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La Presse doit continuer à s’accrocher aux valeurs éthiques et démocratiques dans la présente conjoncture

Communiqué du GRALIP

Soumis à AlterPresse le 27 octobre 2004

Le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la Presse (GRALIP)
invite les consœurs et confrères de la Presse indépendante évoluant en Haïti
à demeurer vigilants dans cette conjoncture combien dangereuse et à 
continuer à promouvoir la juste cause d’une information libre, honnête et
responsable dans le sens d’une vraie construction démocratique.

Après avoir observé un ensemble de pratiques dans les médias ces dernières
semaines, le GRALIP, sans vouloir jeter la pierre à quiconque, croit
nécessaire de convier les consœurs et confrères à méditer sur les valeurs
éthiques et démocratiques associées à l’exercice de la profession de
journaliste.

Le GRALIP constate que certains médias se sont convertis, peut-être sans le
vouloir, en porte-parole de groupuscules ultraviolents qui s’avisent, sous
prétexte de « revendications populaires », de violer systématiquement les
droits de la population et de menacer les fondements de l’Etat et de la
société en défiant la loi, le droit et la civilisation humaine.

Le GRALIP s’interroge sur la finalité politique du travail d’une douzaine de
médias (stations de radio et de télévision, publications hebdomadaires,
agences de presse locales et internationales), transformés, à des degrés
divers, en de véritables caisses de résonance de la propagande mensongère et
d’une rhétorique politique guerrière et revanchiste, tendant au-delà du
discours à épouser sur le terrain les formes, les méthodes les plus cyniques
du fascisme.

Oublieux des principes professionnels de distance et recul critique
vis-à -vis des faits, de ceux relatifs à la recherche de la diversification
des informations pour ne pas faire le jeu des adeptes de l’intoxication
planifiée, ces médias contribuent ainsi à justifier les actes
répréhensibles, dont le terrorisme, et font alors preuve d’une allégeance
politique aveugle. Aux yeux du GRALIP, de tels comportements risquent de
discréditer la profession de journaliste dans le pays.

A titre d’exemples, le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la
Presse voudrait se référer à la diffusion, sur les ondes à Port-au-Prince,
des ultimes déclarations pathétiques du citoyen DIEULANNE LAGUERRE, quelques
instants seulement avant sa décapitation, le mardi 5 octobre 2004, par des
chimères lavalas hors-la-loi du quartier du Bel Air, un crime odieux commis,
en plein jour, au mépris de la Constitution, des lois de la République, des
conventions internationales, des principes élémentaires du respect de la vie
et de la dignité humaines.

Le GRALIP note qu’une minutieuse division du travail permet à la mécanique
politique lavalas d’opérer sur plusieurs paliers, simultanément ou
alternativement : dirigeants politiques, journalistes, directeurs de
conscience, défenseurs des droits humains et hommes de main.

Fort de ce constat, le GRALIP s’en remet au jugement, au sens civique, à la
responsabilité morale, au leadership social des consœurs et confrères de la
presse indépendante, en vue d’éviter la répétition d’interviews de
complaisance avec des bandits instrumentalisés, qui devraient subir la
sanction sociale et être tout simplement interdits d’antenne. Faut-il
rappeler que l’exercice du droit de censure, dans des cas aussi extrêmes,
relève exclusivement de la compétence des médias.

Dans cet état de guerre non déclarée, où les membres de la presse
indépendante sont particulièrement visés par les bandes armées pro Aristide,
le GRALIP recommande aux consœurs et confrères, de pratiquer l’extrême
prudence et la rigueur professionnelle, sans pour autant renoncer à leur
responsabilité d’informer honnêtement le public.

Le GRALIP en profite pour adresser ses plus vives sympathies à la
co-présentatrice du Téléjournal de la Télévision Nationale d’Haïti (TNH),
LYNELLA ANDRE, qui a échappé in extremis à la mort, après que son véhicule
eut été incendié, à Martissant, banlieue sud de la capitale, par des
brigands lavalas le vendredi 1er octobre 2004.

Et pour cause, certains quartiers de la capitale sont devenus des zones de
non droit où les journalistes indépendants sont considérés par les bandes
armées comme des indésirables qui méritent tout simplement la décapitation.

Dans ces conditions, la Presse indépendante est dans l’impossibilité de
rendre compte du drame auquel les citoyennes et citoyens de ces quartiers
sont confrontés au quotidien.

Les mêmes sentiments du GRALIP vont également à Télé Haïti, dont deux
véhicules ont été attaqués par des bandits armés et cagoulés à Delmas 24
(banlieue nord de Port-au-Prince) et au niveau du tronçon compris entre la
4e et la 5e avenue Bolosse (banlieue sud) le 26 octobre 2004, et au
photoreporter du journal Le Matin, JEAN-JACQUES AUGUSTIN, agressé dans
l’exercice de son métier au début du mois d’octobre à Port-au-Prince.

Par ailleurs, le GRALIP proteste contre les déclarations du chef militaire
de la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), le
général brésilien AUGUSTO HELENO RIBERO, accusant la presse haïtienne d’être
à l’origine du chaos en rendant compte de la gravité et de la laideur des
événements.

Le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la Presse estime
urgente la fin de la pollution des ondes par des déclarations incendiaires,
et la minimisation de l’influence de la délinquance médiatique foncièrement
populiste et antidémocratique.

Pour le GRALIP,

Vario Sérant, Coordonnateur principal

Stéphane Pierre-Paul, Assistant Coordonnateur

Ronald Colbert, Administrateur