groupes de la société civile haïtienne sont bien conscients de cette situation et ont pris l’initiative d’aller dialoguer avec le CEP.

Sur base de ses propres analyses et des rapports publiés par ses partenaires haïtiens, la COEH tient à soumettre à l’UE les propositions et recommandations ci-après.

Recommandations

1. Rencontrer et écouter les missions d’observations électorales haïtiennes, et appuyer leurs demandes, notamment :
• une évaluation indépendante des élections du 9 août
• des sanctions adéquates envers les personnes et partis responsables d’irrégularités.
• une mise à jour complète des listes électorales et une publication de celles-ci plusieurs jours avant le scrutin
• la mise en place d’un véritable plan de sécurité autour des bureaux de vote
• la clarification des mandats octroyés aux observateurs électoraux
• un appui pour le travail d’observation électorale des organisations de la société civile haïtienne lors des prochains scrutins du 25 octobre et 27 décembre.

2. Éducation civique : il faudrait des initiatives (urgentes) pour mieux expliquer aux électeurs les modalités des prochaines élections, notamment pour le deuxième tour. Ce tour est une combinaison de différentes élections, donc plus complexe pour les citoyens que le premier tour. Via le PNUD en Haïti, l’UE pourrait donner tout appui nécessaire pour faciliter des actions complémentaires visant une meilleure compréhension par les électeurs du processus électoral. Une campagne très ciblée pourrait contribuer à un taux de participation plus élevé que le maigre 18% du 9 août.

3. Assistance technique : les irrégularités du premier tour sont partiellement expliquées par un manque de compétences et de connaissances des responsables dans les bureaux de vote. Le souci de la COEH est que le deuxième tour sera marqué par les mêmes problèmes, sans un effort additionnel pour renforcer considérablement les compétences des responsables. Nous appelons l’Union Européenne à faire tout son possible pour promouvoir une tenue des élections selon les règles de l’art. Des formations ciblées et organisées dans le plus bref délai sont nécessaires pour assurer que tous les responsables à tous les niveaux (des bureaux de vote jusqu’au CEP) soient à la hauteur de leur tâches et responsabilités.

4. Élections locales : l’UE doit donner tout appui nécessaire pour garantir la tenue des élections locales. La COEH déplore le fait que l’UE n’ai pas publiquement critiqué le remplacement des maires élus par des maires nommées en 2012, et a même continué l’appui financier aux autorités locales dans ce contexte. Le tour du 27 décembre est une opportunité unique pour revenir à une situation constitutionnelle. Du fait que les élections locales ne bénéficient pas de l’attention ni de l’importance qu’on attache aux élections nationales, un effort explicite et additionnel est nécessaire pour assurer que les élections locales reçoivent le poids qu’ils méritent et puissent constituer un vrai pas de participation civique et construction de démocratie.

Au nom de la Coordination Europe-Haïti,

Bruxelles, 30 septembre 2015

Evert-Jan Brouwer, coordonnateur


[1Réseau de 60 ONGs européennes impliquées en Haiti