Par Stephen Ralph Henri
P-au-P, 27 juil. 2015 [AlterPresse] --- La tendance des dirigeants des États-Unis d’Amérique, à manifester, ces dernières années, leur appui à la construction démocratique en Haïti ne serait qu’une stratégie de surface, en relation aux séquelles de la première invasion étasunienne dans le pays, du 28 juillet 1915 au 21 août 1934, qui a surtout apporté le totalitarisme et le déséquilibre.
C’est ce qui se dégage des observations, faites par le professeur et historien haïtien Pierre Buteau, dans une analyse, à l’agence en ligne AlterPresse, du comportement étasunien il y a cent ans (durant la période d’occupation ayant suivi 1915).
Certaines idées et pratiques, issues de cette première période d’occupation, continueraient de peser lourd sur la république d’Haïti.
Ayant été fermentée dans le laboratoire américain, sous le couvert d’apporter la démocratie, l’ordre et la stabilité au pays, l’occupation américaine a, en réalité, été « une entreprise à caractère totalitaire », explique le professeur Buteau.
Elle a été « l’absorption totale de la vie d’un peuple (haïtien) par une grande puissance, qui a imposé son propre ordre, via une politique totalitaire ».
Cette politique totalitaire a commencé par « bloquer le fonctionnement des institutions et neutraliser les actrices et acteurs politiques, défenseurs (notamment) des valeurs sociales et culturelles haïtiennes ». .
Même « la presse a été attaquée », souligne le professeur Buteau, rappelant combien les Américains ont interdit, aux médias, de dénoncer la ligne politique de l’occupant, sous peine d’emprisonnement des journalistes et de l’annulation des patentes de ces médias.
Une attaque criante à la liberté d’expression, dont s’inspira François Duvalier, en reprenant les grandes lignes, plus d’une vingtaine d’années plus tard, à partir de 1957, en instituant une dictature féroce, avec les mêmes idées d’oppression et d’obscurantisme, et en comptant sur l’appui des dirigeants étasuniens.
La dissolution du parlement haïtien, pendant la période de l’occupation américaine révèle encore cette intention dictatoriale.
En clair, « les Américains n’ont jamais apporté la démocratie, mais ils ont, surtout, (fécondé) un régime totalitaire », déclare l’historien Pierre Buteau, paraphrasant l’écrivain haïtien (il fut également enseignant, essayiste, historien et diplomate) Dantès Louis Bellegarde (Port-au-Prince 18 mai 1877 - Port-au-Prince 16 juin 1966), auteur des ouvrages « L’occupation américaine d’Haïti » et « L’occupation américaine d’Haïti, sesconséquences morales et économiques », respectivement parus aux Editions Chéraquit, en 1924 et en 1929.
Aujourd’hui encore, en 2015, les institutions politiques haïtiennes, détruites dans leur essence, continuent leur décadence.
Autre contrecoup de la première intervention étasunienne en Haïti, c’est le débalancement des positions entre les républiques domicaine et haïtienne.
« Pendant tout le XIXe siècle, Haïti et la République Dominicaine avaient (entre eux) un certain équilibre (…) », qui « allait être rompu au profit du projet impérialiste des États-Unis d’Amérique qui ont imposé leurs propres règles ».
Les dirigeants américains ont, alors, décidé d’implanter des usines à Saint-Domingue et ont transformé les paysans en ouvriers agricoles.
Une division régionale du travail, qui a porté « l’économie de la zone (à devenir) assujettie à l’intérêt des États-Unis d’Amérique » et a transformé Haïti en une arrière-cour. [srh kft rc apr 27/07/2015 13:40]