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Haïti-Élections/Paysannerie : Les candidats « se moquent de nous »

P-au-P, 5 août 2015 [AlterPresse] --- Belle fontaine, un village dans la municipalité de Croix des Bouquets (département de l’Ouest d’Haïti), est aux abois.

Victime de la terrible sécheresse, qui, depuis 2014, est le plus grand cauchemar des paysans, ce village voit défiler des candidats à la députation, tissant des promesses et ignorant les vrais problèmes, selon des informations communiquées à AlterPresse.

La sécheresse a plongé le village dans le désespoir.

La récolte de mars 2015 est un gâchis. Les paysans ne peuvent pas espérer planter en ce mois d’août 2015, faute de semences.

Pour trouver de l’eau, il faut marcher plusieurs kilomètres. Sinon, il faut acquérir l’eau auprès de ceux qui ont une citerne ou l’ont ramenée de très loin à dos de mulet.

« L’accès à l’eau est un véritable casse-tête chinois. Les animaux commencent à périr, car on ne peut ni les nourrir, ni leur donner à boire. Les gens ne peuvent pas satisfaire un certain nombre de besoins », explique Louis Edmond Jean-Paul de la Federasyon gwoupman peyizan Bèl Fontèn (Fgpb).

Pour couronner le tout, les produits alimentaires deviennent presque des produits de luxe, inaccessibles pour beaucoup.

Cinq livres de pois coûtent 750.00 gourdes et cinq livres de maïs 110.00 gourdes (US $ 1.00 = 58.00 gourdes ; 1 euro = 65.00 gourdes aujourd’hui).

« Je ne comprends pas comment les autorités publiques peuvent garder le silence sur cette situation. Est-ce qu’elles attendent qu’on commence à compter des cadavres ? », se demande Louis Edmond Jean-Paul.

Depuis près d’un mois, tous les yeux sont braqués sur la campagne législative. Belle Fontaine n’y échappe pas, voyant défiler son lot de prétendants.

« Les candidats passent à coté, en nous offrant des promesses. Certains promettent des routes asphaltées, alors qu’on n’a même pas de chemins accessibles aux animaux », constate le responsable de la Fgpb.

« Je comprends qu’ils nous promettent des routes et des écoles, mais est-ce ce dont nous avons besoin, là tout de suite ? », s’interroge-t-il, ajoutant : « Nous savons bien qu’ils se moquent de nous ».

Pour quitter Belle fontaine, il faut compter entre 2 et 5 heures de temps à pied avant de trouver un véhicule de transport en commun.

Pour se soigner, un habitant de ce village doit faire un périple de huit heures de temps.

Plusieurs organisations paysannes, dont la Federasyon gwoupman peyizan Bèl Fontèn ont dressé un cahier de revendications.

Elles souhaitent que l’État arrête les importations qui concurrencent les produits locaux et détruisent la production nationale.

Elles voudraient aussi que le pays cesse de s’endetter auprès des institutions internationales, telles la Banque mondiale (Bm) et le Fonds monétaire international (Fmi).

L’État doit créer plus d’emplois et adopter des mesures pour réduire l’inflation rapidement, selon le cahier de revendications.

Ces organisations paysannes veulent un appui à l’Institut national de la reforme agraire (Inara) et des dispositions institutionnelles, pour que la terre cesse d’être considérée comme une marchandise au profit de certains groupes.

L’une des tâches des parlementaires est de faire en sorte que le mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) ne soit pas renouvelé, revendiquent-elles, tout en réclamant que la 50e législature garantisse la souveraineté nationale et le droit à l’identification.

« Un candidat, qui ne peut pas répondre à ces revendications, n’aura pas notre vote », prévient Louis Edmond Jean-Paul de la Fgpb, qui dit s’étonner de la non prise en compte, dans le budget de la république, des problèmes d’infrastructures de base dans un village, comme Belle Fontaine.

Le devoir des habitants de Belle Fontaine est de « sanctionner… les gens qui ont pillé le village et utilisé ses fonds à leurs propres profits », précise Jean-Paul, appelant les habitants de Belle Fontaine à aller voter les 9 août et 25 octobre 2015.

119 députés et 20 sénateurs doivent être élus le dimanche 9 août 2015, premier tour des législatives. La présidentielle est fixée au 25 octobre 2015. [kft gp apr 05/08/2015 11:00]