Par Christian Leduc
D’après une interview de Gotson Pierre avec le journaliste Laurent Duvillier
P-au-P., 9 nov. 04 [AlterPresse] --- La coexistence d’Haïti et de la République Dominicaine qui se partagent l’île Quisqueya impose aux deux pays la recherche commune de solutions à leurs problèmes. Pourtant, les incompréhensions et les malentendus semblent manifestement s’accroître.
Cette situation n’est pas sans rapport avec la couverture de la question haitiano-dominicaine ou de l’actualité concernant l’un ou l’autre pays dans les médias des deux cotés de la frontière, selon des considérations de Laurent Duvillier, correspondant en République Dominicaine pour le quotidien belge Le Soir.
« Les deux pays bien qu’ils soient très rapprochés ont beaucoup de préjugés les uns sur les autres », remarque Duvillier, dans une interview avec AlterPresse. Il insiste beaucoup sur la réalité en territoire dominicain où il exerce depuis environ un an. « Ces préjugés sont véhiculés en grande partie par les médias dominicains, renforçant ces idées préconçues que les Dominicains ont sur les Haïtiens », explique-t-il.
Selon Duvillier, cette incompréhension réside en partie dans l’utilisation d’une information provenant de l’extérieur. « La plupart de l’information véhiculée sur Haïti provient des agences de presse internationale. C’est une information très partielle et un regard très ciblé », estime-t-il. « Ce n’est donc pas une information de première main, qui a été collectée par des journalistes dominicains », poursuit-il.
Pour lui, la raison est simple : « la plupart des journalistes dominicains n’ont pas beaucoup de contacts avec Haïti ou ont même peur d’y aller pour leur propre sécurité ». « Ils ne voient pas très bien comment ils pourraient collaborer avec la société civile haïtienne pour projeter une autre image d’Haïti », ajoute-t-il.
En ce qui concerne un passé récent, Duvillier évalue que le manque de couverture qualitative d’Haïti peut aussi être attribuable à l’appauvrissement du paysage médiatique, en particulier avec la faillite de beaucoup d’hebdomadaires dominicains au cours de la dernière année. « Les espaces d’expression et de traitement d’investigation de thèmes haïtiens ont décrus », remarque le journaliste.
Selon le confrère, une piste de solution consiste à combiner les anciennes et nouvelles technologies de l’information et de la communication. « Il faut maximiser l’usage de toutes les techniques traditionnelles, mais également des nouveaux médias qui s’offrent à nous, les médias électroniques », indique-t-il, ajoutant qu’il faut cependant prendre en considération la difficulté d’accéder aux NTIC en Haïti comme en République Dominicaine.
Ainsi, il considère que la radio reste le média par excellence pour rejoindre une majorité de Dominicains. « La radio est l’un des médias les plus impactant en terme d’audience », souligne-t-il. « En combinant ces médias, c’est la meilleure stratégie pour faire passer un message d’harmonisation binationale, de façon plus constructive », propose le correspondant.
Au-delà des sociétés haïtiennes et dominicaines, un travail d’information équilibré est important pour exposer au monde les réalités des deux pays. Duvillier estime, par exemple, que son travail est fondamental pour informer les touristes européens qui ignorent tout des thématiques sociales, écologiques ou politiques des deux pays.
« La majorité des touristes européens en République Dominicaine ne savent pas que la personne qui nettoie leur chambre est un Haïtien », déplore-t-il en précisant qu’ils ne sont pas au courant non plus de ses conditions de travail. « Se détendre c’est très bien, mais ne pas bronzer idiot c’est encore mieux », ironise-t-il, prônant du même coup un tourisme plus responsable.
En République Dominicaine comme en Haïti, le courage, la sagesse et la chaleur de la population, devraient, selon le journaliste belge, être mis en relief par les médias. « C’est une richesse qui se doit d’être valorisée », conclut- il. [cl gp apr 09/11/04 09:10]