Témoignage de Maite Alvarez [1]
Soumis à AlterPresse le 27 octobre 2004
Soudain le public est alerté par des cris provenant du centre-ville. Un groupe d’hommes excités et dangereux se préparent à piller un véhicule double cabine transportant de l’aide. Ils se lancent en direction du véhicule en mouvement et tentent de s’emparer des boîtes contenant l’aide. Plusieurs individus encouragent la foule et semblent diriger l’opération. Ce qui laisse penser que des gangs soient à l’origine des vols et de la violence.
Presque quatre semaines après que des inondations et des glissements de terrain aient tué près de deux mille personnes (NDLR : 2720 morts et disparus, selon un dernier bilan), la situation demeure critique aux Gonaives. De toute évidence, les résidents sont en détresse et en colère. La violence entrave la fourniture et la distribution de l’aide. Des dizaines de milliers de personnes demeurent sans abri.
Cependant, les maisons n’ont pas été les seules à être affectées. La rentrée des classes avait eu lieu depuis deux semaines seulement quand la tempête avait frappé la ville. Aujourd’hui, les enfants traînent dans les rues, anxieux et perplexes, à cause de l’atmosphère de chaos. Quelques enfants plus âgés participent au pillage tandis que d’autres, effrayés, regardent faire.
En compagnie de Yolette Etienne, Responsable de programme local d’Oxfam, j’ai visité le Collège Saint-Paul, où nous avons rencontré Billy Pierre, âgé de sept ans. Billy s’accroche très fortement à sa mère, tandis qu’il visite son école pour la première fois après les inondations. Il montre du doigt ce qui, auparavant, était sa salle de classe, mais qui n’est maintenant qu’une pile de décombres.
« J’ai perdu tous mes livres et mes uniformes durant l’inondation. J’ai été chanceux de ne m’être pas noyé. Mon voisin m’a sauvé en me mettant sur ses épaules » dit-il. « Il ne me reste rien, si non que les vêtements que je porte ».
« Mes trois frères et moi devons dormir sur une table » a dit Billy. « Nous n’avons rien à faire et nulle part où aller ».
Soeur Geneviève, une religieuse française appartenant à la congrégation de St François d’Assise, travaille à Raboteau, l’un des quartiers les plus dangereux de Gonaives. « Nous ne pouvons pas ouvrir les écoles vu que les salles de classe sont remplies de boue et que tout le matériel a été emporté. Les gens de cette communauté sont désespérément dans le besoin. Ils nous demandent quand est-ce que nous livrerons encore de la nourriture (blé et eau). Nous sommes obligés de leur répondre que nous ne savons pas », explique Soeur Geneviève, tandis qu’elle caresse d’un air absent son médaillon à l’image de la Vierge Marie.
Des gangs armés opèrent dans plusieurs quartiers de la ville, terrorisant la population. Les pillages de camions transportant l’aide sont également très répandus, sans oublier celui d’une remorque d’Oxfam qui contenait 1.500 bouteilles d’eau de cinq gallons chacune.
Actuellement, on estime que seulement 10% de la population reçoit de l’eau et de la nourriture. Il est clair qu’il est essentiel d’établir une meilleure coordination et un meilleur dispositif de sécurité dans les points de distribution.
« Il y avait de la misère en Haiti avant les inondations, maintenant, il y en aura encore plusÂ… l’avenir de cette petite île est sombre », considère Sœur Geneviève. « Il n’y a pas d’emplois, les moyens d’existence des gens ont été détruits et les plus pauvres parmi les plus pauvres continuent de souffrirÂ… Nous prions pour que Dieu améliore la situation ici," dit-elle.
« Eduquer nos enfants est le seul espoir que nous ayons, et cependant, c’est la dernière chose qui soit prise en compte dans la gestion de ce genre de crise », s’inquiète Sœur Geneviève.
[1] Officier de communication d’Oxfam Grande Bretagne en Haiti