Par Claude Joseph*
Soumis à AlterPresse le 10 août 2015
La pauvreté ne peut pas être une échappatoire pour justifier la médiocrité, l’amateurisme et la méchanceté. Haïti est un pays pauvre, sans doute, mais cela n’autorise personne de traiter les Haïtiens comme des quémandeurs affamés qu’on peut satisfaire par des miettes qu’on n’oserait offrir aux autres peuples qui ne sont pas aussi infortunés.
9 aout 2015 fut une journée de la honte orchestrée par un CEP incompétent s’entêtant arrogamment dans sa médiocrité. C’est également l’œuvre d’un PNUD qui, dans sa vision administrative ethnocentrique, décide d’offrir à une « entité chaotique ingouvernable » une mascarade électorale pour étancher sa soif de démocratie. On a assisté, les yeux consternés, le cœur pétrifié et l’âme endolorie, comment les Haïtiens jetaient leur bulletin derrière des isoloirs construits de briques et de morceaux de cartons mal taillés – des isoloirs qui exposent au monde entier notre ignominieuse isolation de la modernité après plus de 200 ans d’indépendance. Haïti mérite mieux que ça ! Mais le CEP n’était pas à la hauteur de sa tache.
La débâcle électorale du 9 aout saute aux yeux de tout un chacun. Personne ne peut feindre de l’ignorer. C’était tellement clair que les 9 conseillers électoraux, s’exprimant par la voix de M. Opont, ne pouvaient pas, malgré eux, nier l’incapacité organisationnelle du CEP. À qui faut-il imputer la responsabilité de cette tragédie électorale ? Telle est la question qui s’est vite tournée en un véritable récit des « animaux malades de la peste » de Jean de la Fontaine. Le peuple a droit à une explication comme l’exige la démocratie. À l’instar du lion, qui demande aux autres animaux de confesser, sans indulgence et sans flatterie, l’état de leur conscience afin que le plus coupable « se sacrifie aux traits du céleste courroux », le conseiller Néhémie Joseph donne le ton.
Le PNUD est, selon M. Néhémie Joseph, l’un des plus gros problèmes auquel est confronté l’institution électorale. Pourtant, en se donnant, pour répéter Lionel Edouard [1], un satisfecit anecdotique, le président du CEP, M. Pierre Louis Opont, n’a même pas effleuré la responsabilité du Pnud dans cette hécatombe électorale. Le lion qui a dévoré force moutons et quelques fois arrive même à manger le Berger est, pour le renard, trop bon roi. Après tout, le berger est digne de tous maux, donc pas la peine de s’éterniser sur son sort. Le Pnud doit toujours avoir raison, même si la non-livraison des mandats aux partis politique est due à sa lenteur administrative, très certainement malveillante, dans le déblocage des fonds. On ne mord pas la main qui nourrit. Quant à l’incompétence du CEP, particulièrement des 9 conseillers qui devaient s’expliquer sur la distribution disproportionnée des mandats à l’avantage du PHTK, parti du président, on en parla en passant et ça passe comme une lettre à la poste. On n’osa, comme dans les animaux malades de la peste, trop approfondir les moins pardonnables offenses du tigre, de l’Ours et des autres puissances, car « tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins, au dire de chacun, étaient des petits saints ».
Alors, qui est responsable de ce mal qui répand la terreur, cette peste électorale ? Pour avoir, dit il, démissionné et quitté son poste avec son sac contenant le laptop du CEP devant plusieurs employés, puis a remis le matériel à l’administration par l’intermédiaire de son chauffeur de moto, Joseph Hebert Lucien a, probablement au regard des principes internes de l’institution électorale, commis une infraction. Cependant, cette brèche aussitôt identifiée, on cria haro sur le baudet. Quel crime abominable commis par un âne qui reconnait, « puisqu’il faut parler net », avoir mangé l’herbe d’autrui ! Ce maudit animal, ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal, doit payer pour cette transgression et « rien que la mort n’était capable d’expier son forfait ».
Joseph Hebert Lucien, le bouc émissaire de la débâcle électorale du 9 aout, semble être entrain de vivre l’expérience de l’âne dans les animaux malades de la peste. Il s’est dit prêt à répondre aux questions de la justice, mais on sait que « selon que vous serez puissants ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
* Adjunct Professor
Fordham University
Contact : Cjoseph20@fordham.edu
[1] « Pierre Louis Opont se décharge », http://lenational.ht/?p=5283