P-au-P, 08 juin 2015 [AlterPresse] --- Une rencontre entre les chanceliers haïtien et dominicain, Andrés Navarro et Lener Renauld, à Port-au-Prince, n’a pas suffi pour éloigner la menace de déportation des migrants haïtiens, vivant de manière illégale en République Dominicaine, au moment où le processus se complique.
Le chancelier dominicain a assuré qu’il n y aura pas de déportation massive vers Haïti et que le processus de rapatriement se fera graduellement.
Mais, la coordination du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr) craint que cette affirmation ne vise qu’à préserver l’image de la République Dominicaine.
Andrés Navarro et Lener Renauld se sont rencontrés, le samedi 6 juin 2015, à Port-au-Prince, et ont abordé la question de la déportation des Haïtiens sans papiers en territoire dominicain.
Andrés Navarro a fait savoir que 239,368 étrangers sont déjà inscrits dans le Plan national de régularisation des étrangers (Pnre) en République Dominicaine, dont 222,033 Haïtiens, soit 96% des demandes liées à Haïti.
D’ici le 17 juin 2015, date à laquelle le Pnre arrivera à terme, les autorités dominicaines envisagent que le nombre des inscrits passera à 250 mille personnes.
Déjà, le ministre Lener Renauld avait souligné qu’il est « un droit », pour la République Dominicaine, de régulariser sa situation migratoire, et un « devoir », pour les Haïtiens, de recevoir leurs compatriotes.
Une affaire, qui ne semble pas, néanmoins, aussi simple.
La coordination du Garr estime que la majorité des 96 % de gens, identifiés comme des migrants haïtiens ayant fait la demande de régularisation auprès des institutions dominicaines, sont des victimes du décret de la Cour constitutionnelle dominicaine.
En date du 23 septembre 2013, la Cour constitutionnelle dominicaine a arrêté que tous les Dominicains, nés de migrants à partir de 1929, perdaient la nationalité dominicaine.
« À notre avis, la majorité (des 96%) sont des Dominicains dénationalisés. », déclare à AlterPresse Saint-Pierre Beaubrun, coordonnateur du Garr.
« Il est important, pour les autorités haïtiennes, de demander aux dirigeants dominicains de séparer les victimes, de la sentence de septembre 2013, de ceux qui sont effectivement des migrants haïtiens », ajoute le responsable du Garr.
« Un dominicain dénationalisé expatrié est un apatride. Il ne faut pas mélanger ces gens », souhaite Saint-Pierre Beaubrun.
Ce doute du Garr s’explique à partir du fait que les autorités haïtiennes n’ont pu délivrer que 52 mille documents, aux Haïtiens qui vivent sans papiers en République Dominicaine, à travers le Programme d’identification et de documentation des Haïtiens (Pidih).
Or, pour intégrer le Pnre, de manière légale, les étrangers doivent montrer des documents d’identification de leurs pays d’origine.
« C’est juste pour soigner leur image », face aux pays de la communauté internationale, et pour ne pas bloquer brusquement des secteurs économiques de leur pays qui vivent de la main-d’œuvre haïtienne, que les responsables dominicains affirment ne pas envisager une déportation massive.
Le Garr déplore aussi qu’aucune structure d’accueil n’ait, jusqu’à présent, été créée pour recevoir celles et ceux qui seront déportés.
Le Réseau jésuite pour les migrants (Rjm), regroupant les jésuites des deux républiques, questionne l’efficacité des deux programmes : le Pnre, mis en œuvre par les dominicains, et le Pidih, réalisé par les autorités haïtiennes.
Le Rjm appelle à une évaluation des résultats trouvés à partir de ces programmes.
Le Réseau jésuite pour les migrants déplore surtout les déportations, conduites en dehors de toute légalité.
Il appelle les dirigeants dominicains à punir, suivant leurs lois, tous ceux qui sont auteurs de ces déportations illégales, en particulier les militaires dominicains.
Le Rjm conseille aux gouvernants haïtiens « de créer, le plus rapidement possible, les conditions de sécurité et de réception pour assurer un accueil décent aux personnes déportées (…) à leur arrivée à la frontière ».
Les pays de la communauté internationale sont exhortés, par le Rjm, à s’assurer que tout se processus se réalise suivant le respect des droits de toutes les personnes à risque d’être expulsées de la République Dominicaine, à partir du moment où le Pnre arrivera à terme.
Le Pnre prend fin le mercredi 17 juin 2015, à 4 heures de l’après-midi (20:00 gmt).
Une prorogation de 45 jours sera observée en vue de travailler sur les derniers dossiers reçus. [srh apr 08/06/2015 15:20]