Correspondance Jéthro-Claudel Pierre Jeanty
Ouanaminthe, 24 juin 2015 [AlterPresse] --- Le premier ministre haïtien, Evans Paul, critique les autorités dominicaines, qui n’ont pas accepté la proposition de la partie haïtienne d’utiliser deux zones officielles de passage pour les rapatriements, à savoir Ouanaminthe (Nord-Est d’Haïti) et Malpasse (Ouest d’Haïti) frontalière avec Jimani (côté dominicain), ni d’informer les autorités haïtiennes sur les personnes (et leur statut) qui seront rapatriées.
« La république voisine est en train d’utiliser surtout les 141 points de passage non-officiels, éparpillés sur les 360 kilomètres de la frontière. Ce qui complique la situation des personnes expulsées et rend encore plus difficile toute intervention de l’Etat haïtien en faveur de ces personnes. Car, ce sont des zones difficiles d’accès », explique le premier ministre.
Paul a fait ces déclarations lors d’une visite effectuée, le mardi 23 juin 2015, [1] à Ouanaminthe (commune du département du Nord-Est), frontalière avec la province de Dajabón (côté dominicain).
Le premier ministre haïtien rejette l’expression « retour volontaire », utilisée pour qualifier l’arrivée massive des migrantes et migrants haïtiens sur le territoire national, depuis la mi-juin 2015.
« Les Dominicains créent une psychose de peur chez les ressortissants haïtiens habitant leur territoire. C’est ce qui provoque ce retour en masse », considère Evans Paul,
Le premier ministre haïtien dénonce également « une campagne de propagande, enclenchée en République Dominicaine et faisant circuler de fausses informations sur Haïti. Ces rumeurs laisseraient croire que le président haïtien aurait demandé de lui envoyer les Haïtiens ».
Quoi qu’il en soit, les Dominicaines et Dominicains, déchus de la nationalité dominicaine par l’arrêt 168-13 de la Cour constitutionnelle dominicaine, qui sont expulsés vers Haïti, seront pris en charge d’un commun accord avec la communauté internationale, annonce Evans Paul.
Menaces et violences omniprésentes, en plus de la poursuite de voyages clandestins
Widely Jean, qui venait à peine de traverser la frontière, a fait savoir au premier ministre qu’il a tous les documents lui permettant d’habiter légalement en République Dominicaine.
Mais, il est obligé d’abandonner le territoire voisin à cause des dangers qu’il y court.
« Mon visa dominicain est encore valide pour 10 mois. Je vais profiter de ce temps pour aller chercher mes bagages dans la ville de Santiago de Los Caballeros », dit-il.
Widely Jean rapporte avoir vu à la télévision des images d’Haïtiens subissant des violences.
D’autres ressortissants, interrogés par le premier ministre et son équipe, ont, tous, fait état d’une pression grandissante et intenable de l’autre côté de la frontière.
Les ressortissants haïtiens continuent d’entrer, de façon irrégulière, en territoire voisin, signale, de son côté, l’organisation Service jésuite aux migrants/Solidarite fwontalye (Sjm/Sfw).
Ces voyageurs clandestins sont victimes de toutes sortes de violence, tels viols et bastonnades.
« Pour ces voyages, les migrants auraient versé 3,500.00 pesos (Ndlr : 1 peso dominicain = 1.15 gourde ; US $ 1.00 = 53.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes aujourd’hui) pour un adulte et 4,500.00 pesos pour un enfant, sans grande possibilité d’arriver à destination », souligne Firdwisse Surfin, responsable des droits humains pour la frontièreà Sjm/Sfw.
2,837 personnes recensées en une seule journée à Ouanaminthe
« Pour la seule journée du lundi 22 juin 2015, la protection civile a recensé 2,837 personnes en situation de retour forcé », indique le directeur départemental (Nord-Est) de la protection civile, Tony Denis.
Il existe un manque de coordination entre les institutions étatiques intervenant dans l’accueil des personnes rapatriées. Les chiffres de la protection civile seraient différents de ceux de l’immigration.
Des écarts, que le premier ministre promet de corriger immédiatement.
La direction départementale de la protection civile a déjà reçu un stock de 150 matelas et 400 kits alimentaires pour faire face aux vagues successives de déportation.
Le gouvernement haïtien n’envisagerait pas de construire un centre d’accueil à Ouanaminthe. Les structures appropriées, existantes dans la communauté, seront plutôt utilisées pour répondre aux besoins, selon les informations recueillies par AlterPresse. [jcpj kft rc apr 24/06/2015 17:25]
[1] Accompagné, entre autres, du ministre de l’intérieur et des collectivités territoriales, Ariel Henry, du défenseur des droits humains, Gédéon Jean qui est membre de la commission mixte (composée de membres du gouvernement et de la société civile), Evans Paul a visité la frontière de Ouanaminthe-Dajabón. Plusieurs institutions étatiques y sont installées, depuis le lundi 22 juin 2015, pour organiser l’accueil des migrants haïtiens qui retournent en Haïti, sous menace de Dominicains.
Pendant sa visite, Evans Paul s’est entretenu avec des agents du ministère de la santé publique, des agents de la protection civile, des responsables d’organisation de défense des droits humains déployés sur la frontière, des agents exécutifs intérimaires, des vice-délégués ainsi que des membres de Conseils d’administration de sections communales (Casec).