Par Stephen Ralph Henri
P-au-P, 17 juil. 2015 [AlterPresse] --- Le sociologue Hérold Toussaint, ayant participé à la rédaction de l’ouvrage bilan, sur l’occupation américaine et ses conséquences sur la société, met l’accent sur les paysans comme les premières victimes de cette invasion américaine et appelle à une éducation à l’altérité pour la création de l’harmonie sociale.
« La principale victime de cette invasion américaine ce sont les paysans. Nous les avions (antérieurement) humiliés et les Américains n’ont fait que renforcer le mépris », soutient Hérold Toussaint.
Revenant sur l’histoire d’Haïti, après l’indépendance, le professeur Toussaint, souligne que les élites à tous les niveaux avaient « institué le mépris de l’autre, notamment des plus vulnérables, des plus défavorisés, (et surtout) le mépris de la paysannerie ».
Pour lui, la situation n’a fait que s’envenimer avec le débarquement de 1915, car les envahisseurs ont voulu bloquer la route à l’influence européenne en Haïti, essentiellement celle de la France et de l’Allemagne.
La restauration de la méthode des corvées, l’obligation faite aux paysans de travailler au moins 10 heures par jour sans relâche, la répression militaire et les massacres, les déportations ainsi que des expropriations en masse ont servi de moyens pour détruire les paysans, en première ligne de la résistance contre l’occupant.
Selon l’historien Michel Soukar, alors que le pays comptait environ 2 millions d’habitants à l’époque, entre 5 mille et 15 mille paysans ont perdu la vie dans le camp de concentration de Chabert, installé par les Américains.
Tous ceux qui étaient contre l’occupation ou qui étaient soupçonnés de rébellion ont été fusillés. Le Sud reste le département ayant connu la plupart des crimes américains.
Les séquelles de l’occupation américaine sur la société haïtienne sont encore vivaces, suivant les déclarations sociologue Hérold Toussaint.
Le phénomène de la migration des Haïtiens des Haïtiens dans les autres pays de la région caribéenne, en particulier la République Dominicaine et Cuba, en est un exemple, car il a commencé avec l’occupation.
« Privés de terre et de conditions de travail, les paysans n’ont eu d’autres alternatives que d’aller vendre leur force de travail » à Cuba et à la République Dominicaine, où se développaient de grandes usines étasuniennes à l’époque.
Hérold Toussaint attribue le début de l’actuel problème migratoire qui oppose Haïti et son voisin dominicain à ces déplacements qui ont été faits suivant une double filière légale et illégale.
« Ce que nous vivons aujourd’hui, ces rapatriements tirent leur origine de l’occupation américaine (…) C’est quelque chose qui a commencé en 1915. Et nous payons les conséquences aujourd’hui », juge Toussaint.
Il plaide en faveur d’une éducation à l’altérité pour éviter que de nouvelles conditions soient créées pour l’exploitation d’autres Haïtiens.
« Une éducation à l’altérité », pour le respect de soi et des autres, spécialement, les plus faibles est ce que prône Hérold Toussaint.
Aussi, faut-il que toutes « les élites, noire, mulâtre, syro-libanaise, présentes dans la population haïtien, décident de chercher ce qui les unit à la masse paysanne et trouver une méthode pour humaniser l’espace haïtien ».
Une démarche qui doit être une responsabilité historique, qui ne doit pas attendre l’intervention de la communauté internationale.
Les États-Unis devraient également présenter des excuses au peuple haïtien pour tous les torts infligés au pays. [srh kft gp apr 17/07/2015 10:45]