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Rencontre avec un jeune poète haïtien, étudiant au Canada

Haiti-Canada : Romy Emmanuel Saint-Hilaire, théologien, passionné de littérature

Auteur de « La gazelle américaine »

Par Wooldy Edson Louidor

Toronto (Canada), 13 août 2015 [AlterPresse] --- Sans nul doute, les lecteurs et lectrices d’AlterPresse se souviendront de notre dépêche datée du 17 septembre 2007 et intitulée « Littérature : Un poète haïtien primé en Hollande ».

Près de huit ans après, AlterPresse rencontre ce poète haïtien primé pour son joyau de poème intitulé « Printemps de ma carrière » au concours de poésie, organisé en 2007 par la « World in Universal Academy ».

Ce poète est bel et bien Romilly Emmanuel Saint-Hilaire. Pseudonyme d’écrivain : « Romy ». Cet étudiant de Théologie à Toronto (au Canada) persiste et signe dans sa carrière littéraire. Il vient de publier un roman « La gazelle américaine ». L’hiver canadien n’a pas congelé le printemps de sa carrière littéraire.

Au cours de l’entretien avec AlterPresse, il nous a confié que sa passion, c’est la littérature. Que l’écriture est sa perpétuelle compagne. Que sa vie est un compromis agréable entre études et écriture.

Une journée « normale » de Romy peut être décrite de cette manière : du matin au soir, il feuillette les grands traités de théologie à la bibliothèque du Regis College à Toronto (où il étudie) ; cependant, une fois revenu dans sa chambre, il ficelle les personnages de son roman et tisse les vers de ses poèmes, à l’instar d’un alchimiste qui transforme en or les intrants de son quotidien.

Né à Treille, à Gros-Morne [nord d’Haïti], Romy est philosophe, théologien et homme de lettres. Il a sillonné le continent américain, du nord au sud, là où sa formation en tant que jésuite (l’Ordre de la Compagnie de Jésus) l’a conduit.

L’homme est complexe et son univers de formation : tout un arc-en-ciel peint de théories philosophico-théologiques et d’œuvres littéraires multicolores. Son champ d’action professionnel oscille entre l’enseignement de la philosophie à l’université, l’écriture poétique et romanesque et l’engagement social auprès des écoliers pauvres d’Haïti.

Il scrute à la fois les grands problèmes de l’humanité (l’existence de Dieu, la foi, l’œcuménisme religieux, la quêté de la vérité, etc.) et les casse-tête quotidiens et concrets de sa chère Haïti (notamment l’éducation primaire et la pauvreté).

Romy rend productive sa formation multifacette, en mettant à profit ses connaissances en philosophie et en théologie pour féconder ses écrits littéraires. D’autre part, au fil de sa sensibilité artistique il tresse « une réalité solide sur la vie », tel que l’auteur l’a exprimé dans la note transmise à AlterPresse suite à l’annonce de la « World in Universal Academy ».

Il résulte de cette belle mixture des chefs d’œuvre, comme son poème « Printemps de ma carrière » et son recueil de poésie « Une Île à la césure du temps » (Port-au-Prince, 2010), publié par le Centre jésuite de recherche, de réflexion, de formation et d’action sociale (Cerfas).

Romy a accepté de nous livrer cet entretien où il retrace son itinéraire, parle de sa vie d’étudiant et d’écrivain au Canada, de sa carrière littéraire et de son roman intitulé « La gazelle américaine » et récemment paru chez Les éditions Ruptures.

Ce roman cosmopolite, à l’instar de son auteur, tisse deux histoires d’amour en parallèle, ponctuées par des conflits religieux et culturels, et dont le scénario se déroule entre les États-Unis d’Amérique et le Maroc.

L’auteur annonce qu’il sera en vente signature en Haïti au cours de ce mois d’août, tout en étayant les raisons et motifs pour lesquels tout Haïtien et Haïtienne devrait lire « La gazelle américaine ». Une occasion à ne pas rater !

AlterPresse : Qui est Romy Emmanuel Saint-Hilaire ?

Merci de m’avoir choisi pour cet entretien. J’ai toujours eu du mal à dire qui je suis, mais je vais essayer. J’ai l’impression que ma vie éclot comme une fleur que la nature offre en hommage à notre chère Haïti, une fleur qui grandit au milieu d’une presqu’Ile épineuse malgré sa beauté.

Alors, comme auteur, je suis plus connu sous le nom de Romy Emmanuel Saint-Hilaire. Jésuite, étudiant à Regis College, Université de Toronto, né à Treille (Gros-Morne) en 1983. Mes études portent sur la philosophie politique et la théologie, mais j’ai toujours eu un très net penchant pour la littérature. Ma formation m’a donné la chance de séjourner en Amérique du Sud et du Nord et en Europe. En 2010, après le tremblement de terre, j’ai passé deux ans en Haïti où j’ai travaillé comme responsable de communication dans une ONG Jésuite « Foi et Joie » et enseigné la philosophie au séminaire des prêtres anglicans : l’Université Episcopale d’Haïti.

APr : Pouvons-nous vous présenter comme poète philosophe, romancier ou écrivain ?

Je n’aime pas trop les titres. Mais si on me présente comme cela, je n’aurai aucun problème. Je préfère ne pas préciser, car entre plusieurs choix se trouve la vérité.

APr : Pour vous, qu’est-ce qu’un écrivain ?

Je ne le sais pas vraiment, quant à la définition. Est-ce qu’on peut se permettre d’affirmer qu’on est écrivain par le seul fait qu’on écrit et publie des livres ? Non, à mon avis, on peut écrire sans jamais être un véritable auteur. Ecrire, ça va beaucoup plus loin. Pour moi, c’est un créateur, une manière d’être ou d’exister, une façon de répondre à un besoin profond de s’exprimer. Alors, ce serait plus facile d’indiquer le but que je poursuis en écrivant : j’essaie toujours de traduire le rêve en une réalité, de communiquer pour éduquer et de partager mes pensées, ma vision du monde avec mes lecteurs.

APr : Vous venez de publier un roman intitulé « La Gazelle Américaine » chez les éditions « Ruptures ». Pourquoi avez-vous écrit ce roman ?

La réponse est simple. J’avais envie d’évoquer un sujet très actuel, car malheureusement les choses n’évoluent pas vite. Les relations entre les peuples continuent à se détériorer et un changement d’attitude est de plus en plus nécessaire. Ce roman peut porter les lecteurs à réfléchir sur des sujets cruciaux de la vie tels que le dialogue interculturel et religieux, et la quête de sens à leur existence. De nos jours, le problème de la coexistence entre les gens d’origines différentes devient de plus en plus compliqué à résoudre.

C’est un roman qui relate deux magnifiques histoires d’amour. En perte de repères, rongée par la jalousie, l’héroïne décide de laisser son petit ami à Los Angeles et fuir au Maroc pour trouver l’amour, mais la romance est de courte durée. Cet amour-là sera-t-il plus fort que le premier qu’elle a vécu dans son pays ? Pourquoi choisit-elle de partir ? De quoi demain sera-t-il fait ? D’amour, de passion ou de haine ?

Le roman expose une réalité de notre époque : une femme en quête d’elle-même malgré les tabous et les traditions.

APr : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à choisir ce thème (conflits religieux et culturels) et ces lieux Etats-Unis et Maroc ?

En plus de ces conflits, c’est la question du destin qui est aussi posée. Cependant, un fait est certain. Dans nos sociétés et même à l’Université, on évite de parler de la politique, de la religion, etc. C’est un principe et je le respecte. Toutefois, je pense qu’en évitant de parler de ces réalités sociétales, on fait beaucoup plus de mal que de bien. C’est simplement mon point de vue. D’autres peuvent toujours avoir des opinions divergentes ou différentes. Ce qui, ma foi, est normal.

Après avoir rencontré des amis de différentes cultures à une réunion où l’on discutait de ces sujets, arrivé à la maison, je me suis mis au travail en vue d’exprimer dans un style romanesque ces témoignages intéressants qui peuvent nous aider à nous interroger sur les questions suivantes :

La vie nous amène-t-elle toujours là où l’on croit ? Comment deux personnes de religions extrêmement différentes peuvent-elles projeter de fonder une famille sans se poser quelques questions fondamentales par rapport à l’avenir ? A-t-on besoin de la religion pour affronter notre destinée et réaliser nos rêves ? Pourquoi a-t-on peur d’abandonner ce qui nous fait souffrir pour pouvoir atteindre notre bonheur ? N’y a-t-il pas un moment où l’on doit faire preuve de courage pour prendre une décision, mettant fin à une étape pour en commencer une autre plus belle ?

Cependant, je n’ai pas reporté les histoires à l’identique, j’ai créé des personnages en leur donnant vie tout en gardant mon style. J’ai choisi ces pays parce que l’étudiante qui m’a confié son histoire vivait aux Etats-Unis.

APr : Cela a-t-il un rapport avec ta condition de migrant (étudiant au Canada) ?

Je ne crois pas trop. Autant que je sache, le récit est lié à mon existence puisque je ne vis pas en dehors de la société dans laquelle j’évolue. Ma vie n’aurait aucun sens si je n’épousais pas les histoires des autres pour pouvoir les comprendre, les conseiller quand il le faut et vivre en harmonie avec eux.

Le pays où se trouve l’écrivain ne conditionne pas toujours ces écrits. Toutefois, l’expérience de Sophie, le personnage principal, m’a porté à m’interroger sur la vie des émigrés : leur faculté d’adaptation, leur esprit d’ouverture et de tolérance dans leur pays d’accueil.

APr : Quelle place ce roman occupe-il dans votre carrière d’écrivain ?

Ma carrière est un peu jeune, « la Gazelle américaine » est mon premier roman, mais j’ai déjà publié d’autres livres. Par exemple, je citerais le recueil de poèmes « Une Ile à la Césure du temps » en 2011. À travers les textes, je chante la femme :
« Femme, me feras-tu dans ton cœur un nid pour y blottir ma nuit »

[…] « Belle rose que le soleil des Iles a prématurément fanée ».

Et je pleure ma chère Haïti ravagée par le séisme du 12 janvier 2010 :

« Port-au-Prince, ville adolescente où tout est devenue folie »

Je rends aussi grâce à Dieu :

“ô Dieu ! La force de ton amour inondera les cœurs de foi et d’espérance, un jour surgira la lumière pour tous ceux qui demandent : Où est ton Dieu ?

APr : Quels sont vos projets pour l’avenir ?

J’ai plusieurs livres déjà écrits dans mon tiroir, entre autres, le second tome de mon premier roman. Je ne révèlerai pas le titre pour l’instant. J’ai également un ouvrage sur la situation sociopolitique d’Haïti intitulé « Plaidoyer pour l’espérance en Haïti » qui est en cours de publication aux Etats-Unis. Dans ce livre, je parle de l’importance de l’éducation et de la formation des citoyens pour la société que nous rêvons.

APr : Pourquoi les Haïtiens devraient-ils lire ce roman ?

Un roman est écrit pour toutes celles et tous ceux qui auront envie de le lire. « La Gazelle Américaine » est un roman très agréable à enporter en vacances. Il tente de répondre à des questions universelles. Il traite de l’amour et du bonheur. Nous, les Haïtiens, nous aimons l’amour. C’est l’amour qui nous tient. Je pense que nous vivons des expériences similaires en Haïti à celle de Sophie, Abigaël, Paul et Brian. Comme tout être humain, on se pose des questions sur notre destin : la vie nous amène-t-elle toujours là où l’on croit ? De quoi demain sera-t-il fait ? D’amour, de passion ou de haine ?

Je suis convaincu que tout le monde, y inclus les Haïtiens, ont intérêt à le lire.

APr : Que peuvent attendre les lecteurs en lisant ce roman ?

L’histoire de Sophie traduit un état de fait et cette habitude d’aller chercher ailleurs ce que nous avons sous les yeux. Le choc des émotions qui surgit de ce texte peut conduire le lecteur tantôt à pleurer de joie ou de tristesse, tantôt à s’amuser et à s’interroger sur leur vie.

Le texte est imprégné de gaieté comme les dialogues. Je m’oriente plutôt vers la psychologie des personnages et l’intrigue met en scène des rebondissements pour mieux captiver les lecteurs. Dans certaines scènes, Sophie, l’héroïne laisse libre cours à ses émotions. Elle provoque, elle s’amuse avec une pointe d’humour, elle confesse, elle renie et ose imposer ses lois dans la relation. Tous les personnages s’adressent à nous dans un langage direct et malgré tout romantique.

Ce n’est pas une histoire fictive qui est racontée, mais une réalité où les personnages cherchent à donner un sens à leur vie.

APr : Ta vie d’écrivain au Canada, comment la vis-tu, entre études et écriture ?

J’aimerais un jour me consacrer totalement à l’écriture. Quand je prends ma plume pour faire défiler les mots sur une page blanche ou quand je mets mes doigts sur le clavier de mon ordinateur, je me sens excité par le plaisir de la création. Il m’arrive d’écrire même à moitié endormie, ce qui m’oblige à me réveiller tout à fait pour écrire. L’écriture est ma passion. Cependant, comme je dois terminer mon cursus, je le fais pendant mes heures perdues comme à n’importe quel moment.

APr : Où peut-on acheter votre livre ?

On peut le commander sur Amazon ou chez l’éditeur (Ruptures). Pour les lecteurs haïtiens, il sera aussi mis en vente très bientôt à la librairie La Pléiade. Pendant le mois d’août, je ferai une vente signature en Haïti. Je vous tiendrai informé de mes activités. Restons en contact sur ma page Facebook ou Twitter :

https://www.facebook.com/romilly.emmanuel?ref=hl

ou par courriel : romesy2@yahoo.fr

Je vous remercie, cher Edson Louidor, de m’avoir accordé toute votre attention. Cet entretien fut pour moi un grand plaisir.

APr : Merci à vous, Romy

[wel gp apr 13/08/2015 20:00]