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Haïti-Genre : Plaidoyer en faveur du droit à la justice pour les femmes victimes de violence

Par Jean Elie Paul

P-au-P, 11 juil. 2015 [AlterPresse] --- Cinq organisations de droits humains ont tenu, ce vendredi 10 juillet 2015, un atelier plaidant en faveur du droit à la justice des femmes, victimes de violence basée sur le genre, dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, a observé AlterPresse.

Ont pris part aux échanges plusieurs représentantes et représentants - évoluant, notamment, dans la justice, la police et la santé - des communes de Port-au-Prince, de Martissant (secteur sud), de la Croix-des-Bouquets et de Delmas (municipalités au nord-est de la capitale), de Cité Soleil (nord), Carrefour (municipalité au sud) et Pétionville (municipalité à l’est de la capitale).

Les informations véhiculées exposent des indicateurs et des signaux, qui montrent l’ampleur de la violence basée sur le genre, surtout des difficultés d’y remédier.

« Jusqu’à maintenant, il n’y a pas une politique globale, pour que l’État puisse intervenir. Des actions ont été faites, mais de façon désordonnée », critique Olga Benoît, en charge de l’axe « violence de genre » au sein de Solidarite fanm ayisyèn (Solidarité des femmes haïtiennes/Sofa).

À titre indicatif, 635 femmes, qui ont subi des violences liées au sexe, ont été accueillies, d’avril à décembre 2014, par 5 organisations évoluant dans diverses zones.

Référées dans des services médico-légaux ou psychosociaux, ou des services judiciaires (parquets, tribunax de paix), près de 98% de ces personnes ont éprouvé des difficultés à obtenir les services que nécessitaient leurs cas.

Le principal blocage réside surtout dans le système judiciaire et dans certains hôpitaux, d’après les informations recueillies par les agents dans les différents centres.

Souvent, quand les femmes, victimes de violence basée sur le genre, font face à ces contraintes, elles abandonnent le processus de plaintes et réparations.

« Dans la commune de la Croix-des-Bouquets, la justice apparaît comme une institution qui ne fonctionne pas. Les causes de ce dysfonctionnement paraissent dans la carence institutionnelle, en relation avec la méthode, la façon dont on nomme les juges, qui ne respecte pas les critères institutionnels », critique la Sofa.

Dans cette municipalité, des pratiques de corruption sont monnaie courante.

Les juges ont tendance à soutirer de l’argent aux victimes, par exemple lors de l’exécution d’un mandat. En plus, ils sont souvent absents des tribunaux.

Les cas de plaintes des femmes, victimes de violence basée sur le genre, sont souvent renvoyés à la huitaine.

« La lenteur du système judiciaire constitue un problème. Certains juges encouragent l’entente entre victimes et agresseurs. Il y a un manque de discrétion dans le traitement des dossiers. Souvent, l’intimité de la personne n’est pas respectée. En maintes fois, les tribunaux refusent d’accepter les certificats médicaux », énumère la Sofa.

L’État a pour devoir de donner des services. L’État doit fixer un tarif concernant le certificat médical, appliquer des mesures disciplinaires.

Il faut de véritables programmes de formation pour les différents acteurs dans la justice.

Il y a, dans tous les commissariats, des policiers formés afin d’accueillir les personnes qui sont victimes de violences basées sur le genre, soutient Marie Louise Gauthier, commissaire divisionnaire et responsable de la coordination nationale des affaires féminines, des questions de genre et des violences sexuelles au sein de la Police nationale d’Haiti (Pnh).

Ces policières et policiers nationaux accompagnent les femmes victimes jusqu’au niveau de la justice.

Par exemple, dans les commissariats de Delmas 33, de Croix des Bouquets, de Cité Soleil et d’autres, il y a des policiers nationaux ayant une formation spéciale sur les questions de genre.

Mille policières et policiers nationaux ont déjà suivi des sessions de formation basées sur le genre, indique Marie Louise Gauthier.

Mais, l’unité basée sur le genre, au sein de la Pnh, fait face à un manque de moyens depuis sa création en 2005, souligne la commissionnaire divisionnaire.

Le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (Mcfdf) devrait encadrer l’unité en charge des affaires féminines, des questions de genre et des violences sexuelles au sein de la Pnh, pour quelle puisse obtenir les moyens nécessaires à son fonctionnement, à l’instar des nouvelles structures, notamment le Politour associé au Ministère du tourisme et des énergies créatives, ainsi que l’Édupol supporté par le Ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (Menfp), souhaite Marie Louise Gauthier.

L’atelier de plaidoyer, du vendredi 10 juillet 2015, en faveur du droit à la justice des femmes, victimes de violence basée sur le genre, dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, a été réalisé sous les auspices du Groupe d’appui aux services de la communauté haitienne (Gasch), de l’organisation Action communautaire, solidarité intervention sociale (Acsis), du Réseau protection dans la zone de Santo, de Oganizasyon Fanm Sipò (Ofas) et de la Sofa. [jep kft rc apr 11/07/2015 1:30]