Español English French Kwéyol

De Genève à Tunis : Faire respecter le droit à la communication

Par Christian Leduc

D’après une interview réalisée par Gotson Pierre avec Myriam Horngreen, reponsable d’un plaidoyer mondial sur le droit à la communication

P-au-P., 25 oct. 04, [AlterPresse] --- La croissance fulgurante de l’Internet et la mondialisation de l’information amènent à des questionnements sur l’accès à la libre communication des idées au Nord comme au Sud.

Myriam Horngreen, Coordinatrice du programme des droits à la communication dans la société de l’information (CRIS) et chargée de réseautage à l’Association mondiale pour la communication chrétienne (WACC), confie à AlterPresse ses préoccupations sur la question du droit à la communication, environ un an avant le second Sommet sur la Société de l’Information, prévu à Tunis (Tunisie) en 2005.

« Les enjeux sont très clairs », déclare Horngreen, qui les résume par « l’incorporation d’une dimension sociale et des droits de l’Homme dans toute construction de la société de l’information ».

Sur ce point, Horngreen se rappelle les discussions, au Sommet mondial de Genève (Suisse - décembre 2003), qui relevaient « clairement les failles Nord-Sud sur les priorités politiques et sociales » avec l’emphase que les gouvernements ont mis sur la technologie plutôt que sur le droit dit de la communication.

Au fil des années et dans le processus d’échanges au niveau des secteurs sociaux, les principaux éléments du droit à la communication ont été déterminés comme étant : les libertés d’opinion, d’expression, de diffusion, d’information ainsi que le droit d’accès (aux) et l’usage des médias et des technologies de l’information et de la communication.

« Les gouvernements, en général, ont été réfractaires et ont préféré un discours beaucoup plus technologique », indique Mme Horngreen. « Pour la société civile, la technologie n’est pas une solution, mais un moyen pour aider à la réduction ou l’élimination de la pauvreté », ajoute-t-elle.

« Nous sommes cependant en train de voir une coopération plus large dans le Sud pour se lever et essayer de faire respecter ses propres intérêts face au Nord. C’est un réveil et une coopération Sud-Sud qui est en train de se prouver vraiment efficace », estime-t-elle.

Ce type de coopération s’est, en partie, réalisé à travers le CRIS, qui gagne en popularité, en particulier chez les médias du Sud. « Nous sommes une coalition d’organisations internationales de réseaux de réseaux. Nous agissons à travers notre réseau qui est international, mais qui travaille aussi au niveau des radios communautaires », précise Myriam Horngreen.

« C’est une question d’assurer dans les médias une diversité qui représente les différents points de vue de la société. Ce n’est pas ce qui est en train de se passer », déplore Horngreen. « Nous voyons donc un contenu qui devient de plus en plus uniforme et avec un impérialisme culturel très fort », constate-t-elle.

En réalité le monde médiatique est sous l’emprise du marché et « tout se passe en fait à des niveaux très glauques », souligne Myriam Horngreen. « Par exemple, Rupert Murdoch (PDG de Fox) a entrepris des négociations personnellement avec le gouvernement chinois ».

Néanmoins, la Coordinatrice de CRIS a tenu à faire remarquer qu’elle ne nourrit aucune appréhension par rapport à la nature du média privé, si non qu’au démantèlement progressif de tout cadre réglementaire. « Le média privé en lui-même n’est pas mal, mais rien ne régit son développement », a-t-elle indiqué.

Interrogée sur l’expansion de la concentration de la presse, Horngreen répond que « le problème ne réside pas dans la concentration elle-même, mais dans ceux qui en bénéficient ». « Les conglomérats ne sont redevables qu’à ceux qui peuvent se permettre de payer. Et eux, ce qu’ils veulent, c’est un rendement. Les besoins de la majorité ne sont donc pas représentés », poursuit-elle.

Face à cette expansion, certains doutent de la pertinence de continuer à investir dans les médias publics, mais Horngreen n’est pas de cet avis. « On ne solutionne jamais un problème en l’effaçant, on le solutionne quand on le regarde en face », estime-t-elle. « Une revue des services publics : Oui. Une élimination des services publics : Non, absolument pas », martèle-t-elle.

A Tunis 2005, le droit à la communication doit être réaffirmé et remis sur la table, préconise Myriam Horngreen, car, « communiquer est à la base du processus de démocratisation », considère-t-elle. « C’est parce que nous pouvons échanger librement que se crée un idéal de démocratie ». [cl gp apr 25/10/2004 19:40]