P-au-P, 17 juin 2015[AlterPresse] --- La dépréciation accélérée de la gourde face au dollar (américain), est liée à la gestion vague et opaque des ressources financières par l’actuelle équipe au pouvoir, estiment des économistes haitiens.
Ces économistes mettent aussi en relief d’autres facteurs à la base de cette dépréciation comme l’application aveugle des politiques néolibérales.
Il faut actuellement 52 gourdes pour acheter un dollar américain.
Dans l’immédiat, cette dévalorisation de la gourde face au dollar est une conjugaison de la « gestion fantaisiste et irresponsable » de l’actuelle équipe au pouvoir, avance l’économiste et professeur d’Université, Camille Chalmers, dans une interview accordée à AlterPresse.
Le pouvoir a effectué une « gestion approximative des fonds publics ».
L’économiste revient sur « l’organisation d’activités festives extra-budgétaires » et plus encore, dit-il, c’est une équipe qui a décidé de fonctionner avec des « budgets complètement illégaux ».
Les budgets pour les années fiscales 2013-2014 et 2014-2015, n’ont jamais reçu l’approbation du Parlement haïtien.
Ils ont été adoptés et appliqués par le gouvernement sans la bénédiction effective du sénat et de la chambre des députés, avant le dysfonctionnement du parlement le 12 janvier dernier.
L’augmentation des frais administratif et une logique d’allocation des fonds qui ne tient pas compte des intérêts nationaux sont parmi les faits avancés par Camille Chalmers.
Des contrats extrêmement importants paraphés sans appels d’offres, ajoutés à des dépenses somptuaires du gouvernement, sont autant d’éléments qui grossissent la liste, selon lui.
Pour sa part, le président de l’association des économistes haïtiens qui privilégie les facteurs structurels, juge que le gouvernement en place aurait pu agir sur certains facteurs et ralentir cette dépréciation de la gourde.
« L’équipe au pouvoir aurait pu faire mieux en mettant sur pied une banque de crédit. Mais ils ont fait comme les autres », déclare Labossière.
Les dirigeants actuels sont responsables de cette dépréciation de la gourde dans la mesure où ils n’ont pas entrepris les réformes nécessaires à l’économie.
L’économiste affirme qu’une partie des « fonds de Pétrocaribe (facilité de financement vénézuélien) pourrait être consacrée à mettre sur pied une banque d’investissements ».
Des soupçons pèsent sur les dirigeants quant à leur gestion de ce fonds, dénonce-t-il.
Sur la conjoncture politique, Eddy Labossière, pense que « les hommes politiques (ceux qui vont laisser le pouvoir) ne savent pas ce que réserve l’avenir, (…) ils amassent (en conséquence) des dollars ».
C’est un pays qui « perd continuellement sa capacité de production même dans les secteurs agricole et manufacturière », souligne Labossière.
Les derniers chiffres sur les activités économiques du pays indiquent que le pays exporte pour 1 milliard de dollars, contre 4 milliards pour l’importation.
« Un petit groupe de nantis contrôle l’économie. Quand ils gagent leurs profits, ils convertissent les gourdes en dollars, pour l’exporter à l’étranger », déplore Labossière.
Dans la perspective de la loi de l’offre et de la demande, le dollar étant très demandé, il devient de plus en plus rare et gagne en valeur.
Camille Chalmers regrette de son côté que « la banque centrale n’a mis aucun mécanisme pour parvenir à freiner cette fuite de capitaux ».
Il préconise un « changement radical (dans les rapports) entre l’État et la nation », entre « l’État et les classes impérialistes ».
Une classe politique différente, déterminée à « sortir le pays sous le joug du néo-libéralisme », dessinant une « nouvelle direction économique et politique qui tiennent compte simplement de l’intérêt national », est aussi sine qua non.
« Il faudra remplacer les rentiers (…) créer des banques capables de faire des crédits à l’investissement », recommande Labossière.
« Il faut un véritable changement avec des réformes de la finance publique, du système bancaire et de la justice », ajoute-t-il.[srh emb gp apr 17/06/2015 12:00]